MONTRÉAL – Au lieu de se défoncer sur le terrain de football et en gymnase, Christophe Normand enseigne plutôt à des enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Un défi emballant et délicat à la fois, mais surtout enrichissant pour le centre-arrière des Alouettes de Montréal. 

Depuis 2015, l’année qui coïncide avec ses débuts dans la Ligue canadienne de football (LCF), Normand a commencé à effectuer de la suppléance dans les écoles. Dès que la saison 2020 du circuit canadien s’est envolée en fumée, Normand n’a pas tardé à une recevoir une offre qui tombait à point. 

« Quelque chose comme deux jours après l’annulation de la saison, un ami d’enfance m’a contacté pour me dire ‘Hey, tu ne joueras pas au foot cette année, est-ce que ça te tente d’enseigner?’ Je n’ai pas tardé à sauter sur l’occasion », a révélé le Québécois. 

Déjà que Normand connaissait déjà la beauté de cette profession, le poste disponible était à son ancienne école secondaire, l’École Monseigneur-Euclide-Théberge de Marieville. S’il plongeait dans une aventure exigeante mentalement, il avait l’avantage de retrouver un milieu familier et même des professeurs qui ont lui enseigné. 

Christophe Normand« J’enseigne l’univers social, c’est l’histoire et la géographie. Je le fais plus particulièrement avec des groupes d’élèves avec le TSA. Ce sont tous des jeunes qui ont des niveaux d’apprentissage différents, un niveau d’autisme différent aussi. On est deux dans la classe et on se partage une classe d’une douzaine d’élèves », a décrit Normand au RDS.ca.

Terre à terre de nature, on imagine que l’athlète de 28 ans ne peine pas trop à capter l’attention des jeunes. Il n’en demeure pas moins qu’il a hérité d’un mandat qui exige une grande capacité d’adaptation et une dose de sensibilité encore plus volumineuse. 

« À la base, j’ai surtout un bon mentor à l’école en Marquis Rodrigue. Il me montre la matière à enseigner, c’est une chose de réapprendre ces matières. Mais ce qui a de particulier à enseigner dans ces groupes, c’est qu’ils ont une approche différente. Ils peuvent être très bons dans une matière et moins fort ailleurs. Ils vont avoir un rythme d’apprentissage qui ne se compare pas aux élèves réguliers. Aussi, ça prend une mise en contexte adaptée. Il y a certaines notions sociales, qui sont banales pour nous, qu’ils ne comprennent pas de la même manière », a exposé le nouvel enseignant qui ne passe pas inaperçu avec sa carrure de six pieds deux pouces et 238 livres. 

D’ailleurs, si sa carrière au football professionnel permet parfois de briser la glace et de tisser des liens avec des étudiants, elle ne touche pas les mêmes cordes sensibles chez les jeunes ayant un TSA. 

« Pas le côté sportif, ils sont plus au jour le jour. Ils vont peut-être connaître le football, mais ils ne savent pas c’est quoi la LCF », a convenu l’ancien du Rouge et Or de l’Université Laval.  

Père de deux jeunes enfants (sa fille aura 5 ans en octobre et son garçon est âgé de 2 ans), Normand n’a eu d’autre choix que de tourner la page assez rapidement sur le fiasco menant à l’enfouissement du calendrier 2020. Enseigner dans une classe spécialisée parvient à lui rappeler à quel point il est chanceux malgré tout. 

« Définitivement. Beaucoup de ces jeunes ont un TSA en plus de venir de milieux très difficiles ou plus difficile que j’ai pu connaître. Ça te ramène assurément sur terre parce que certains ne l’ont pas facile dans la vie, mais ces jeunes sont quand même de bonne humeur au quotidien. Et, quand tu arrives à développer une relation avec eux et à comprendre leur situation, c’est vraiment plaisant parce que tu crées une connexion différente », a témoigné Normand qui aurait disputé sa deuxième saison avec les Alouettes. 

L’enseignement pourrait l’attirer quand il aura complété les « quelques bonnes années de football » qu’il possède encore dans son réservoir. Pour l’instant, il sait surtout qu’il veut poursuivre son projet, déjà bien lancé, de camps sportifs à Granby. 

« On développe des habiletés physiques assez générales comme la course, l’agilité, les déplacements. Je me suis rendu jusqu’à 110 participants l’an passé. J’ai une belle avenue intéressante de ce côté », a précisé Normand qui devrait gagner en notoriété en demeurant avec les Alouettes. 

Christophe NormandEnseignant au football aussi, évidemment

Une autre occupation qui libère Normand mentalement, c’est d’enseigner le football. Ce n’est pas nouveau pour lui de le faire, mais il s’est assuré de s’y investir cette année. 

« Avec le football qui est terminé pour nous, je n’ai pas hésité une seconde », a admis le numéro 38 qui donne un coup de main aux Castors (13 et 14 ans) et aux Griffons (15, 16 et 17 ans). 

« Je pense que les jeunes aiment ça. À cet âge, j’avais déjà fait plusieurs camps. J’avais aussi vécu des expériences au collégial durant lesquelles on côtoyait des professionnels et c’était toujours une belle expérience. Tant mieux si je peux amener quelque chose de cool aux yeux des jeunes », a-t-il relaté. 

Il n’est surtout pas là pour « prendre la place » d’un entraîneur déjà en poste d’autant plus que sa carrière reprendra en 2021.  

« Ça fait du bien et c’est aussi plaisant physiquement. C’est la première année depuis tellement longtemps que je ne fais de sport. Je n’ai pas mal aux genoux, aux chevilles, au cou… », a énuméré Normand, un passionné de moto, en riant. 

Cette recharge physique ne sera que bénéfique en 2021 alors que le circuit canadien devra retrouver sa place dans le cœur de certains partisans. 

Christophe Normand