Le pointage de dimanche contre le Rouge et Noir d’Ottawa a été très flatteur pour les Alouettes. Si vous n’avez pas vu le match et que vous prenez seulement compte de la marque finale de 29-11, vous pouvez être portés à croire que les Alouettes ont été dans le coup à un certain point. Lorsqu’on évalue la performance à partir de certaines statistiques, on réalise que c’était tout simplement horrible dans le camp montréalais.

J’ai relevé quatre statistiques qui, à mon avis, illustrent parfaitement pourquoi le pointage final est flatteur pour les Alouettes.

Dans un premier temps, il y a le nombre de jeux en attaque par équipe. Ottawa en a réalisé 80 contre 36 pour Montréal. C’est presque impossible de se créer un rythme et de conserver le ballon dans de pareilles circonstances. L’entraîneur ne peut pas non plus aller au deuxième niveau dans son plan de match en raison du maigre nombre de jeux effectués.

Il y a aussi la quantité de premiers essais. D’un côté, le Rouge et Noir en a obtenu 28 contre seulement cinq pour les Alouettes. Si on regarde les verges amassées, l’unité offensive de Rick Campbell en a récolté 414 comparativement à 151 par celle de Kavis Reed. Finalement, la dernière statistique que je veux relever, qui a un lien direct avec le nombre de jeux et de premiers essais, est le temps de possession. Les visiteurs au Stade Percival-Molson ont eu le ballon durant 41 minutes, contre seulement 19 pour les Alouettes.

C’est pour ça que je trouve que le pointage du match est flatteur envers le camp montréalais, car aux vues de ces chiffres, c’est désastreux. Encore une fois, c’est dans la manière de perdre que ça fait mal.

Des changements inexistants

La domination est survenue alors que le Rouge et Noir arrivait à Montréal avec son quart réserviste, Drew Tate, qui s’est lui-même blessé et on a vu en deuxième demie le troisième quart de la formation, Ryan Lindley. Ottawa avait aussi une ligne à l’attaque qui connaissait des problèmes dernièrement et qui se présentait à Montréal avec un nouveau centre, en raison de la blessure à Jon Gott. Le garde à gauche Alex Mateas a pris sa place, et du côté gauche, on retrouvait une recrue qui en était à son premier départ. Malgré ces changements, la ligne à l’attaque d’Ottawa n’a pas accordé un sac du quart et a permis au jeu au sol d’Ottawa d’amasser 160 verges.Kavis Reed

Après le changement d’entraîneurs du côté des Alouettes, on entendait que l’énergie était à son mieux lors des entraînements. On s’attendait donc à voir une équipe qui connaîtrait un départ canon en raison de toute cette énergie. En plus, elle faisait face à une formation qui alignait son quart réserviste et qui a éventuellement perdu ses services.

Les Alouettes ne jouent pas assez bien cette année pour dire que ce match leur était offert sur un plateau d’argent, mais les éléments étaient réunis pour qu’ils aient une bonne chance de sortir triomphants. Le résultat est donc doublement frustrant.

Avec tout ce qui s’est passé et a été mentionné la semaine dernière, de la conclure ainsi, c’est un désastre.

C’est un désastre, car tout ce qui s’est dit au cours de la semaine n’est pas arrivé. On voulait avoir plus d’énergie et montré davantage d’émotions. Jacques Chapdelaine était très stratégique et il n’était peut-être pas le meilleur motivateur, alors que l’entraîneur actuel est censé être un rassembleur, un bon motivateur. On était en droit de s’attendre à un bon début de match, mais ce n’est pas ce qui s’est produit.

Le début de rencontre a été tout simplement atroce. Pour un cinquième match de suite, les Alouettes n’ont pas inscrit de point en première demie. Kavis Reed avait mentionné lorsqu’il a apporté les changements que ça prenait une attaque plus explosive, qui réaliserait plus de longs jeux et éventuellement marquerait plus de points. Au final, les Alouettes n’ont inscrit que 11 points. La plus longue passe des Alouettes a été de 13 verges. Il s’agit plus d’un pétard mouillé que d’une explosion.

