Comme bon nombre d’entre  vous sans doute, l’annonce du retour de Jim Popp à titre d’entraîneur-chef des Alouettes la saison prochaine m'a pris par surprise.

En soi, cette décision a de quoi surprendre, mais le moment choisi pour la rendre publique est tout aussi surprenant. J’ai toujours cru que la journée où les joueurs « vident » leur vestiaire devait leur être consacrée afin d’en savoir davantage sur leurs plans d’avenir. Aujourd’hui, les partisans en ont appris davantage sur le futur du personnel d’entraîneurs et de Popp.

Popp de retour en 2016

Après avoir trop tardé à nommer ses deux précédents entraîneurs, l’organisation des Alouettes est allée à l’autre extrême. Était-ce si pressant de confirmer le retour de Popp? Une semaine supplémentaire de réflexion aurait-elle été dommageable? On ne sait jamais qui peut devenir disponible.

Bref, les Alouettes ont agi hâtivement, mais trop tôt c’est toujours mieux que trop tard...

Chose certaine, l’équipe marketing des Alouettes a beaucoup de travail devant elle pour faciliter la digestion de cette décision chez ses partisans mécontents. Heureusement pour l’organisation, les gens du marketing ont déjà prouvé leurs compétences cette saison en attirant davantage de spectateurs dans les gradins que l’an dernier malgré un produit sur le terrain qui n’était pas toujours d’une grande qualité.

Voilà donc un autre défi pour ces derniers, ce qui met une fois de plus en lumière qu’il existe deux entités bien distinctes chez les Alouettes : les opérations football situées au Stade olympique et l’administration établie au centre-ville. Ces deux entités sont très territoriales, particulièrement les opérations football.

Il s’agit peut-être que d’une simple observation de l’extérieur, mais les opérations football semblent prendre beaucoup de décisions sans trop se soucier des conséquences pour l’autre entité, le marketing.

Leur objectif d’envoyer le meilleur produit sur le terrain et de bâtir une équipe gagnante est louable, mais les Alouettes ont à mon avis atteint un point où ils doivent maintenant faire attention. Car après tout, s’il n’y a personne dans les gradins, les opérations football n’auront pas beaucoup de budget.

Reste que pour l’instant, elles ont encore le plus gros bout du bâton comme le prouve cette plus récente décision.

Écrit dans le ciel

Pour expliquer son choix, l’état-major des Alouettes dit agir pour assurer stabilité et harmonie au sein de l’organisation. Un choix judicieux, car c’est justement cette instabilité que l’on reprochait aux Alouettes depuis plusieurs années.

Si j’étais un joueur des Alouettes aujourd’hui, je comprendrais ce choix d’entreprise et je n’en serais pas déçu. Quand tu changes d’entraîneur, de cahier de jeux et de terminologie chaque année, c’est loin d’être plaisant. Ça devient vite étourdissant et c’est difficile de jouer ton meilleur football quand tu recommences à zéro chaque fois.

Avec le même coordonnateur et le même livre des jeux l’an prochain, les joueurs pourront s’améliorer et construire sur ce qu’ils ont fait cette année au lieu de recommence à zéro, ce qui est loin d’être négligeable.

N’empêche, le retour de Popp sur les lignes de côté prouve que les Alouettes dérogent avec la philosophie qu’ils disaient respecter il y a environ 18 mois à peine. Avant l’embauche de Tom  Higgins comme entraîneur-chef, l’équipe avait affirmé que la ligne de pensée de l’organisation, celle qui lui avait permis de connaître du succès, était d’avoir deux hommes pour occuper les postes de directeur général et d’entraîneur-chef.

Faut croire que la philosophie a changé pour le bien de la stabilité et de l’harmonie. Mais quand on y pense, c’était écrit dans le ciel.

