On va se dire les choses telles qu’elles sont, le résultat du match contre les Eskimos d’Edmonton est décevant. C’est certain qu’Edmonton allait représenter un plus gros test que les Argonauts de Toronto. Les Argos ne jouent pas du grand football dernièrement, alors que les Eskimos sont tout de même les champions en titre de la Coupe Grey. Ils venaient de battre les Lions de la Colombie-Britannique et les Blue Bombers de Winnipeg. On savait que ça n’allait pas être facile, mais on espérait qu’ils sortent une bonne performance pour valider en quelque sorte la victoire contre les Argonauts.

C’est cependant le problème des Alouettes cette saison. Dès qu’ils connaissent une bonne performance, ils ne sont pas capables de poursuivre sur leur succès. C’est difficile dans cette situation d’enchaîner les victoires, alors que le doute s’installe.

C’est évidemment frustrant parce que le résultat de lundi n’est pas celui que les Alouettes et les partisans recherchaient. En même temps, je vois que les choses vont mieux. Il ne faut pas se fier qu’au résultat.

Je vois plus de discipline, plus de structure, de meilleurs entraînements. Malheureusement ça ne se traduit pas immédiatement sur le terrain, mais c’est mieux qu’il y a deux semaines. Il faut faire attention avant d’être trop sévère avec cette équipe, car il y a des signes encourageants.

Jacques Chapdelaine l’a mentionné avec justesse : il n’y aurait pas eu de changement d’entraîneur si tout allait pour le mieux. Tu ne vires pas un navire sur un dix cennes. Ce n’est pas simple de changer les habitudes et il y a forcément du travail à faire avec ce qu’il a sous la main. L’attaque est menée par un jeune quart et la ligne offensive a connu des difficultés depuis le début de la saison. Si on fait la comparaison entre l’attaque des Eskimos et celle des Alouettes, il n’y a pas beaucoup de crochets qui auraient donné avantage à l’unité de Chapdelaine.

Le doute persiste

On était cependant en droit d’espérer un bon début de match. J’avais hâte de voir si les Alouettes allaient poursuivre sur ce qu’ils avaient bâti contre Toronto. J’espérais une bonne première séquence, une bonne première demie, afin de garder la confiance et que le doute ne s’installe pas.

Plusieurs joueurs se rappelaient avant le duel que le match suivant une convaincante victoire a souvent été difficile. C’était donc important qu’ils connaissent un bon début de match pour effacer le doute, mais ça n’a pas été le cas.

Autant que le début d’affrontement contre Toronto était excellent, autant celui-ci était décevant. La première séquence s’est soldée par deux jeux suivis d’un botté. Sur la deuxième on a vu un sac du quart, presque une interception et ensuite un botté raté.

Ce qui est dommage, c’est qu’Edmonton a aussi connu un lent début de match avec deux échappés au premier quart, mais après 15 minutes de jeu, les Alouettes ne menaient que par cinq points. Ils auraient pu profiter un peu plus des bévues de leurs adversaires et les mettre sur les talons, mais ils n’ont pas été en mesure d’y parvenir.

L’attaque a connu des ennuis. On se doutait qu’Edmonton allait être mieux préparé pour contrer l’attaque montréalaise que les Torontois parce qu’ils ont pu étudier les bandes vidéo du dernier match. Ils avaient un échantillon des tactiques de Jacques Chapdelaine, ce que les Argos n’avaient pas. L’attaque de Chapdelaine n’était plus une boîte à surprise.

Le plus gros problème du côté de l’attaque, c’est qu’elle n’a pu prolonger ses séquences. Sur 15 possessions, huit fois elle a dû se contenter de deux jeux avant de dégager. Il y a une neuvième séquence qui n’a duré qu’un seul jeu, celle pour amorcer le troisième quart qui s’est soldé avec une interception de Rakeem Cato. Si tu n’as pas de séquences soutenues, tu ne contrôles pas le ballon et tu peux difficilement présenter un éventail de jeux différents. Les Alouettes ne pouvaient utiliser ce que j’appelle le deuxième niveau de la stratégie qui consiste à présenter un jeu préalablement employé dans la rencontre, mais de lui apporter une variante. Quand tu n’as pas beaucoup de jeux, tu ne peux pas préparer ça.

Avec le troisième quart désastreux, ils sont rapidement tombés dans du football de rattrapage et ils sont devenus encore plus prévisibles. Les Eskimos ont imposé leur rythme pour le reste du quart avec trois touchés.

Il y a des moments dans une rencontre qui demeurent cruciaux, comme la première séquence, la fin de la première demie et le retour sur le terrain pour le troisième quart. Les Alouettes ont connu de la difficulté lors de ces moments.

Un cercle vicieux

Il n’y a pas que l’unité offensive qui doit être pointée du doigt alors que la défense a elle aussi connu quelques difficultés. L’unité défensive des Alouettes a été la meilleure de l’équipe cette année, et c’est parfois difficile de la critiquer, mais il ne faut pas se cacher non plus.

Il y a  quelque semaine,  l’unité défensive avait accordé 38 points contre les Lions. C’était alors le total de points le plus élevés accordés par la défense montréalaise cette saison. Les Eskimos viennent de monter ce nombre à 40.

