Au-delà des retrouvailles attendues entre les Alouettes et les anciens de l’équipe, la rencontre de vendredi face aux Argonauts de Toronto était significative pour plusieurs raisons.

D’une part, il s’agissait d’un match à domicile. On sait que lors des deux dernières années, le succès n’a pas toujours été au rendez-vous pour les Als au Stade Percival-Molson. C’était également un affrontement face à une équipe de l’Est possédant une fiche semblable.

Sachant que les Argos arrivaient à Montréal sans la présence de plusieurs joueurs blessés, dont leur quart-arrière Ricky Ray, il n’y avait aucune excuse pour la troupe de Jacques Chapdelaine de ne pas offrir une performance inspirée.

Sincèrement, je m’attendais à ce que les Alouettes démolissent leurs rivaux, ce qui ne s’est pas produit. Force est d’admettre donc que ce résultat m’a laissé sur mon appétit. Toutefois, l’objectif principal demeure de terminer le quatrième quart avec une avance d’un point ou plus sur ses adversaires, et les Als ont accompli cela. Ce n’est pas la faute des Als si Ray était sur le carreau, et ils ont fait tout juste ce qu’il faut pour améliorer leur position au classement.

Quand on pense au style de match disputé cependant, il n’y a pas de quoi trop de vanter du côté montréalais. Je croyais que les Argos étaient dus pour se faire « piler sur le corps », et rendons-leur crédit, ils ont chèrement vendu leur peau dans des circonstances peu évidentes.

Des chances bousillées de passer le K.-O.

Lorsqu’on regarde l’allure du match, on se rend compte que le début a été très lent. Au retour de la semaine de congé, il aura fallu un peu de temps pour se délier les jambes. C’est alors qu’Ernest Jackson a marqué un long touché pour réveiller la foule, et que George Johnson en a rajouté. À ce moment précis, je me rappelle d’être dit qu’à ce rythme, les Torontois allaient passer un mauvais quart d’heure.

Je me suis trompé puisqu’à partir de ce moment, les Oiseaux n’ont pas démontré l’instinct du tueur auquel on aurait été en droit de s’attendre. À deux occasions bien précises, les Als ont eu l’occasion de passer le K.-O. aux visiteurs mais ont échappé la balle au bond. La première fois, l’échappé recouvré par Kyries Hebert et ramené à la ligne de 2 après le sac réussi par John Bowman allait mener, on le croyait tous, à une récolte de sept points en fin de première demie.

Quel fut le résultat pourtant? Les Montréalais sont sortis de là avec un botté de précision de 17 verges de Boris Bede. Au lieu de gagner les quelques verges manquantes, les Alouettes ont reculé de huit verges sur les deux jeux menant au placement. L’exécution n’y était pas.

À ce moment, la priorité était de 18-3, soit un écart de 15 points. Les Argos auraient pu être sortis du match psychologiquement avant même la demie si on avait pu se donner une avance de 19 points (une différence de trois possessions). Sachant que Toronto en avait plein les bras en l’absence de leur général à l’attaque, c’eut été décourageant pour les hommes de Marc Trestman.

Je comprends que malgré cela, on n’aura jamais senti les Alouettes inquiétés, et qu’ils se sont montrés en contrôle, mais je persiste à dire qu’il manquait le coup d’assommoir. L’occasion était belle de passer le message suivant : « Ce soir, vous n’avez aucune chance! ».

Au retour de la mi-temps, Montréal s’est rendu à la ligne de 13 des Argos. Encore là, la séquence n’a pas été convertie en touché. L’écart de 15 points a donc été préservé car les visiteurs venaient de marquer eux aussi trois points.

Malgré la défaite, les Argos peuvent retourner chez eux avec le sentiment d’avoir offert une bonne résistance à leurs rivaux, et prêts à riposter aux Alouettes dès samedi prochain lorsque ces derniers seront les visiteurs à leur tour.

Le pilote automatique

La deuxième demie – qui a plutôt ennuyante à regarder, avouons-le – a vu les Alouettes opter pour du football hyper conservateur. Difficile de les blâmer car l’attaque des Torontois n’allait nulle part. C’est comme si l’unité offensive en était consciente et avait décidé de ne pas brûler des cartouches, de se contenter du strict nécessaire.

Le jeu au sol en a arraché à compter du troisième quart, et la blessure subie par Philippe Gagnon y est pour quelque chose. On souhaitait contrôler la cadence en s’en remettant au demi offensif Tyrell Sutton, mais cette tactique n’a pas fonctionné, comme en témoigne sa maigre récolte de 21 verges sur huit courses durant les 30 dernières minutes de jeu.

