MONTRÉAL – La dernière saison n’a pas été facile pour Luc Brodeur-Jourdain. Il l’a amorcée sur la liste des blessés et l’a terminée sur le banc, peinant à retrouver son poste de partant.

Mais cette accumulation de déceptions n’a pas eu raison de sa loyauté envers la seule équipe avec laquelle il a évolué depuis ses débuts professionnels il y a huit ans. Si les Alouettes voulaient toujours de lui, c’est à Montréal et nulle part ailleurs qu’il souhaitait poursuivre sa carrière.

Il s’avère que l’intérêt était réciproque. À moins d’un mois de l’ouverture du marché des joueurs autonomes dans la Ligue canadienne, les Alouettes ont annoncé l’embauche de l’un de leurs plus brillants ambassadeurs pour une durée de deux ans.

Brodeur-Jourdain de retour l'an prochain

« Jamais de ma carrière je n’ai pensé tester ma valeur sur le marché, a affirmé Brodeur-Jourdain mercredi lors d’un point de presse organisé dans les quartiers généraux de l’équipe. Je suis quelqu’un de très fidèle dans la vie et je n’ai pas nécessairement envie de connaître ma valeur marchande pour savoir ce que je vaux vraiment. Mais ça demeurait une décision qui était entre les mains de l’organisation et si cette éventualité n’était pas survenue, j’aurais dû évaluer si je prenais ma retraite immédiatement ou si j’ouvrais la porte aux autres équipes. »

Le directeur général des Alouettes, Kavis Reed, a assuré que la décision d’offrir un nouveau contrat au vétéran québécois s’est pratiquement prise toute seule.

« Il y a des données qu’on peut calculer et il y a les impondérables. Les impondérables qu’apporte Luc sont immenses, a reconnu Reed. Son leadership ne se mesure pas en chiffres. On parle d’un jeune homme qui a déplacé des montagnes pour cette organisation et cette communauté et qui a encore plusieurs bonnes années devant lui. »

Combien de bonnes années exactement? Brodeur-Jourdain, qui est le père d’un garçon de 16 mois et d’un autre rejeton né en décembre dernier, a déjà un plan bien établi.

« Je voulais une entente à long terme, a dit l’athlète de 33 ans. C’est important d’avoir des buts à court terme, évidemment, mais aussi une vision. Et la vision que j’ai de ma carrière actuellement, c’est de réussir à jouer à un haut niveau jusqu’à ce que mes enfants puissent s’en souvenir. J’aimerais bien jouer jusqu’à ce qu’ils puissent avoir un souvenir de papa qui joue au football. Et évidemment, j’aimerais bien sortir de la même façon que je suis rentré, c’est-à-dire avec une parade sur Ste-Catherine. »

Aucune garantie

Remplacé par Kristian Matte au centre de la ligue offensive la saison dernière, Brodeur-Jourdain n’a reçu aucune garantie de ses employeurs qu’un poste de partant l’attendait au prochain camp d’entraînement. Il n’en demandait pas tant.

« Ce que je voulais, c’était de savoir que j’aurais la chance d’être en compétition pour une place, que ce n’était pas déterminé à l’avance, a-t-il nuancé. Ça a été très clair et très bien dit dans les discussions que j’ai eues avec l’organisation. Depuis que je joue, je n’ai jamais pris ma place dans l’équipe pour acquise. C’est quelque chose qui se mérite et j’ai l’intention de le mériter. »

« Nous sommes convaincus qu’il sera non seulement en mesure d’être compétitif, mais de rehausser, par sa seule présence, le niveau de compétition au sein de toute la ligne à l’attaque, est d’avis Reed. Il sait qu’il devra travailler fort, mais il l’a toujours fait. Ce n’est rien d’inhabituel pour lui. »

La ligne à l’attaque reconstruite des Alouettes a été bafouée en 2016. Elle a concédé 64 sacs du quart, le pire rendement de la LCF. En comparaison, les quarts-arrières des Stampeders de Calgary n’ont été frappés que vingt fois derrière leur ligne de mêlée.

Naturellement, on exige sur toutes les tribunes des changements importants au sein de cette unité. Mais Brodeur-Jourdain, plutôt que d’y voir égoïstement un argument parfait pour militer pour sa réinsertion dans le quintette de partants, a plutôt tendance à prôner la stabilité.

« C’est un terrain quand même assez glissant que d’y aller de changements parce que la ligne offensive, c’est une position à laquelle on a besoin d’avoir une cohésion fonctionnelle entre les éléments. L’exemple le plus éloquent est peut-être celui de la ligne à l’attaque de 2007 qui avait fini dernière et qui, avec les mêmes joueurs, avait connu une saison record au niveau des sacs accordés avec l’arrivée de Marc Trestman l’année suivante. »

« Mais somme toute, on doit mettre les joueurs dans un contexte de compétitivité élevé, insiste Brodeur-Jourdain. Leur faire comprendre qu’il n’y a rien de garanti et qu’ils doivent constamment se battre pour mériter de jouer dans cette ligue. »

Une blessure qui est derrière lui

Malgré le sommeil qui se fait rare et la grande discipline que requiert la conciliation du travail et de la nouvelle vie familiale, Brodeur-Jourdain est déjà au gymnase en préparation pour le prochain camp d’entraînement. Pour regagner un poste de partant, il devra d’abord prouver que la sérieuse blessure à un genou pour laquelle il a été opéré il y a un an est chose du passé.  

« Sommairement, j’ai eu une déchirure du ligament croisé-antérieur et j’ai manqué seulement six matchs, sept en incluant la saison antérieure. J’étais prêt à tout donner pour démontrer que j’avais encore le potentiel et ce qui a été important pour moi, dans mon évaluation personnelle de la situation, c’est de voir à quel point j’ai progressé au long de la saison. De semaine en semaine, je bougeais de mieux en mieux, j’avais une meilleure coordination avec mon jeu de pied et au niveau de la vitesse d’exécution, ça s’améliorait. Donc pour moi, ça inspirait confiance. En décembre ça a fait un an que j’ai eu la chirurgie et je me sens toujours de mieux en mieux. »

La précarité de son état de santé avait forcé Brodeur-Jourdain à remettre en question son avenir sportif au terme de la dernière saison. C’est un athlète reconnaissant qui se prépare aujourd’hui pour sa neuvième saison avec les Alouettes.  

« Le temps de récupération, dans la vie sportive en général, ce n’est pas quelque chose qu’on accorde souvent à un joueur, surtout lorsqu’il s’agit d’une blessure aussi sérieuse et que le joueur est âgé. Je connaissais la réalité et c’est une grande marque d’appréciation que j’ai eue de l’organisation. Je suis très, très heureux de pouvoir dire que je fais partie des Alouettes en 2017. Maintenant, il reste tout à prouver et démontrer que je suis à 100% de mes capacités. »