SHERBROOKE – Pour le lancement officiel du camp d’entraînement des Alouettes, la température s’approchait de celle qui règne en novembre au moment de disputer la Coupe Grey. Était-ce un prélude indiquant que la formation montréalaise accédera à ce match de championnat pour la première fois en cinq ans?

Bien sûr, la réponse ne sera pas obtenue de sitôt, mais on pouvait croire au potentiel de l’équipe de Tom Higgins en observant l’ampleur de la profondeur sur le terrain de l’Université Bishop’s en ce 31 mai.

À vrai dire, les dirigeants des Alouettes ont tellement redoublé d’ardeur pour améliorer leurs ressources qu’ils risquent de ressentir quelques maux de tête au moment de procéder aux derniers retranchements.

Mais, pour le moment, Higgins et ses collègues de l’état-major se concentrent sur le beau côté du problème. L’entraîneur-chef des Alouettes, qui a fait ses premiers pas dans la LCF en 1976, ne se souvient pas d’avoir vu un camp d’entraînement aussi relevé.

« Dans toutes mes années au football canadien, je considère que la profondeur n’a jamais été aussi imposante. C’est surtout vrai pour les receveurs, les porteurs de ballon et les ailiers défensifs. On en vient à se poser des questions pour s’assurer de leur procurer assez de répétitions afin qu’ils puissent démontrer leur savoir-faire. C’est certainement le plus haut niveau de compétition que j’ai pu voir », a convenu Higgins qui a posé un beau geste entre les deux séances d’entraînement des siens en allant s’adresser pendant quelques minutes à la centaine de partisans qui avaient bravé le froid et la pluie.

Ce bassin de joueurs intéressants a été mis en place puisque les dirigeants montréalais n’ont pas hésité à embaucher des joueurs de la trempe Fred Stamps, Nik Lewis, Samuel Giguère, Stefan Logan, Dan LeFevour, Cody Hoffman et Michael Sam notamment.

Leur approche proactive enchante les piliers de l’organisation qui souhaitent ramener l’équipe au match ultime.

« La compétition, c’est ce qui permet de faire croître une équipe de football. Toutes les équipes veulent défier leurs vétérans ainsi que les plus jeunes pour rehausser le niveau et s’assurer que tous les athlètes se sentent sur le qui-vive. C’est agréable de voir un camp aussi compétitif », a témoigné le centre Luc Brodeur-Jourdain qui a été l’un des joueurs à multiplier les autographes et les photos à la fin de la partie de la journée qui se déroule sur le terrain.Tom Higgins

Quant à ceux qui s’amènent dans ce contexte corsé avec un statut moins précaire, la motivation ne manque pas.

« L’organisation a fait un excellent travail pour dénicher tout ce talent, c’est évident en regardant autour de nous. C’est excitant parce qu’on a besoin d’un camp de cette qualité pour connaître une saison à la hauteur des attentes », a évalué Stamps qui détient tous les outils – et surtout l’agilité – pour rapidement plaire aux amateurs.

Pour Giguère, qui a choisi de poursuivre sa carrière dans sa province natale à la suite de trois saisons avec les Tiger-Cats de Hamilton, il ne fait aucun doute que les Alouettes détiennent les éléments pour redevenir une puissance dans l’Est.

« Il y a beaucoup de talent à plusieurs positions. Sur papier, on détient tous les éléments pour connaître une grosse saison », a évoqué l’athlète de 29 ans.

Ce n’était pas étonnant de voir Giguère avec le sourire au visage en prenant un bain de foule avec les fervents qui s’étaient déplacés. Heureux de se retrouver dans la famille des Alouettes, le père de famille a aussi revu dans sa tête une panoplie de souvenirs, ayant joué sur ce terrain au niveau collégial en plus d’avoir fréquenté une école secondaire tout près de ce lieu sans oublier son parcours universitaire avec le Vert et Or de l’Université de Sherbrooke. 

Mais le camp d’entraînement est tout sauf une partie de plaisir et on peut toujours se fier sur Brodeur-Jourdain pour imager le tout avec justesse.

« C’est un peu comme le jour de la marmotte qui fait de plus en plus mal », a-t-il lancé en riant le colosse de 32 ans. « C’est bon de se replonger là-dedans parce que c’est le vrai moment dans l’année pendant lequel on peut travailler sur les techniques. »

En tant que vétéran, c’est tout à fait légitime de ne plus apprécier autant les rigueurs physiques d’un camp d’entraînement. Ceci dit, les recrues en raffolent car il s’agit de leur occasion de convaincre les entraîneurs de leur valeur.