Ce que je n’aime pas comme tendance, c’est qu’ils se font piler sur le corps avec le jeu au sol. Contre les Lions, les Alouettes ont accordé 252 verges au sol. Les Eskimos ont obtenu 173 verges au sol pour une moyenne de six verges par course. Cette facette du jeu permet à une équipe de gagner la guerre des tranchées, la robustesse, et le temps de possession. Les Eskimos ont eu le ballon près de 37 minutes. C’est une lacune qui doit être corrigée. À titre indicatif, les Alouettes figurent au dernier rang dans la Ligue pour les verges accordées au sol et pour le nombre de verges allouées par la course. Ces deux statistiques sont révélatrices.

Un cercle vicieux se crée alors que la défense n’est pas en mesure de quitter le terrain et de redonner le ballon à son attaque. Il est donc difficile pour Rakeem Cato de trouver son rythme.

Je sais que les Alouettes aiment beaucoup le système 3-4 en défense, avec trois joueurs de ligne et quatre secondeurs. L’objectif est de limiter les longs jeux, donc de plier, mais de ne pas casser. Les Alouettes sont donc un peu plus vulnérables devant le jeu au sol. Le système 3-4 n’est cependant pas adapté pour arrêter le jeu au sol avec un plaqueur en moins et des secondeurs plus petits.

D’ailleurs, on savait que les Eskimos allaient utiliser leurs jeux au sol et c’est ce qui est frustrant. Ils l’ont plus utilisé lors des derniers matchs ce qui leur a permis de connaître plus de succès. Ils avaient deux victoires et quatre défaites en début de campagne avec une offensive surtout axée sur le jeu aérien. Avec une attaque équilibrée, ils ont maintenant une fiche de huit victoires contre sept revers.

Il n’y a donc personne chez les Alouettes qui devaient être surpris de la situation. Non seulement, ils utilisaient le jeu au sol à outrance, mais ils revenaient souvent avec le même jeu, soit une course à contre-courant pour diviser la défense. Ça fonctionnait ! Il y avait souvent de beaux corridors pour le porteur de ballon John White. Donc même si les Alouettes savaient ce qui se présentait à eux, les Eskimos parvenaient à s’imposer. C’est ce que j’appelle une domination de la ligne à l’attaque d’Edmonton.

Je comprends que les Alouettes croient beaucoup en leur système, mais quand tu te fais piler sur le corps et que tu ne changes rien, certains joueurs risquent de commencer à être frustrés.

Défensivement je suis surpris quand on voit l’adversaire courir beaucoup qu’il n’y ait pas d’ajustements. J’ai l’impression parfois que le front défensif est laissé à lui-même. On ne peut pas aller à la chasse à l’éléphant avec un tire-poids. Parfois les Eskimos avaient sept joueurs sur la ligne pour bloquer. C’était donc évident que le jeu au sol allait avoir du succès.

Le jeu au sol a éventuellement mis la table pour les longues passes et Mike Reilly en a profité. La ligne défensive n’a pas été en mesure d’appliquer de la pression constante sur le quart, donc il avait le loisir d’effectuer ses passes. Un buffet se présentait pour l’attaque des Eskimos.

Les effets négatifs de cette défense qui plie, mais ne casse pas entraînent des dommages collatéraux sur le reste de l’équipe. Si l’attaque adverse a toujours le ballon, celle des Alouettes a le sentiment de devoir presser le jeu ne sachant jamais quand elle va retrouver le ballon.

Oui, plier et ne pas casser, mais quand l’attaque adverse enchaîne les premiers jeux et repousse l’équipe adverse profondément dans son territoire, elle gagne la bataille du positionnement sur le terrain. Cette philosophie laisse aussi la place à plusieurs placements ce qui empêche Stefan Logan d’effectuer de long retour. Le travail de toutes les unités est affecté. 

Un discours rafraîchissant

Par contre, même si le résultat est décevant, je trouve les commentaires d’après-match de Jacques Chapdelaine rafraîchissant. Il est conscient de la situation et il est honnête dans ses propos. Il a avoué que l’équipe n’était pas bien préparée et il c’était sa responsabilité de s’assurer que les joueurs soient prêts physiquement et mentalement. C’est apprécié de voir un entraîneur qui fait preuve de leadership en s’attribuant le blâme.

L’un de ses commentaires était particulièrement intéressant, alors qu’il a laissé entendre que l’un des gros problèmes présentement, c’était que lorsque la situation commençait à être difficile, tout déboulait trop vite. Il ressentait rapidement une énergie négative. C’est vrai que tout fonctionne chez les Alouettes quand ils gagnent, mais dès qu’il y a de l’adversité ça devient plus difficile. D’ailleurs, quand ils tirent de l’arrière à la mi-temps, ils n’ont aucune victoire et huit revers. C’est la seule équipe dans la Ligue qui n’a pas été en mesure de revenir de l’arrière pour remporter un match en deuxième mi-temps. On voit donc que quand ça va mal, ce n’est pas long qu’on ressent une énergie négative chez certains. C’est un projet sur lequel veut se pencher Chapdelaine afin de rectifier la situation.

On ne se cachera pas que le résultat demeure important et qu’à la fin du match, il y a un perdant et un gagnant. Les Alouettes n’ont aucune marge d’erreur s’ils veulent entrer dans les séries. C’est tout un défi qui est devant eux. La semaine prochaine c’est à Calgary avec Jerome Messam qui connaît beaucoup de succès au sol ces derniers temps. Le défi est présent pour l’unité défensive des Alouettes.

Propos recueillis par Maxime Tousignant