Darian Durant n’a pas complété une seule passe en six tentatives. Lorsqu’il a quitté le match, l’unité offensive affichait une récolte de moins-2 verges. Il a joué seulement huit jeux et on était au milieu du deuxième quart lorsqu’il a été remplacé. Durant était l’un des joueurs à mon avis qui devait répondre présent. Plus on entend de commentaires, plus le quart des Alouettes paraissait en quelque sorte soulagé du changement d’entraîneur. Il répond à ce changement avec sa pire performance de l’année. Il a envoyé trois passes de suite dans le gazon alors que le ballon ne se rendait même pas au receveur. S’il était heureux de la situation, c’était une drôle de façon de l’exprimer.

Parmi les changements annoncés, il fallait relancer les joueurs d’impact. Je vais prendre ici pour exemple la grosse acquisition des Alouettes durant l’entre-saison, le receveur Ernest Jackson. Il a été visé sept fois et n a capté que deux ballons pour 19 verges. Il est vrai que certains étaient tout simplement impossibles à saisir, mais j’ai vu des longues passes qu’il n’a pas attrapées, dont l’une qui lui a passé entre les mains. C’est évidemment décevant.

En ce qui concernait la défense, le discours était qu’elle passait trop de temps sur le terrain et qu’elle devait être en mesure de le quitter plus rapidement afin de redonner le ballon à l’attaque. Résultat de la première séquence offensive du Rouge et Noir : 15 jeux, 85 verges en 8 minutes et 5 secondes. De mémoire, je ne me souviens pas d’avoir vu une séquence avec autant de jeux et aussi longue dans le football canadien qui ne compte que trois essais et 20 secondes entre les jeux. Ce sont de grosses séquences dans la NFL avec 40 secondes entre les jeux et à quatre essais.

Si on regarde au début du troisième quart Ottawa a connu une séquence de 10 jeux, 56 verges qui s’est terminées avec un placement après 5 minutes et 36 secondes. Au quatrième quart, alors que les Alouettes ont un regain d’énergie puisque l’écart n’est que de 14 points, Bede met un botté à la ligne d’une verge.  Avec le troisième quart de l’équipe sur le terrain, le Rouge et Noir réalise une séquence de 14 jeux, 85 verges qui se solde avec un botté de précision. La séquence aura duré 7 minutes et 3 secondes. Ce botté de précision a redonné un avantage de trois possessions au Rouge et Noir en plus de gruger la moitié du temps au cadran au dernier quart. C’est évident que les jambes des Alouettes étaient sciées après ça. Sur ce plan, je dis bravo au Rouge et Noir d’être sorti avec un bon plan de match et ils l’ont bien exécuté.

Du côté des unités spéciales, elles cherchaient à enregistrer des points et je peux comprendre. Bede a cependant raté un long placement et le Rouge et Noir a retourné le ballon sur 113 verges pour le touché. Il n’y a pas eu de jaloux du côté d’Ottawa, alors que les trois unités ont contribué à la victoire.

Tout ce que les Alouettes voulaient faire de différent n’est pas survenu. Lorsque même Luc Brodeur-Jourdain qui est un fier compétiteur, que j’admire parce qu’il ne va pas se cacher dans les douches à la fin des matchs et prend le temps de répondre aux questions, indique qu’il ne sait plus quoi dire, ça en dit long. Si lui se demande si les Alouettes ont atteint le fond du baril, ça nous laisse songeurs.

Besoin de miroirs et de fumée

Je comprends l’argument aussi de certains amateurs qui mentionnent, avec justesse, qu’ils avaient seulement quatre jours depuis le changement d’entraîneurs pour renverser la vapeur.

Je reviens cependant avec mon interrogation lors de ma dernière chronique alors que je me demandais pourquoi ils ont attendu à mercredi pour modifier le personnel au lieu de procéder le samedi précédent au lendemain de la défaite contre les Lions de la Colombie-Britannique. Les entraîneurs auraient eu cinq jours de plus pour tenter de mettre le tout à leur main. Je suis conscient que la situation n’était pas facile pour les entraîneurs et les joueurs. Lorsque cela se produit, il faut simplifier les choses. Le livre de jeux ne peut pas être complexe, car il n’y a pas beaucoup de temps pour l’assimiler et le pratiquer.