N’ayons pas peur des mots, Jim Popp en mène large chez les Alouettes et quel entraîneur qualifié voudrait venir s’installer dans un tel organigramme. Je comprends que la relation d’affaires entre Popp et le propriétaire Robert Wetenhall est exceptionnelle, et avec raison, ils ont connu beaucoup de succès ensemble. Tout coach expérimenté débarquant de l’extérieur serait à même de remettre en doute son véritable pouvoir décisionnel dans pareil organigramme.

C’est sans compter qu’un nouvel entraîneur n’aurait sans doute pas le loisir de choisir ses adjoints, ce qui va à l’encontre de ce qui se fait normalement dans le monde du football.

Tout cela considéré, il était donc facile pour Popp de vendre le scénario qui prévaut aujourd’hui.

La tête sur le billot

Je l’ai mentionné dans cette tribune chaque fois qu’il a pris la relève sur les lignes de côté au fil des dernières années, Jim Popp est un grand directeur général, mais pas un bon entraîneur.

Une décision précipitée

Je n’ai rien de personnel contre Popp, mais j’ai toujours pensé qu’il était plus facile d’être un excellent entraîneur et d’exceller par la suite au poste de directeur général. Pas l’inverse.

Les exemples ne manquent pas. On n’a qu’à penser à Hugh Campbell avec les Eskimos d’Edmonton, John Hufnagel avec les Stampeders de Calgary et Wally Buono avec les Lions de la Colombie-Britannique. De mémoire, je n’ai jamais vu un excellent DG devenir un excellent entraîneur-chef.

Voilà pourquoi cette décision des Alouettes me laisse songeur, mais il faut désormais vivre avec. On va supporter les Alouettes, les encourager et leur souhaiter bonne chance.

Popp devra toutefois répondre de ses actions un jour ou l’autre. Il vient de mettre sa tête sur le billot. Si ça ne fonctionne pas l’an prochain, il n’aura que lui à pointer du doigt. Il a donc tout intérêt à faire de l’excellent recrutement et mettre sous contrat d’excellents joueurs afin de bien paraître.

Il a aussi tout intérêt à bien s’entourer, car au chapitre des « X » et des « O », je ne suis pas certain qu'il puisse apporter une grande contribution. En libérant Higgins et Turk Schonert de leurs fonctions en cours de saison, les Alouettes n’ont pas remplacé ces deux têtes de football au sein du personnel d’entraîneurs. Jim est venu à la rescousse, mais il demeure avant tout un superviseur qui délègue. Sa solution, c’est souvent de changer les joueurs et non de proposer de nouvelles stratégies, car à la base, il n’est pas un entraîneur.

J’ose donc espérer que Popp ajoutera des adjoints et de la matière grise à son personnel d’entraîneurs afin de leur offrir la meilleure chance de réussite. S’il réussit, son équipe aura les éléments pour connaître sa part de succès. Car même si la colère s’est emparée aujourd’hui de bien des partisans, il ne faut pas perdre de vue que les Alouettes pourraient surprendre la saison prochaine.

L’équipe pourra en effet construire sur ce qu’elle a bâti cette année. Elle ne repart pas à zéro. La défense est excellente, les unités spéciales aussi. L’attaque a connu beaucoup d’ennuis, bien évidemment, mais elle s’est récemment dotée d’un quart-arrière d’expérience en Kevin Glenn. Ce dernier sera de retour comme quart numéro un avec un camp d’entraînement complet à sa disposition pour se familiariser pleinement avec son nouvel environnement de travail.

Les livres de jeux seront donc plus complexes et c’est sans compter qu’Anthony Calvillo reviendra avec plus d’expérience comme coordonnateur offensif et une saison morte pour se préparer convenablement. Si l’attaque parvient à atteindre le niveau d’excellence de la défense et des unités spéciales, les Alouettes seront coriaces.

J’espère qu’ils seront en mesure de surprendre tout le monde et tant mieux s’ils parviennent au final à soulever la coupe Grey. Ils pourront ensuite faire graver « Stabilité et harmonie » à l’intérieur de leur bague de champions.

*Propos recueillis par Mikaël Filion