Le nom de Rakeem Cato est sur toutes les lèvres après ses retentissants débuts professionnels dans la victoire des Alouettes, vendredi soir, face aux champions en titre de la Coupe Grey, les Stampeders de Calgary.

Dans le camp montréalais, on nageait un peu dans l’inconnu avant cette rencontre, ne sachant pas trop à quoi s’attendre du quart recrue.

Ai-je besoin de préciser que c’était un match drôlement important, car c’était un deuxième match de suite à domicile pour amorcer le calendrier. Un deuxième revers encaissé avant même d’évoluer sur la route aurait pu en quelque sorte briser les reins de l’équipe.

Cette grosse victoire, qu’on peut qualifier de victoire d’équipe, a véritablement été une « tempête parfaite » pour les troupiers de Tom Higgins, en ce sens que toutes les facettes du jeu ont été mises à contribution et ont répondu avec panache.

On entendait Higgins proposer aux reporters cette semaine l’idée que son équipe devait avoir le dessus dans au moins deux des trois aspects (attaque, défensive, unités spéciales) afin de disposer d’une réelle chance de vaincre les Stamps. En disant ça, je crois qu’il ignorait que ce serait plutôt les trois facettes de la confrontation que sa formation allait dominer! Quoi demander de mieux comme scénario?

Tout ce beau monde a travaillé de façon collective et s’est entraidé pour arriver au résultat que l’on connaît. C’est comme si chacun s’était rallié derrière le jeune général, car non seulement a-t-on généré beaucoup d’offensive, mais l’unité défensive a aussi été avare, ne concédant que 11 points, et aucun en première demie.

Les unités spéciales des Alouettes ont pour leur part gagné la bataille du positionnement pendant de longues séquences de l’affrontement, facilitant ainsi à leur manière le boulot de Rakeem Cato.

Samuel Giguère et Cody HoffmanInversement, je crois que Cato a lui aussi à sa manière donné de l’espoir à ses coéquipiers avec une première séquence offensive fracassante. C’était un bel incitatif pour que chacun ait le désir d’en faire plus pour lui, un effet boule de neige si on veut.

Marc Trestman, qui a fait l’honneur de sa présence au Stade Percival-Molson, avait l’habitude de répéter durant ses années à la barre des Alouettes qu’avec un quart-arrière capable de maintenir l’espoir par l’efficacité de son jeu, la confiance de l’équipe s’en porte toujours mieux. Pour un match – car il est beaucoup trop tôt pour extrapoler et présumer qu’il en sera de même semaine après semaine – Rakeem Cato a donné beaucoup d’espoir à ses coéquipiers.

Maintenant que son premier testa été passé avec brio, un deuxième l’attend dans le détour, c’est-à-dire un départ dans l’environnement hostile d’un terrain adverse, vis-à-vis une équipe ayant eu le loisir de décortiquer le plan de match des Alouettes sur bandes vidéo. N’oublions pas que Calgary n’avait pas la moindre idée de ce que Cato lui réservait. Il n’aura pas le même luxe la prochaine fois…

Préparation et ajustements

Les entraîneurs ont une grande part de mérite pour la préparation exemplaire des joueurs. Le plan de match comprenait beaucoup de jeux au sol, un bel équilibre. On s’est assuré que Tyrell Sutton (qui a réalisé des gains de 134 verges) et la ligne à l’attaque aient un rôle prépondérant à jouer afin de rendre l’attaque moins prévisible, et la tactique a fonctionné à merveille.

Dans de telles conditions, c’est plus facile pour un quart de se distinguer. Le fait de garder l’adversaire sur les talons donne plus de latitude au jeu aérien.

On avait mis en place une stratégie permettant à Cato de faire avancer le ballon sans prendre trop de risques, et à mon avis, la première séquence l’illustre parfaitement. Celle-ci s’est soldée par un touché après que Cato ait complété avec succès ses cinq tentatives de passe.

Quelle distance ont parcouru ces passes? La première, à Samuel Giguère, était de 9 ou 10 verges. La suivante a été décochée à la ligne d’engagement vers S.J. Green, qui s’est chargé de récolter 20 verges après l’attrapé. La troisième a été une passe en demi-lune, derrière la ligne de mêlée, à l’intention de Sutton, qui est allé chercher 12 verges de gains. Nik Lewis a ensuite été le receveur visé lors de la quatrième. Cato a battu le blitz et remis 8 verges plus loin à Lewis, qui a été arrêté 15 verges plus loin. Finalement, le touché de Giguère a été inscrit sur un jeu de 6 verges. Bref, on remarque une tendance lourde... 49 des 72 verges cumulées ont été le fruit de jeux après l’attrapé, soit l’équivalent de 68 % des gains de la séquence!

Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu une première série à l’attaque menée de façon aussi chirurgicale par un quart des Alouettes. Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec l’ère Trestman-Anthony Calvillo, durant laquelle c’était pratiquement la norme sur la première séquence offensive. J’ai aussi aimé la façon de construire la première série au troisième quart.

En principe, les Stampeders auraient dû avoir le temps de compléter quelques ajustements à la mi-temps. Et pourtant, Cato et l’attaque ont poursuivi le travail méthodique de destruction avec 12 jeux, dont quatre passes réussies par Cato, pour inscrire le majeur. Non seulement la préparation a-t-elle été plus qu’adéquate, mais l’exécution et les ajustements l’ont été tout autant.

