J’ai été très déçu de la performance des Alouettes, après celle à Winnipeg qui nous avait donné de l’espoir.

Je savais que ça allait être un bon test contre le Rouge et Noir, qui a fini au premier rang en 2015. C’était important de gagner à la maison, un peu pour valider la performance à Winnipeg. En plus, Ottawa était vulnérable car il avait joué samedi à Edmonton, a fait un long voyage de retour dimanche et Henry Burris était blessé. Trevor Harris est un bon quart-arrière, mais quand même… le quart no 1 était absent. Je me disais que le Rouge et Noir revenait d’une grosse victoire émotive, une revanche de la Coupe Grey, et qu’il allait peut-être être à plat le match suivant. On voit ça parfois, un petit relâchement. Les Alouettes devaient sauter sur cette occasion. Ils n’avaient pas d’excuses, surtout à domicile. Au-delà de la défaite, ce n’est pas juste le pointage qui déçoit, mais surtout la manière.

« C'Mon Man! »

Cette défaite a aussi été marquée par les frasques de Duron Carter, qui a célébré un touché en s’en prenant au banc adverse. À ce moment, les Als ne tiraient de l’arrière que par 14-12, ils étaient dans le coup. Par la suite, le Rouge et Noir a dominé 14-1. C’est la première fois qu’on voit les Als faire face à de l’adversité en 2016, et je trouve que l’équipe n’a pas bien réagi. On a semblé voir un manque de discipline, de la tension sur le banc et des joueurs se disant insatisfaits de leur rôle. C’est inquiétant de voir ces signes-là, surtout dès la semaine 2. Tout le monde fait face à de l’adversité dans une saison, mais il faut être capable de rester soudés. J’ai hâte de voir comment l’équipe va rebondir.

Je ne me souviens pas d’avoir vu un tel geste comme celui de Carter. Je suis au moins content de voir que les Als l’ont mis à l’amende, ils se devaient d’être proactifs. Les coéquipiers dans le vestiaire regardent comment c’est géré, il faut lancer un message sinon Jim Popp va perdre son vestiaire. On veut responsabiliser le fautif. Dans les formations pour lesquelles j’ai joué, si tu prends une mauvaise pénalité et que tu mets ton groupe dans l’eau chaude, souvent dans les réunions d’équipe, tu vas te faire pointer du doigt devant tout le monde. Te faire demander pourquoi tu as été égoïste et que tu as voulu mettre ta petite personne avant l’équipe. Tu te retrouves devant tes coéquipiers et tu te sens cheap. Et c’est correct. Je l’ai vu souvent. C’est gênant. Comme patron, tu espères que ça va fonctionner, sinon après tu t’en remets aux amendes, et si ça ne suffit pas, tu coupes du temps de jeu, sinon tu envisages de suspendre ou pire encore de libérer le joueur. Tu souhaites ne jamais te rendre à la dernière étape, tu souhaites que le joueur va comprendre et prendre de la maturité.

Quant à la Ligue, j’ai l’impression qu’elle va envoyer un message fort. Je m’attends à une suspension. Voir un gars perdre la tête, ça n’a pas sa place. Tu ne peux pas aller frapper un entraîneur. Carter a couru agressivement vers le banc du Rouge et Noir. Rick Campbell ne s’est pas tassé du chemin, a plutôt bombé le torse pour se protéger, mais il n’a pas bougé les pieds. Carter aurait dû l’éviter. Je sais que certains ont soulevé le fait que l’entraîneur était sur le terrain, mais un entraîneur au football, entre les jeux, c’est toujours sur le terrain. Il va parler à ses joueurs. Entre les jeux, peu importe la ligue, c’est commun. Et ce n’est quand même pas Campbell qui a couru vers Carter. C’est différent de quand l’entraîneur des Steelers de Pittsburgh Mike Tomlin s’était placé sur le terrain en pleine action et avait fait dévier le retourneur des Ravens de Baltimore Jaboby Jones de sa course pour vraiment affecter le jeu.

On va souhaiter qu'il apprenne de cette erreur

J’aimerais qu’on montre à Carter des bandes vidéo de Ben Cahoon, ce qu’il faisait après avoir marqué : il prenait le ballon et allait le donner à l’arbitre, puis il allait célébrer avec ses coéquipiers. Si tu fais ça, tu ne te retrouveras jamais dans le pétrin. C’est peut-être beaucoup demander à Carter de devenir un Cahoon, ça ne se fera pas du jour au lendemain, mais j’espère qu’il va apprendre de ça car c’est inacceptable. En plus tu mets ton équipe dans l’eau chaude. C’est dommage parce qu’il avait l’occasion de jouer les héros, de montrer un certain leadership en l’absence de Green. Il avait la possibilité de recevoir tous les ballons et de se démarquer, de porter son équipe sur ses épaules et ressortir avec une nouvelle estime de ses coéquipiers et des partisans avec une superbe performance. Là on a dit « wow! », mais pour les mauvaises raisons.