Sur un deuxième essai et trois verges à franchir, il n’en a amassé qu’une. Sur un autre deuxième essai, d’une distance d’une verge cette fois, il a essuyé une perte d’une verge.

Un joueur se fait arracher le casqueJusqu’à la performance de 40 points contre les Blue Bombers de Winnipeg, j’avais l’impression de voir une progression logique dans les prestations de l’attaque. Vendredi, l’occasion était belle de valider l’ascension de l’unité offensive, et ce fut raté. La progression s’est faite au classement, mais il n’y a pas eu de grandes avancées quant au jeu d’ensemble. On pourrait affirmer que tout le monde était sur le pilote automatique.

Les Argos méritent leur part de félicitations. Ils ont probablement appliqué des schémas défensifs auxquels les Als ne s’étaient pas préparés durant leur visionnement de séquences vidéo.

Depuis le début de l’année, on parle d’aller chercher du synchronisme avec les nouveaux éléments constituant l’attaque des Alouettes. On devrait avoir franchi cette étape après sept rencontres. L’objectif devrait maintenant être de faire preuve de constance. C’est la prochaine étape : d’exécuter match après match, et de terminer les séquences offensives par des touchés.

Défensivement, chacun s'est acquitté de sa tâche. On peut certainement se satisfaire des neuf points accordés aux Argos, dont trois permis par une pénalité obtenue par les unités spéciales. Au lieu d’un botté de dégagement, les Torontois ont pu tenter leur chance pour trois points supplémentaires.

L’intensité et la robustesse étaient au rendez-vous. Et même s’ils ont accordé de nombreuses verges au sol, force est d’admettre que c’est le résultat d’un effort concerté pour forcer l’attaque des Argos à y aller par la course. L’unité de Noel Thorpe les a défiés, sachant que par la voie aérienne, leurs adversaires n’allaient nulle part.

La preuve? Au quatrième quart, les Argos ont connu une séquence de 14 jeux qui les a vus amasser 78 verges en 6 minutes 25 secondes. Du lot, neuf jeux appelés par les Argos étaient des courses. Le tout s’est soldé par une perte de possession sur un troisième essai raté à la ligne de 7 de Montréal.

Un peu plus tard, une série de 13 jeux permettant de gagner 67 verges en 3 minutes 58 secondes s’est terminée lorsqu’un autre revirement sur un troisième essai est venu hanter les Argos. Bref, ils ont effectué beaucoup de jeux mais ont brûlé de précieuses minutes au chronomètre en s’obstinant à courir le ballon parce que c’est ce que les Als leur proposaient. Et au final, Toronto est devenu son propre ennemi en concluant le tout avec des revirements.

Nombreux sont les coordonnateurs défensifs dans la LCF qui pensent de la même façon que Thorpe. Il est très ardu d’inscrire des premiers essais et ultimement de marquer des points à répétition en se fiant à la course. Éventuellement, il faut tenter le coup par la voie des airs avec de longs jeux de passes.

Quelle sera la composition de la ligne offensive?

Ce qui à mon sens est l'élément le plus inquiétant après cette rencontre, c’est le nombre alarmant de joueurs soignant des blessures. Ce qui est encore plus délicat, c’est que plusieurs blessés sont des joueurs canadiens.

Philippe GagnonOn ne peut pas affirmer que les Als possèdent une profondeur exceptionnelle quant à son talent canadien. Après Chris Akie et Philip Blake à Winnipeg, ce fut au tour de Philippe Gagnon, Frédéric Plessius, Keith Shologan, Jean-Christophe Beaulieu et Alex Pierzchalski de passer par l’infirmerie. D’ailleurs, les deux premiers n’ont pas complété la rencontre de vendredi.

Pendant deux rencontres d’affilée, on a donc vu le garde à gauche tomber au combat. Et cela s’est ressenti dans les performances de l’attaque. Avec Matt Vonk en poste, ce n’est pas du tout la même efficacité.

La profondeur canadienne, particulièrement à la ligne à l’attaque, sera rudement mise à l’épreuve ces prochaines semaines. Comme je me plais à le répéter, il n’y a que 27 universités canadiennes. Certains vont jouer dans la NCAA, mais le bassin de joueurs est nettement plus petit.

Les rapports médicaux concernant ce groupe de joueurs seront à suivre avec attention.

* propos recueillis par Maxime Desroches