MONTRÉAL – Un joueur des Alouettes qui installe sa roulotte au camping Alouette et qui la déplace, à la fin de l’été, dans la cour d’un joueur des Alouettes. 

Une histoire comme celle-ci, ça ne s’invente pas. Elle a pu prendre vie grâce à la famille de Luc Brodeur-Jourdain, un clan dont l’immense hospitalité n’a d’égal que son grand cœur. 

Au fil des ans, même s’il est établi dans sa région natale, à Saint-Damase, à 55 kilomètres du Stade olympique, Brodeur-Jourdain a hébergé quelques coéquipiers à son domicile. Mais débutons le récit de ces belles aventures par la plus fascinante, celle de Landon Rice. 

Vers la fin de l'entrevue, Brodeur-Jourdain se rappelle le chapitre de ce vétéran de la Ligue canadienne de football qui a choisi d’habiter dans une roulotte durant ses saisons de football afin, bien sûr, d’économiser.

« Il se promène au Canada avec sa roulotte, mais, malheureusement, notre saison se termine plus tard que celle des campings donc il a dû quitter son terrain », s’est rappelé LBJ. 

-Luc, est-ce que ça te dérange si je m’en viens chez vous?, lui a lancé Rice. 
-Y’a pas de problème mon chum, s’est empressé de répondre Brodeur-Jourdain. 

C’est ainsi que Rice, un sympathique géant, a passé la suite de son année dans la cour de son coéquipier et les deux hommes ont covoituré chaque jour d’entraînement et de match. 

« On essaie tous de faire ce qu’on peut », a humblement expliqué celui qui est désormais l’entraîneur de la ligne à l’attaque de l’équipe et donc de Rice. 

Ce geste de partage a atteint un autre niveau alors que Rice est devenu un partenaire de construction lors des rares temps libres. Il s’adonne que Brodeur-Jourdain procède à l’agrandissement de sa maison et que Rice détient des compétences dans ce domaine puisqu'il s'agit de son deuxième métier. 

Brodeur-Jourdain ajoute, au passage, que le Québécois Éric Maranda s’était également établi dans un camping lorsqu’il avait signé un contrat avec les Argonauts de Toronto. 

Inutile de brûler de l'argent

Pour Brodeur-Jourdain, sa conjointe et leurs enfants, ça n’avait rien de très particulier d’accueillir Rice et sa roulotte. À vrai dire, ils sont plutôt habitués que les invités habitent dans leur maison ou ... dans leur garage. 

Le tout a commencé, par une logique implacable, il y a près de 10 ans avec Pascal Baillargeon. 

« Au niveau des salaires, on est dans une réalité différente que la NFL. Lorsque tu t’exiles de chez toi pour jouer la saison, il faut que tu paies un deuxième endroit où habiter avec les mêmes services que tu défraies déjà à ta résidence principale », a expliqué LBJ. 

« Oui, on a du plaisir, on veut jouer au football et vivre des expériences de vie exceptionnelles, mais on gagne notre vie ainsi et on ne veut pas nécessairement embarquer dans la thématique de devoir attendre son prochain chèque de paye. Il faut réussir à s’en mettre un peu de côté et rembourser ses dettes d’études le plus rapidement possible, s’acheter une maison et embarquer dans la vie parce qu’on sait que ça ne dure pas nécessairement longtemps une carrière », a-t-il enchaîné avec sa typique vision terre à terre.

Ensuite, ce fut au tour de Jeff Perrett d’accepter l’offre de LBJ. Perrett venait de vendre sa maison à Montréal et sa femme était repartie à New York si bien qu’il avait emménagé dans un appartement beaucoup trop dispendieux. 

« C’était complètement fou, quelques milliers de dollars par mois. Je lui ai dit qu’il n’avait pas besoin de ça et que c’était l’équivalent de brûler l’argent durement gagné », a raconté Brodeur-Jourdain. 

Perrett ne pouvait guère contredire son bon ami donc il a pris la route de Saint-Damase à son tour. 

« Jeff, c’est un grand gaillard, mais il vivait sur ma mezzanine, on avait mis un matelas par terre. Ce n’était pas nécessairement évident pour lui non plus puisque la seule et unique langue qu’il parle c’est l’anglais. En banlieue de Saint-Hyacinthe, le côté anglophone n’est pas trop présent donc c’était compliqué pour lui de faire toutes les petites tâches comme aller au dépanneur », a raconté Brodeur-Jourdain.  

Le troisième sur la liste a été Ryan Bomben. Les deux comparses se rejoignaient au niveau de leur réalité personnelle. 

« Il était en train de bâtir sa maison dans le coin de Hamilton et il était dans le refinancement. Dieu sait comment je suis au courant du stress que ça peut imposer sur une vie familiale. Vu qu’on avait déjà nos trois enfants, toutes les chambres étaient utilisées. Il a opté pour le deuxième de mon garage! On avait installé un air climatisé et il a habité ici jusqu’au moment où il a été échangé à Toronto. Bienvenue dans la réalité de la Ligue canadienne de football mesdames et messieurs », a exposé LBJ en riant.

Chaque « colocataire » a représenté une expérience différente. Si Perrett était plus timide et moins porté à se proposer pour faire la vaisselle, c’était le contraire pour Baillargeon. 

« C’était le fun parce qu’il passait son temps à s’obstiner avec ma femme donc je n’avais plus besoin de le faire, a conté LBJ en ricanant. Les deux le faisaient avec un beau sourire, mais je les laissais faire. »

Quant à Bomben, il a été très apprécié avec son côté souriant et farceur. 

« Ce que je disais aux gars, le plus important, c’est que je veux vous impliquer dans la vie familiale. Le but, ce n’est pas de vous réfugier dans votre chambre. On faisait le souper en famille et, à la fin, on séparait la facture d’épicerie et l’essence », a confié l’ancien du Rouge et Or de l’Université Laval. 

Car il faut le dire, Brodeur-Jourdain ne demandait rien à ses coéquipiers pour le loyer. Ils n’avaient même pas à payer pour le câble et les autres frais mensuels. 

« Si on a la possibilité d’en mettre plus de côté, c’est tant mieux. Alors pour ceux qui voulaient se taper la route, matin et soir, avec moi, ils étaient les bienvenus à Saint-Damase », a conclu l’homme de cœur qui se souvient que Nicolas Boulay, un ancien des Alouettes, rend son condominium disponible pour les joueurs durant la saison même s’il a pris sa retraite.