MONTRÉAL – Les Alouettes sont probablement plongés dans leur pire crise interne depuis leur retour à Montréal en 1996. Ce n’est pas exagéré de parler d’un bordel pour décrire la situation actuelle.  

Les éléments prouvant le chaos qui règne dans le nid des Alouettes ne manquent guère. On peut relever : les performances très décevantes sur le terrain, les critiques des joueurs envers les entraîneurs et particulièrement Jim Popp, les commentaires négatifs sur les réseaux sociaux et les querelles musclées à l’entraînement.

Pour le moment, les joueurs et les membres de l’état-major ne sont pas prêts à confirmer publiquement qu’un fouillis s’est installé au sein de l’organisation. Par contre, les joueurs ne craignent plus de le faire à micro fermé.

Le receveur Duron Carter n’est malheureusement jamais bien loin des controverses frappant le club. Questionné sur les apparences du bordel frappant sa troupe, Carter a répondu ainsi.

« Je n’ai pas à convaincre personne que ce n’est pas le cas, j’ai confiance en mon équipe », a indiqué Carter qui semblait pour une rare fois à court de mots face à une question.

Une atmosphère plus calme

Considéré comme l’un des vétérans respectés du club, Luc Brodeur-Jourdain prétend plutôt que les nombreuses défaites (fiche de 3-8) finissent par affecter tous les départements.  

« Je ne considère pas que c’est le bordel, mais il y a énormément de frustration à l’interne peu importe qui tu es. Le propriétaire n’est probablement pas du tout heureux de la situation tout comme le président. Tout le monde est touché même du côté de la vente des billets. Quand une équipe n’obtient pas de bonnes performances sur le terrain, ça rend tout plus difficile », a reconnu le Québécois.

Malgré son ancienneté dépassant les deux décennies dans la direction des Alouettes, Popp peine à garder le contrôle sur ses protégés. Puisqu’il occupe deux des chapeaux les plus importants – directeur général et entraîneur-chef – Popp ne peut pas éviter d’être pointé du doigt.

Depuis qu’il a remplacé Tom Higgins sur les lignes de côté, Popp présente une piètre fiche de 6-15 comme entraîneur. Plus que jamais, son avenir comme dirigeant est remis en question. Fier de son parcours aux commandes des Alouettes, il se considère encore comme l’homme de la situation.

« C’est une décision collective, mais j’ai confiance en mes moyens et je sais ce que j’ai accompli. Donc, oui, absolument. Je pense que je procure beaucoup de choses à l’organisation et que je peux l’aider pour la suite des choses », a rétorqué Popp qui était entouré d’une imposante masse médiatique en raison des controverses frappant le club. 

« Jim est celui qui a embauché tous les joueurs et qui a bâti les équipes au fil des ans. Les Alouettes ont raté les séries une seule fois depuis 1996. C’est avec lui qu’on va couler ou qu’on va remonter », a proposé Brodeur-Jourdain qui n’est pas du style à blâmer les autres gratuitement.

Les tweets déplacés, un problème qui se répète

Avec la saison de misère qui heurte les Alouettes, les critiques sur Twitter sont devenues la manière de faire savoir son mécontentement avec des voiles parfois peu ou pas du tout subtils.

Carter semble avoir de la difficulté à retenir ses doigts. Il a déjà évoqué son désaccord sur la sélection des jeux et son tweet le plus récent à passer de travers donne l’impression de viser Anthony Calvillo, le coordonnateur offensif, quand il trouve que l’équipe adopte une approche qui ne fonctionne pas.

« Les gens essaient trop de lire entre les lignes. Vous pouvez le percevoir comme vous le voulez, j’aborde les réseaux sociaux pour leur raison d’être, pour s’amuser. Il y a aussi de la pornographie sur Twitter, est-ce que tu en regardes? », a lancé Carter, avec une répartie qui en dit long, au confrère John Lu de TSN.

Trop intelligent pour ne pas savoir comment ses tweets seront perçus, Carter a prétendu que les médias ne sont pas tendres à son endroit.

« Quand vous écrivez à mon sujet, on dirait que je suis la pire personne au monde », a jugé Carter qui ne donne pas l’impression de saisir l’impact de ses gestes. 

Pendant que Carter a tenté d’amenuiser le poids de ses publications, Calvillo a déploré cette mauvaise habitude.

« C’est une chose avec laquelle on doit composer depuis le début de l’année. On a pourtant abordé la situation avec les joueurs quand c’est arrivé et on a imposé des amendes, mais ça continue », a noté Calvillo avec une amertume évidente à ce propos.

Est-ce que Popp, le DG, congédierait Popp, l’entraîneur?

Le ciel orageux qui suit les Alouettes en 2016 n’est pas apparu subitement. À vrai dire, le club montréalais traverse une période sombre depuis la saison 2014. Les ennuis de 2014 et 2015 ont fini par provoquer une horrible saison 2016. Pour être plus précis, les Alouettes n’ont jamais traversé une crise de la sorte depuis la renaissance de la formation. 

« On n’en a pas eu beaucoup en 20 ans. Je ne sais pas si c’est la pire, mais c’est certainement une saison difficile si on parle de notre fiche. On vit beaucoup de changements. Ça devient frustrant quand on ne gagne pas et encore plus pour les plus vieux qui peuvent craindre que ce soit la dernière saison.

« Ça fait que la pression monte à un haut niveau élevé. Ce qui soulage le tout, ce sont les victoires », a témoigné Popp invité à dire s’il s’agissait de la pire crise vécue par l’organisation.

Lorsque les choses ne fonctionnaient pas à son goût, Popp n’a pas hésité à appuyer sur la gâchette en congédiant des entraîneurs tels Higgins et Dan Hawkins. Le confrère Jeremy Filosa a donc eu la pertinente idée de demander à Popp, le directeur général, s’il limogerait Popp, l’entraîneur, à la lumière du rendement des siens.

« Chaque fois, la décision est prise avec les propriétaires, ce n’est pas une décision personnelle. On se parle toutes les semaines, on discute de ce qu’on veut accomplir », a vaguement répliqué Popp.

Considérant qu’il a souvent discuté avec Robert Wetenhall au cours des dernières semaines, il était pertinent d’apprendre s’il avait obtenu un vote de confiance du grand patron.

« Je reçois des commentaires positifs de sa part depuis 20 ans, mais la teneur de nos rencontres demeurent à l’interne. On parle beaucoup de ce qu’on veut faire dans les années à venir », a-t-il exprimé.

Incapable de calmer la frustration à son endroit, Popp pourrait se sentir sur le siège éjectable.

« Chaque jour et chaque saison, je sens l’excitation et la pression d’obtenir du succès. Ça vient avec le fait de travailler dans le sport professionnel. Je sens que c’est toujours le cas », a fini par admettre Popp qui avait d'abord contourné la question.

Le plus fascinant dans la télésérie parsemée de rebondissements des Alouettes, c’est que l’équipe doit encore disputer sept matchs avant la conclusion de son calendrier. La semaine de congé à la suite du match de vendredi pourrait constituer un moment propice pour effectuer des changements mineurs ou majeurs.