Il y a longtemps que je n’ai pas vu les Alouettes jouer un aussi mauvais match.

Bons joueurs, les Oiseaux n’ont pas voulu donner comme excuse leur courte pause de 96 heures avant la rencontre face au Rouge et Noir d’Ottawa pour expliquer le revers de 39-17 qu’ils ont encaissé jeudi soir.

Reste que de jouer deux matchs sur la route en l’espace de cinq jours, face à deux adversaires distincts de surcroît, n’a certes pas aidé la cause des Alouettes. Je le sais, je l’ai déjà vécu. À un degré différent cependant.

Alors que j’évoluais pour les Eskimos d’Edmonton à mes cinq premières années dans la Ligue, j’ai été impliqué dans la fameuse « Classique de la fête du Travail ». Le lundi après-midi, on rendait visite aux Stampeders Calgary, qui nous rendaient la pareille le vendredi suivant.

Alouettes 17 - Rouge et Noir 39

Entre ces deux rencontres, nous profitions comme les Alouettes d’une pause de 96 heures. Or, contrairement à eux, on affrontait un rival de section pas trop éloigné géographiquement. Cette période de repos entre ces deux duels, nous l’abordions donc davantage comme une mi-temps de 96 heures plutôt qu’une de 15 minutes. Ainsi, les jeux que nous n’avions pas utilisés le lundi nous étaient toujours disponibles le vendredi. Quant aux jeux qui nous avaient souri le lundi, il suffisait de les déguiser pour les réutiliser.

Un luxe que n’avaient pas les Alouettes.

Faire en autobus le trajet qui sépare Montréal d’Ottawa, ce n’est pas long, j’en conviens. Mais quand tu es revenu à la maison quelques jours plus tôt au beau milieu de la nuit après avoir joué quelques heures auparavant à Regina, ça, c’est long.

Les Alouettes n’ont donc pu tenir qu’une seule séance d’entraînement entre leurs deux dernières rencontres. Difficile de changer quoi que ce soit aux stratégies en aussi peu de temps. Ajoutez à cela que vous comptez sur un quart-arrière recrue et un coordonnateur offensif recrue qui en était à son troisième match seulement et vous obtenez le résultat que l’on connaît.

Je me sentais mal pour Anthony Calvillo lorsque je l’observais sur les lignes de côté. L’ancien quart étoile des Alouettes est un homme calme et plutôt réservé, mais force est d’admettre que ça allait vite pour lui face au Rouge et Noir. Normal, il est encore à se familiariser avec ses nouvelles fonctions!

Les joueurs, quant à eux, devaient faire fi de la situation difficile et faire leur possible avec les cartes qu’on leur donnait. Pour plusieurs d’entre eux, spécialement les vétérans, cela signifiait de jouer sans avoir encore pleinement récupéré à la suite du précédent match.

Plus jeune, le Rouge et Noir en a vite profité. Si le pointage n’était que de 7-3 après un quart en faveur de la formation ontarienne, celle-ci a explosé avec 30 points sans réplique, si bien que c’était 37-3 après trois quarts.

Une bonne leçon de football

Malheureusement, dans une ligue qui compte neuf équipes – un nombre impair –, les accrocs du calendrier ne disparaîtront pas par magie. D’autant plus que la majorité des équipes du circuit ne sont pas propriétaires de leur stade. Le fait que les Blue Jays de Toronto ne font pas de faveur aux Argonauts pour l’utilisation du Rogers Centre est justement l’une des principales sources du problème.

Nous verrons bien si le déménagement des Argos dans un nouveau stade l’an prochain saura améliorer la situation. D’ici là, j’adresse un message à la Ligue : si vous voulez continuer de la sorte avec les pauses de 96 heures, ne serait-ce pas plus judicieux de privilégier des séries aller-retour entre Montréal et Ottawa, entre Toronto et Hamilton et entre Calgary et Edmonton? Ce ne serait pas idéal, mais ce serait moins dommageable.

Les Alouettes ne s’en plaindraient sûrement pas. Après avoir profité de périodes de repos de 17, 7 et 4 jours respectivement avant leurs matchs contre les Blue Bombers, les Roughriders et le Rouge et Noir, ils profitent maintenant d’un congé de 11 jours avant leur rendez-vous contre les Argonauts.

C’est complètement fou!