Le danger avec cette formule, c’est qu’elle peut exposer le manque de talent d’une organisation. Il y a un dicton au football qui dit que l’équipe la plus talentueuse, la plus grosse, la plus vite n’a même pas besoin de stratégies. Simplement en s’alignant sur le terrain et si chacun des joueurs remplit son rôle, ils vont l’emporter. Par contre, si ta formation manque de talent, tu as alors besoin de miroirs et de fumée. Tu as intérêt à être très stratégique.

Alors, lorsqu’on entend qu’ils n’ont pas eu beaucoup de temps pour se préparer, c’est vrai, mais ils viennent d’exposer le manque de talent. N’en déplaise à Kavis Reed qui est le directeur général, tout indique que présentement, les Alouettes ont besoin de miroirs et de fumée.

Parfois je me disais que Noel Thorpe ressentait le besoin de faire la différence avec son système défensif. Il sentait probablement que les joueurs ne pouvaient simplement s’aligner et miser sur leur talent. Une équipe qui repose sur beaucoup de talent peut se permettre de faire les choses simplement, car elle va dominer.

Beaucoup de gens m’ont fait la réflexion au stade que certains joueurs ne semblaient pas affectés par la défaite, qu’il n’y en avait pas qui se choquaient.

Il faut faire attention dans ce cas-ci, car on ne voit pas tout. On ne sait pas ce qui se dit dans les réunions, dans le vestiaire et quel joueur se lève pour prendre la parole. Par contre, je comprends que les joueurs veulent montrer un certain contrôle de leurs émotions, et je ne leur dis pas de tout casser, mais il est vrai qu’on dirait parfois que certains joueurs ne sont pas trop préoccupés par les mauvais résultats de l’équipe. Il y a un langage corporel que je trouve préoccupant. On arrive à un niveau dangereux : celui d’accepter la médiocrité. Je ne dis pas ça pour tout le monde, car j’en vois qu’ils compétitionnent sans arrêt.

À Durant de rebondir

C’est certain qu’il y a du travail à faire et on a hâte de voir au prochain match, contre les Argonauts de Toronto, comment Darian Durant va réagir. Je comprends Kavis Reed d’avoir déjà confirmé que Durant sera le quart partant la semaine prochaine, car c’est son homme. C’est peut-être plus le directeur général qui parle que l’entraîneur-chef, car c’est lui qui a décidé d’amener Durant et de lui faire signer un contrat. Vous comprendrez qu’il va donner le plus de chances à son quart et il faut l’admettre, je suis le premier à le faire, que ça arrive à tout le monde de connaître une mauvais journée au bureau. Par contre, le moment pouvait-il être encore plus mal choisi pour connaître une prestation de la sorte. Avec tous les changements survenus, et le fait que si on lie entre les lignes que ça faisait son affaire que ce changement arrive, cette sortie fait mal. Oui c’est un mauvais match, mais il n’a pas été rassurant non plus, lors des quatre derniers.

Une nouvelle qui pourrait faire plaisir à Durant est l’embauche de Ken Miller à titre de consultant à l’attaque. Je pense que Durant va être bien content de cette nomination, car s’était son entraîneur-chef à l’époque lorsque les Roughriders ont joué contre les Alouettes pour la Coupe Grey en 2009 et 2010.

C’est un vieux routier, il a l’allure d’un père de famille, d’un grand-papa gâteau un peu. Les joueurs l’adorent et il a un bon bagage dans le métier. On verra si ça aide Durant à mieux jouer, mais si ce n’est pas mieux au poste de quart durant les prochaines semaines, ce sera très difficile.

Durant a 35 ans, il n’a pas oublié comment jouer au football. Il ne peut pas avoir perdu toute sa mécanique. C’est clairement au niveau de la confiance, envers le système, ses coéquipiers, lui-même, que ça semble le travailler. Il avait l’air d’un joueur qui se cherchait, mais on verra comment il va rebondir contre Toronto.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant