MONTRÉAL - L’image valait 1000 mots, ils étaient plus de 100 000 partisans à suivre le déroulement du début du repêchage de la NFL sur la Benjamin Franklin Parkway, au cœur de Philadelphie.

Depuis plusieurs années, cet événement suit une fulgurante tangente et ne cesse de prendre de l’ampleur. Évidemment, la Ligue canadienne de football dispose de moyens incomparables à ceux de son voisin américain. Les neuf équipes du circuit canadien doivent se débrouiller avec des ressources plus limitées pour orchestrer cette étape vitale.

De par son poste d’analyste au recrutement national, Éric Deslauriers a chapeauté ce processus pour la première fois à la suite de sa carrière de joueur. L’ancien receveur a eu à se débrouiller dans ces conditions pas toujours évidentes.

« Je ne peux pas cacher que j’aimerais en faire plus. Par exemple, j’aurais voulu amener des gars à Montréal pour qu’ils passent des MRI (test d’imagerie par résonance magnétique). On ne peut pas le faire avec tout le monde donc on l’a fait seulement avec quelques joueurs », a admis Deslauriers qui poursuit son apprentissage dans cette fonction.

Le jeune dirigeant n’a surtout pas voulu couper dans la tenue d’évaluations.

« J’ai organisé deux Combines, un à Concordia et un autre à Carleton à Ottawa la semaine passée. C’était pour voir un peu plus les joueurs, les observer bouger en personne. Il y avait notamment des gars qui n’avaient pas été invités au camp national de la LCF, on voulait les voir un peu plus », a confié celui qui ne compte pas les heures et le nombre de tâches à cumuler.

Tous comme leurs rivaux, les Alouettes ne négligent pas non plus les processus d’entrevues avec les espoirs qui répondent à leurs critères.

« J’en fais tous les jours. Mercredi, on a rencontré (Qadr) Spooner (ligne offensive, McGill) ainsi que Junior Luke (ligne défensive) et (Frédéric) Chagnon (secondeur) des Carabins. La semaine passée, j’ai fait une vingtaine d’entrevues en personne. À ce point-ci, on se concentre plus sur le football, je leur montre des séquences et je leur demande de m’expliquer ce qu’ils voient. On veut déterminer ce qu’ils connaissent du football à leur niveau. Il faut admettre qu’ils n’ont pas tous été coachés au même niveau qu’ils vont l’être dans la LCF. L’idée est de voir où ils sont rendus dans leur compréhension du football », a détaillé Deslauriers avec sa franchise rafraîchissante.

Son travail acharné a été remarqué par son directeur général, Kavis Reed, qui se dit fin prêt pour son premier repêchage à la barre des Alouettes.

« Éric, Joe (Mack, le DG adjoint au personnel des joueurs) et tous les dépisteurs ont fait un excellent travail. Éric en était à sa première année à coordonner le repêchage et on aurait cru que c’était sa dixième fois. Il a démontré beaucoup de dextérité et de flexibilité, il a multiplié les appels. On est confiants des informations reçues et on a procédé à plusieurs réunions. Quand l’appel viendra, ce sera ma décision finale, mais il y a un travail collectif derrière ça », a précisé Reed.

Durant cette préparation, Deslauriers ne s’est pas souvent séparé de son ordinateur et de son téléphone. Après tout, peu importe l’enveloppe budgétaire, ces deux outils resteront des incontournables.  

« En anglais, l’expression dit : "films doesn’t lie". C’était vraiment le plus de vidéos que je pouvais voir sur les gars et j’ai appelé deux ou trois entraîneurs pour chaque joueur. J’essayais de comparer ce que j’avais comme informations sur eux avec ce que j’entendais. Quand je parle à Danny Maciocia (l’entraîneur des Carabins), je lui pose des questions sur les joueurs de Glen Constantin à l’Université Laval et vice-versa. Même si j’ai vu plusieurs matchs, ce sont les entraîneurs qui côtoient les joueurs pendant plusieurs années », a reconnu Deslauriers.  

« On a été jusqu’à parler aux préposés de l’équipement de certaines organisations pour connaître le caractère des athlètes », a ajouté Reed sur les détails colligés par son groupe.

Les démarches à l’approche d’un repêchage restent particulières puisque des stratégies trompeuses peuvent être développées. L’idée est de ne pas tomber dans le panneau.

« Je dois être méfiant quand des équipes m’appellent, je dois me demander s’il y a quelque chose de caché dans tout ça pour que les informations finissent par se rendre à Kavis », a raconté Deslauriers qui ne se plaint pas de ce contexte délicat.

Reed ne lance pas la pierre à Popp

En plus des moyens plus modestes pour préparer le repêchage, les équipes de la LCF doivent manœuvrer sous un plafond salarial de 5,15 millions. 

Lors du dernier droit du règne de Jim Popp en tant que directeur général, plusieurs informations ont circulé selon lesquelles il a difficilement manœuvré avec les limites de ce budget.

Popp s’est souvent défendu à ce propos, mais il a multiplié les coupures dans les salaires des joueurs et parfois à plusieurs reprises dans une saison. Malgré tout, Reed et Deslauriers n’ont pas trouvé que la situation était irrécupérable.

« Je ne pense pas qu’on était dans une pire situation que les autres équipes », a réagi Deslauriers.  

« Toutes les équipes de la LCF doivent composer avec cet enjeu. Je ne crois pas que notre situation était pire, mais ce serait mentir de dire qu’on n’a pas pris certaines décisions en raison de considérations du plafond salarial. C’est normal à cette période de l’année. Quand tu as des quarts-arrières qui font près de 10% de la masse salariale, il faut prendre des décisions pour bien gérer cet aspect », a reconnu Reed.

Le nouveau patron des Alouettes sera jugé dès sa première année aux commandes du club, mais il doit également travailler avec une vision à long terme pour rétablir la réputation de l’organisation.  

« Je dois penser au présent et au futur. Je l’ai déjà dit, c’est correct de gagner dès maintenant, mais il faut connaître du succès de manière constante. Nos partisans méritent ça, on veut aspirer au championnat chaque année. Pour y arriver, ça prend de la stabilité dans la formation. Le talent n’est pas garant de tout, il faut dénicher des athlètes avec un grand caractère qui veulent évoluer à Montréal », a confirmé Reed qui n’a pas manqué d’audace jusqu’à présent.