COLLABORATION SPÉCIALE

Plus que deux jours nous séparent du coup d’envoi de la saison des Alouettes de Montréal, jeudi, au domicile des Stampeders de Calgary.

Comme toujours, je suis bien content de reprendre mes fonctions d’analyste des matchs sur les ondes de RDS, d’autant plus qu’en 2022, les attentes sont élevées entre les Oiseaux.

Il ne faut pas avoir peur des mots : la saison 2021 de l’équipe m’a laissé sur mon appétit, surtout que ça s’est terminé sur une note décevante avec une défaite dès le 1er tour éliminatoire.

Les Alouettes forment un club talentueux, et de terminer le calendrier régulier avec un bilan de 7-7 avant de trébucher dès le coup d’envoi des éliminatoires, ce n’était pas un dénouement acceptable.

Quand je regarde cette fiche de ,500 dans un calendrier écourté de 14 matchs, quelques constats évidents me sautent aux yeux, à commencer par le rendement inadmissible de 3 victoires et 4 revers au Stade Percival-Molson. Une telle médiocrité à domicile, ce n’est pas la recette à laquelle les bonnes formations des Als nous ont habitués.

Il fut un temps où l’équipe adverse arrivait à Montréal et pensait davantage au plaisir qu’elle allait avoir sur la rue Crescent après le match plutôt qu’à se présenter avec une attitude de conquérant, tellement elle savait que la victoire serait difficile à obtenir. On était loin de cette réalité, l’an dernier.

Pourquoi est-ce que je mets l’accent sur l’importance des succès des Als dans leur stade? Parce que c’est crucial dans l’optique de gagner le titre de section. En terminant 1er de l’Est, tu t’assures d’avoir l’avantage du terrain et de n’avoir qu’un seul rival à battre pour participer au match de la Coupe Grey. Il n’y a pas meilleur scénario. Mais pour y parvenir, tu dois être difficile à battre dans son stade.

À preuve, l’an dernier, les Argonauts de Toronto avaient présenté un dossier de 6-1 à domicile, en route vers le 1er rang. En 2019, les Tiger-Cats de Hamilton avaient fait encore mieux, remportant neuf matchs locaux en autant de sorties. Si tu frôles la perfection à domicile, ou que tu l’atteints, tu n’auras qu’à jouer pour autour de ,500 sur la route, car quatre ou cinq victoires devraient suffire pour te hisser au sommet.

Je suis tanné de voir les Alouettes perdre devant leurs partisans, et c’est pourquoi je me suis autant réjoui de les voir remporter le duel préparatoire contre Ottawa. Ça ne voulait rien dire, mais au plan psychologique, ça avait son importance. Il faut retrouver le feeling associé aux succès à domicile.

Ça risque de pas être facile d’engranger les victoires cette saison. Après tout, le Rouge et Noir s’est lui aussi amélioré durant l’entre-saison. En 2021, sur les sept victoires des Montréalais, trois sont survenues contre cette équipe, qui était la « mauvaise » équipe de la LCF. Un autre gain avait été récolté en tout début de saison, contre les Elks d’Edmonton, qui ont eu aussi affiché un bilan de 3-11.

Ce qui me saute des yeux, c’est aussi la tendance de la troupe de Khari Jones à ne pas finir les matchs en force. On était dans le coup, mais la conclusion laissait souvent à désirer. Parmi les huit matchs décidés dans les trois dernières minutes, les Als ont totalisé deux victoires pour six défaites. Si tu parviens à faire mieux en 2022, c’est évident pour moi que tu gonfles ta fiche.

Bref, je crois qu’on a affaire à un groupe de joueurs talentueux. Il n’y a aucune raison de pas espérer non seulement une participation aux éliminatoires, mais aussi des victoires une fois arrivés à ce point. Il y a de la pression sur les épaules de Jones, et il y en a sur celles de Vernon Adams fils. Ces deux-là étaient dans l’organigramme de l’équipe avant l’arrivée en poste du directeur général Danny Maciocia. Ce ne sont pas « les hommes » de Maciocia à proprement dire. Pour l’instant, il accepte de prolonger l’association. Mais si les résultats n’y sont pas en 2022 et qu’on n’atteint pas un échelon supplémentaire dans la progression du club, parions qu’il y aura du changement.

Le jeu aérien doit être plus constant

À l’attaque, tous les éléments en place pour que ça fonctionne, car l’effectif est sensiblement le même. Ça fait trois ans que le système est le même. Par ailleurs, la profondeur est belle à la position de quart-arrière. Ce que je veux voir ces prochains mois, c’est davantage de stabilité et de constance. Il faut arrêter d’être une boîte à surprises. L’an dernier, trois quarts différents ont remportés des matchs pour les Oiseaux, en raison des blessures. C’est clair que ceux-ci doivent être protégés, et qu’eux-mêmes doivent protéger le ballon.

Prenons par exemple ce qu’a affiché Adams comme rendement face à Ottawa. Dans les deux premières séquences offensives, tout allait sur les roulettes. Puis, sorti de nulle part, il est victime de trois interceptions sur ses quatre passes suivantes. Cette deuxième version est bien entendu celle qu’on veut éviter de voir en 2022.