Défense surtaxée

Si on analyse ce plus récent revers en détail maintenant, il ne faut pas chercher bien loin pour identifier le noeud du problème. Déjà surtaxée au fil des dernières semaines, la défense des Alouettes a passé 40 minutes sur le terrain face à Ottawa.

N’importe quelle unité qui passe d’aussi longues minutes sur la pelouse ne fera pas de miracle. À cela, il faut noter que l’équipe devait déjà se débrouiller sans son demi de coin partant du côté large Mitchell White, blessé en Saskatchewan. Puis, dès la première série contre le Rouge et Noir, c’est Jonathan Hefney, demi de coin du côté court, qui est tombé au combat.

Face à un quart-arrière en feu comme Henry Burris et un groupe de receveurs incroyables, c’était un massacre annoncé.

On dit toujours que le football est un grand sport de stratégie, mais quand les deux demis de coin partants du camp adverse sont absents, inutile de se casser la tête. C’est ce que le Rouge et Noir a fait en attaquant Terry Johnson à répétition. C’est la loi de la jungle.

Jerald Brown, qui devait remplacer White et occuper une position qui ne lui est pas naturelle, a subi le même sort que Johnson. Brown et Johnson ont souvent eu à couvrir le receveur Chris Williams, qui avait toujours le dessus, que ce soit en complétant l’attrapé ou encore en soutirant une pénalité pour obstruction ou avoir retenu.

La tertiaire des Alouettes en a donc eu plein les bras avec les blessures et les changements qu’elles ont occasionnés, mais ont on ne peut pas dire que le front défensif lui est venu en aide. Burris n’a jamais été sous pression au cours de la rencontre. Bien qu’elle ait tenté 54 passes, l’attaque du Rouge et Noir n’a pas alloué le moindre sac du quart. À aucune reprise, Burris a été forcé de précipiter sa passe. Jamais il n’a été frappé au moment de décocher sa passe. Tout cela a permis à Burris de générer 504 verges de gains et 45 passes complétées, un record de la LCF.

Ceux qui assistent régulièrement à des entraînements de football connaissent l’éducatif servant à peaufiner le jeu aérien et au cours duquel un quart, ses receveurs et des porteurs de ballon sont opposés aux secondeurs et demi défensifs de l’unité défensive. Il n’y a donc pas de ligne à l’attaque ni de ligne défensive. Le quart est donc libre de toute pression. Face aux Alouettes, l’attaque du Rouge et Noir semblait s’adonner à cet exercice.

Apprendre à marcher

L’attaque des Alouettes n’a pas fait mieux.

Calvillo a beau faire partie des plus grands quarts de l’histoire de la LCF, on ne devient pas entraîneur instantanément. J’ai l’impression que tout va trop vite pour lui avec l’expérience limitée dont il dispose à titre de coordonnateur.

Avec un quart recrue et aussi peu de temps de préparation, il ne pouvait pas faire de miracles. L’attaque, qui n’a eu le ballon que pendant 20 minutes, n’a jamais pris son rythme. C’était pénible à voir.

Ne disposant pas de suffisamment de temps pour pratiquer, créer des jeux ou encore ajouter des miroirs et de la fumée pour compliquer la vie du Rouge et Noir, les Alouettes n’ont pas assez de talent en attaque pour l’emporter en faisant des choses simples.

Il y a un principe au football qui dit que si tu juges que tu es meilleur que l’adversaire à toutes les positions et que tu penses que tu domines physiquement, tu n’as pas besoin d’être stratégique. Ce n’est pas le cas des Alouettes, qui se doivent de privilégier des stratégies plus complexes. Avec un quart recrue et un coordonnateur recrue, c’est loin d’être évident. Il faut apprendre à marcher avant de courir.

À l’instar de la défaite contre les Riders, les Alouettes ont inscrit deux touchés en fin de rencontre alors que leur sort était déjà décidé, des calories vides.

N’empêche, alors qu’Ottawa était prêt à concéder des jeux dans les dernières minutes, le quart Anthony Boone a démontré de belles choses en complétant deux passes de touché même s’il n’a pas obtenu de répétitions à l’entraînement. Il doit démontrer un certain sérieux dans les salles de réunion et de vidéo.

Mais ne partez pas en peur. Rakeem Cato avait fait la même chose la semaine dernière...

Bref, les Alouettes n’ont plus personne sur qui jeter le blâme. Tom Higgins a été congédié, Turk Schonert a été remercié. Les survivants ont maintenant intérêt à demeurer unis et trouver les solutions et vite.

*Propos recueillis par Mikaël Filion