Dire qu’il venait de réaliser tout un attrapé, et il avait payé le prix pour marquer, c’était spectaculaire! Il s’est fait solidement frapper sur la séquence. Est-ce que l’adversaire aurait pu être puni? Probablement, c’était un méchant coup contre un receveur dans une position vulnérable, mais ça c’est aux arbitres de gérer ça. Ça n’empêche pas que Carter a mal réagi.

Faux départ

Pour revenir au match, les problèmes ont commencé dès le début. J’aime prendre le pouls de l’équipe à travers les unités spéciales, c’est là que tu peux voir l’énergie, l’intensité et la robustesse. Toutes les facettes ont eu des ennuis, ça a commencé tout croche avec des pénalités, dont une pour  avoir trop d’hommes sur le terrain avant un botté de précision, une remise échappée par Boris Bede, des bottés de placement ratés. Et on ne peut pas dire que c’était une grosse soirée sur les retours avec une moyenne de 4,4 verges sur des retours de botté de dégagement (et je vous rappelle qu’au football canadien un donne un rayon de cinq verges au retourneur). Les pénalités, on n’en avait eu aucune sur les unités spéciales à Winnipeg, mais il y en a une 7 contre Ottawa pour un grand total de 14. Bref, ça a donné le ton, mais négativement.

Parlant de Bede, il passe à travers une première période un peu plus difficile dans sa carrière après avoir connu une saison exceptionnelle en 2015. Pour mettre ça en perspective, il avait raté seulement 4 tentatives de bottés de précision sur 40 lors de la dernière campagne, mais il en compte déjà 3 cette année (3 en 6) en seulement deux matchs. On aura l’occasion de voir ce qu’il a dans les deux oreilles, parce que c’est un début de saison plus laborieux.

Sur les unités spéciales, ça a été  décevant, surtout qu’Ottawa a beaucoup de jeunes joueurs sur la formation. Je croyais qu’on allait avoir un avantage là-dessus, mais au contraire, c’est Ottawa qui a eu plus d’énergie et qui a brassé les Alouettes.  C’est d’ailleurs frustrant quand tu joues à domicile, lors du match d’ouverture. Il y avait une bonne foule de partisans et ça faisait du bruit. On avait hâte de voir les Alouettes. Je m’explique mal comment l’équipe est sortie aussi à plat. Ottawa est arrivé non seulement avec une semaine courte de préparation, mais aussi une semaine courte de récupération. C’est eux qui ont dicté le tempo. Avant même de penser stratégie et jeu d’échecs, le football est un jeu d’émotions. Le Rouge et Noir a offert  toute une performance. Ils m’ont tellement surpris, je ne m’attendais pas à les voir arriver avec ce type d’attaque, avec un plan de match avec beaucoup de jeu au sol. Je n’avais pas vu souvent la défense des Alouettes se faire brasser comme ça, c’est rare qu’on a du succès contre le jeu au sol de l’équipe, c’est leur fierté d’arrêter le jeu au sol et de forcer l’adversaire à lancer le ballon. Le Rouge et Noir est allé chercher sept verges par premier essai, donc dans ce cas c’est pas mal plus facile de convertir tes deuxièmes essais, continuer tes séquences et faire avancer le ballon.

J’ai par ailleurs trouvé que les visiteurs ont été excellents dans tous les aspects. Ils ont par moment était très méthodiques, comme en première demie (12 jeux et 88 verges pour 1 touché), mais ils ont aussi su être explosifs (4 jeux et 98 verges pour 1 touché). Défensivement, c’était le pire scénario, car non seulement les Alouettes étaient incapables d’arrêter le jeu au sol, mais en plus ils se sont fait passer des longs jeux pendant toute la soirée. Mine de rien, Trevor Harris a été 8 en 10 sur les passes de plus de 20 verges. C’est un excellent taux de passes complétées, car techniquement, plus la passe est longue, plus elle est difficile à compléter puisque ça prend de la précision. On a vu des jeux de 45, 29, 52, 36, 64, 35 et une course de 28 verges. Ils ont été explosifs. Seulement 6 passes incomplètes sur 26 et 395 verges de gain, soit en moyenne 19,8 verges par passe complétée, c’est énorme. J’avais trouvé Harris bon la semaine passée à Edmonton, mais historiquement il ne jouait pas très bon contre les Alouettes quand il évoluait pour Toronto, alors chapeau. Surtout qu’il a été sonné tôt dans le match, ça a pris du temps avant qu’il se relève et on se demandait s’il allait continuer à jouer. C‘est tout à son honneur, il a démontré beaucoup de courage. Ses coéquipiers vont apprécier, ça te fait des alliés dans le vestiaire car tu as permis à l’équipe de gagner. En passant, je félicite le directeur général Marcel Desjardins de l’avoir mis sous contrat, c’est une police d’assurance payante. Ça fait deux matchs sur la route qu’on gagne grâce à ses performances.

Défensivement, Montréal s’est fait brasser, et on ne semble pas avoir les solutions. On a aussi perdu la guerre tactique. J’ai hâte de voir si les Alouettes vont continuer à faire leur pression à trois. Quand tu décides de faire une pression à trois sur le quart, tu sais que ça risque de ne pas se rendre rapidement au quart, par contre tu te dis que tu comptes sur neuf gars en couverture de passe. Chaque fois qu’on a utilisé cette stratégie, on a eu des ennuis. Malgré le fait qu’on avait neuf gars en couverture, Harris a souvent trouvé des receveurs qui souvent se retrouvaient seuls, notamment sur le premier touché d’Ernest Jackson. Il faut se rappeler aussi qu’on a une jeune tertiaire, il y a eu beaucoup de changements à ce niveau, donc si tu décides de miser sur la couverture, il faut qu’elle soit solide et qu’il y ait une bonne communication, mais de toute évidence il y a eu de la confusion. Avec neuf gars en couverture, ce n’est pas normal qu’un receveur adverse se retrouve complètement seul. On a fait confiance à notre jeune tertiaire mais ça n’a pas fonctionné. Ça va être intéressant de voir comment on va réagir, car la force de la défensive, c’est le front défensif, c’est la pression. Je comprends que tu ne veux pas toujours travailler en un contre un face aux receveurs de passe du Rouge et Noir, mais la pression à trois n’a pas donné de bons résultats.

Le Rouge et Noir m’a beaucoup impressionné car on sait que c’est une attaque qui aime beaucoup lancer le ballon, alors les voir sortir après une courte semaine de congé, sur la route, et oser courir et brasser l’adversaire, chapeau. Je suis très impressionné par le plan de match du coordonnateur à l’attaque et de sa sélection de jeux.

Green blessé pour le reste de la saison

Chez les Moineaux, la performance de l’attaque a été décevante, comme celle de la défense et des unités spéciales. C’était vraiment une défaite d’équipe. En attaque, on s’attendait à mieux, mais ce n’est que la semaine 2. Techniquement, une attaque prend plus de temps à trouver son synchronisme. On avait été agréablement surpris à Winnipeg, mais ça a été difficile contre Ottawa : Kevin Glenn n’était pas aussi précis, des receveurs ont échappé le ballon. Aussi, on a perdu S.J. Green sur blessure et Duron Carter sur expulsion, donc on était quand même limité dans les options et on n’a pas été capable de palier à ces problèmes. Quand tu perds deux receveurs, c’est problématique quand tu décides d’habiller des porteurs de ballon supplémentaires, comme c’était le cas avec Tyrell Sutton et Brandon Rutley. Si ton plan est axé sur le jeu au sol, ça va, mais ils n’ont cumulé que 11 courses pour 50 verges. Pourquoi faire appel à eux si on en fait une utilisation aussi limitée, s’ils ne font pas partie intégrante du plan de match? On s’est ainsi privé d’un receveur comme B.J. Cunningham, on manquait de ressources à cette position. Je ne sais pas qui tenait absolument à une formation à deux porteurs, mais je ne pense pas qu’il va gagner son point dans les prochains matchs. Quand on regarde l’attaque d’Anthony Calvillo, je pense que la fondation, c’est la formation à cinq receveurs de passes. Il faudrait plus de receveurs en uniforme, car on est complètement menotté quand on est frappé par les blessures. À Calgary, on a fait bon usage d’un système  à deux porteurs hier. Les Stampeders ont réalisé 28 courses pour 177 verges et 1 touché contre Winnipeg.

Malgré tout ça, c’est juste la semaine 2, il faut faire attention. Je suis déçu, je m’attendais à plus, car je trouvais que le Rouge et Noir était vulnérable. Mais tout peut changer. Toronto a eu l’air de chaudrons lors la semaine 1, mais a rebondi avec une victoire. Les Tiger-Cats avaient l’air de champions à l’ouverture, mais ils viennent de se faire démolir contre les Lions. C’est ça un début de saison, il y a encore des choses à peaufiner, à améliorer.

Il faut que les Alouettes aillent de l’avant, progressent et sortent avec plus d’émotion et d’énergie. Ils viennent connaître leur première contreperformance de l’année et il faut ajouter à ça la lourde perte de S.J. Green, qui ratera toute la campagne en raison d’une blessure à un genou. J’ai déjà hâte au prochain match de l’équipe car j’ai hâte de voir comment elle va rebondir face à l’adversité. On va en apprendre beaucoup sur le caractère dans le vestiaire.