Le jeu aérien doit faire un pas vers l’avant, après avoir pris le 6e rang sur neuf formations (et le 5e pour les jeux explosifs par la passe) à ce chapitre l’an dernier. Assurément, il y a des gains à engranger à cet égard, d’autant plus qu’on s’aperçoit que lorsque l’adversaire a réussi à contenir le dangereux demi offensif William Stanback, l’attaque par la voie des airs a rarement compensé. Parfois, dans une saison, il faudra être unidimensionnel pour remporter des matchs, même si ce n’est pas la recette idéale.

Ces deux dernières saisons, les Tiger-Cats ont vaincu les Als trois fois en limitant Stanback à 59, 40 et 29 verges au sol. On s’attend toujours à de brillantes performances de sa part, mais qu’adviendra-t-il lorsque l’équipe adverse aura trouvé la façon de limiter son apport? C’est là que réside la question à 100 dollars. Si elle veut aller à un autre niveau, l’attaque des Als doit être en mesure d’accomplir cela.

Des sacs c'est bien... des revirements, c'est mieux

Défensivement, on disait en 2021 que ça prenait plus de pression exercée sur les quarts adverses et plus de sacs. Mission accomplie en ce qui a trait aux sacs, puisque c’est passé de 27 à 49, soit du 9e au 1er rang de la LCF.

On souhaite évidemment que cette pression accrue se poursuive, mais j’espère surtout qu’elle se concrétisera en revirements provoqués. Il y a des colonnes statistiques plus importantes que les sacs du quart, et ce sont les points alloués (6e place sur 9) et le nombre de revirements provoqués (5e place). Ce serait bien d’intégrer le top-3 de ces deux statistiques.

Ce sera la deuxième année de Barron Miles à titre de coordonnateur défensif, et je m’attends à ce qu’elle joue encore un peu plus à son image. Une zone de confort plus grande risque de s’installer. Ses joueurs agiront peut-être plus vite, sans avoir à penser en raison des automatismes qu’ils sont allés chercher. Je veux que la mentalité « C’est notre ballon » soit celle qui prime. Pour avoir joué avec Miles, je peux vous assurer qu’il était le spécialiste des gros jeux. En carrière dans la LCF, il a totalisé 66 interceptions en plus de bloquer 13 bottés. Je veux que l’unité défensive joue à l’image de son coordonnateur, en multipliant les jeux d’impact. À mon sens, il est là, le prochain niveau à atteindre.

Oui, de la pression il en faut et on ne la refusera jamais, mais l’accent doit être mis sur la production de revirements et une diminution du nombre de points accordés.

On sait que les unités spéciales se sont avérés problématiques chez les Alouettes en 2021. C’est une facette du jeu qui a causé bien des maux de tête au personnel d’entraîneurs. Les ennuis étaient nombreux, à commencer par un mauvais positionnement perpétuel sur le terrain.

Si une attaque parvient à coller trois premiers essais, mais qu’elle le fait à partir de sa ligne de 20, elle n’est qu’à mi-terrain et doit dégager. Mais les mêmes gains à partir du 40, soudainement, peuvent aisément mener à une tentative de botté de précision. Pourtant, l’offensive n’a pas été meilleure dans le deuxième scénario.

Ça peut sembler simpliste, mais le fait d’arrêter de travailler sur un terrain long, c’est là que ça doit commencer. C’est du football à trois essais sur une surface de 110 verges; est-ce possible de s’enlever plus régulièrement le poids d’avoir à traverser 90 ou 100 verges afin de marquer un touché?

Je ne pense pas que ce soit d’être gourmand que d’espérer que les Als fassent match nul avec leurs rivaux dans cette phase du jeu en 2022.

Évidemment, davantage de stabilité à la position de retourneur ne ferait pas de tort, loin de là. Je suis conscient que la saison dernière, lorsque Mario Alford s’est blessé, la dynamique a énormément changé. Hormis Alford, sept autres joueurs ont ramené au moins un botté de dégagement, et neuf joueurs ont réalisé au moins un retour de botté d’envoi. On repassera pour la stabilité!

Cette année, les Als refusent de se faire prendre dans le même piège, alors que Chandler Worthy a été amené au sein de l’effectif, tout comme Warren Newman. Je pense qu’on a compris que la position de retourneur ne pouvait être fragile pour une deuxième campagne consécutive. On a tiré des leçons de ce qui s’est passé en 2021.

Lorsqu’on y pense, un botté de dégagement, c’est à quelque part le premier jeu de la séquence défensive des Alouettes, au même titre qu’un retour de botté, c’est également le premier jeu de la séquence offensive. Ces verges supplémentaires qu’on empêche l’adversaire d’aller chercher ou qu’on obtient nous-mêmes ont leur importance.

En bout de ligne, j’identifie la discipline comme un élément à surveiller de près. La saison dernière, les Als ont été l’une des formations les plus punies du circuit, avec un total dépassant les 1200 verges de pénalités en 14 sorties. Ça bousille des séries offensives prometteuses et offre des chances supplémentaires aux rivaux d’installer leur attaque.

Dans le premier match hors-concours, les Als ont écopé de 13 pénalités pour 184 verges (!), et dans le second, sept pénalités pour 70 verges. Au moins, on peut être tentés de croire que ça s’en va dans la bonne direction!

Mais je réitère que cette facette sera cruciale en 2022. Il y a trop de compétition dans la LCF et pas suffisamment de matchs faciles pour se permettre une indiscipline aussi flagrante que l’an dernier. L’équivalent de terrains entiers donnés à l’équipe adverse dans un match, ça doit être une rareté, et non la norme.

* propos recueillis par Maxime Desroches