Cato efficace dans ses lectures

Comme je l’ai déjà mentionné, il faut se garder une certaine réserve et remettre le tout en contexte avant de s’emporter quant au  brio de Rakeem Cato. On a raison de vouloir s’enthousiasmer parce que ça fait un bon moment que l’attaque des Moineaux s’est montrée aussi explosive, mais il faut respirer par le nez et se garder une gêne. Il reste néanmoins que pendant 60 minutes, cette attaque a drôlement ressemblé à celle qui a permis à Calvillo d’être aussi dominant dans la LCF.

Un quart capable de prendre de bonnes décisions avant le lever du ballon, c’est déjà une chose. Mais lorsque c’est jumelé à l’habileté de faire les lectures appropriées après la remise du ballon, c’est encore mieux. Ça permet de dégainer rapidement, et ces attributs, Cato nous a démontré qu’il les possède dans son arsenal. On l’a vu se débarrasser du ballon avec empressement et tout de même compléter le jeu, tout comme on l’a aperçu battre le blitz de vitesse.

Un général peut se douter de ce qui s’en vient, mais d’être capable de le confirmer une fois le ballon entre ses mains, c’est une autre paire de manches.

Sa patience et sa distribution du ballon m’ont aussi agréablement surpris. C’est très agréable pour un groupe de receveurs de savoir qu’il y a de bonnes chances qu’ils seront impliqués à tout moment. Ça les garde sur le qui-vive et les motive à courir leur meilleur tracé à chaque jeu, car chacun pourrait être l’élu à tout moment. Puisqu’il prenait ce que la défensive lui offrait, Cato n’avait pas d’idées préconçues vendredi, et c’est encourageant pour les receveurs.

Au total, six demis insérés ont réalisé un attrapé, et quatre d’entre eux ont réalisé au moins trois catchs. Comment mieux s’assurer que tout le monde reste bien concentré que de répartir ainsi la charge de travail?

En plus de son doigté, Cato apporte un élément boni qui n’était pas un point fort de Calvillo ; il possède une très bonne mobilité. On l’a vu se déplacer et faire bouger la pochette protectrice pour compléter des jeux, notamment sur le premier touché du match. Ça étire les jeux et procure du temps supplémentaire à ses receveurs pour se démarquer. Dans un contexte où un nouveau règlement empêche les demis défensifs de toucher au receveur après les 5 premières verges, ça devient encore plus profitable de savoir se donner quelques fractions de seconde additionnelles.

C’est sans compter qu’à quelques reprises, Cato est allé chercher le premier essai avec ses jambes, lorsque le jeu de passe n’était simplement pas une option. Ne serait-ce que pour le voir poursuivre dans la même veine et en quelque sorte confirmer que cette belle démonstration n’était pas le fruit du hasard, je pense que les partisans des Alouettes ont tous hâte au prochain match.

Les autres ne sont pas en reste!

Du côté de la ligne à l’attaque, aucun semblant de reproche à émettre. La réponse à la question : « Aimes-tu bloquer pour un quart qui décoche ses passes en deux secondes? » est assez évidente. Même si tu rates un bloc occasionnellement, le gars qui t’a battu n’a même pas le temps de se rendre au quart pour réussir le sac. C’est une situation très frustrante pour le front défensif.

Même son de cloche pour l’unité défensive, qui s’est montrée irréprochable, particulièrement quant à son travail contre Jon Cornish, limité à des gains de 59 verges. J’ai aussi trouvé que leur pression incessante sur le quart Bo Levi Mitchell l’a rendu nerveux. À de multiples reprises, des receveurs des Stamps s’étaient démarqués, mais les passes manquaient de précision car il était pourchassé.

Boris BedeFinalement, le positionnement a été favorable aux Montréalais. Pour une deuxième partie de suite, Boris Bede a tiré son épingle du jeu. Un ratio parfait de trois en trois sur les bottés de précision, dont l’un sur une distance de 48 verges qui a atterri de l’autre côté de la zone des buts. Assez incroyable de penser que ce botté aurait voyagé près de 70 verges, considérant que la zone des buts mesure 20 verges… J’ai rarement vu ça, je vous l’avoue!

Sur les quatre bottés d’envoi de Bede, pas une seule fois les Albertains ont réussi à franchir leur propre ligne de 35. Leurs séries à l’attaque ont débuté respectivement à la ligne de 10, 23, et 31 (deux fois). Lorsqu’ils ont repris possession à leur 31, c’était en dépit de très bons retours de 28 et 32 verges. Pour vous donner une idée, en moyenne, les cinq meilleurs retourneurs lors de la saison 2014 récoltaient 33,3 verges… C’est tout dire sur l’aide non négligeable qu’apporte Bede avec ses puissants bottés. C’est un atout de taille, à n’en pas douter.

Bref, après une première performance chancelante, énormément de positif à retirer, et ce à tous les points de vue. Peut-être Cato a-t-il bénéficié d’un peu de chance alors que quelques passes audacieuses sont passées près d’être interceptées.  La bonne nouvelle est que les Stampeders n’ont pas été opportunistes. Qui sait quel effet cela aurait pu avoir sur la dynamique du match si ces occasions avaient été converties? Comme quoi parfois, un peu de chance ne nuit pas. Mais entre vous et moi, Rakeem Cato l’a faite lui-même sa chance durant son premier départ dans la LCF!

* Propos recueillis par Maxime Desroches