Anthony Coady appartient justement à ce groupe et le sympathique produit des Carabins de l’Université de Montréal a adoré sa journée même s’il a constaté la marche à gravir pour s’établir dans la LCF.

« On croise vraiment des hommes dans la boîte! Je remarque clairement une différence, mais je continue de croire que j’ai vraiment ma place avec eux. Je veux aussi montrer que je peux contribuer sur les unités spéciales », a indiqué celui qui fait graduellement connaissance avec les autres joueurs.

« Ça faisait longtemps que je n’avais pas été sur la première unité donc ça brûle un peu à l’intérieur de patienter sur les lignes de côté, mais ça revient à moi de grimper les échelons. Il ne faut pas être gêné de convaincre les entraîneurs de nous offrir des répétitions. C’est un test de caractère et j’aime bien ça », a avoué Coady qui a démontré son flair durant le jour 1 dont en venant près d’accomplir une interception.

Coady n’a pas été le seul à bien se débrouiller. En fait, ils ont été plusieurs à se retrouver dans ce lot incluant Stamps, l’imposante recrue de la ligne offensive Jacob Ruby, le quart-arrière canadien Brandon Bridge, le botteur Boris Bédé et le joueur de ligne offensive en provenance de la NFL Philip Blake qui avait été repêché par les Alouettes en 2011.  

Chez les réguliers, deux joueurs brillaient par leur absence. Il s'agit de Chip Cox et Jerald Brown qui ont retardé leur arrivée au camp de 24 heures pour des raisons personnelles. Ils seront en Estrie lundi pour subir les examens médicaux d'usage et mardi, ils seront sur le terrain avec leurs coéquipiers.

Du côté négatif, notons que Ryan White (le sixième joueur dans l’organigramme de la ligne offensive), Alan-Michael Cash et Cody Hoffman ont subi de légères blessures.

Les situations très différentes de Sam, Skelton, Ackie et Chad Johnson

Après avoir été présenté au public montréalais via une conférence de presse très courue, Michael Sam a traversé sa première journée au camp d’entraînement officiel. Sans se démarquer, l’ailier défensif a continué de se familiariser au football canadien.

Les amateurs ont été nombreux à venir à sa rencontre au terme des entraînements et il a encore été très sollicité par les médias. Cette fois, Sam semblait un peu plus blasé de devoir répondre à des questions au sujet de son homosexualité, voulant se concentrer sur sa mission sur le terrain.

Tandis que Sam se voit offrir toutes les chances de percer la formation montréalaise, l’ancien quart-arrière de la NFL John Skelton a plutôt été libéré avant la première journée officielle. Il ne s’est d’ailleurs pas gêné pour le dénoncer sur Twitter.

Par contre, le directeur général Jim Popp est venu expliquer la décision de l’organisation.

« On aurait pu facilement le garder durant tout notre camp d’entraînement et lui permettre de jouer dans les deux matchs préparatoires. Mais, en réfléchissant à la question, Dan LeFevour reviendra bientôt sur le terrain et on travaille avec des bons jeunes. John aurait été placé au troisième échelon chez les quarts présentement donc on se disait que ça n’en valait pas la chandelle et qu’on était mieux de développer la relève », a justifié Popp sur Skelton qui n’avait rien cassé au mini-camp en Floride selon les dires.

Alors que Skelton aurait voulu une opportunité plus exhaustive, Chris Ackie ne s’est pas encore présenté au camp d’entraînement des Alouettes. En fait, le premier choix (4e au total) des Alouettes au dernier repêchage est gourmand et il n’a toujours pas accepté l’offre de contrat du club.

« En 20 ans, c’est la première recrue qui ne se présente pas au camp quand elle le pourrait. Les salaires ont grimpé pour les recrues et on doit s’attarder à ce dossier. Ce sera important de leur imposer un plafond salarial. Ce n’est pas juste pour les vétérans qui ont travaillé fort pendant plusieurs années et la NFL en a instauré un pour gérer la situation », a expliqué Popp qui doit boucler son enveloppe salariale.

Et que dire de Chad Johnson, l’éternel incompris qui demeure invisible lui aussi. Ochocinco ne fait jamais rien comme les autres. Au moins, il a donné plus d’informations à son directeur général qu’à son entraîneur.  

« Il traverse une situation familiale et il a précisé qu’il ne serait pas présent au début du camp d’entraînement. On verra s’il finira par se pointer, mais je ne sais pas s’il jouera de nouveau pour nous. Dans notre discussion, je lui ai demandé s’il avait l’intention d’annoncer sa retraite et il a simplement répondu qu’il n’avait jamais annoncé sa retraite dans la NFL et qu’il ne le ferait pas dans la LCF… », a confié Popp sans trop savoir quoi en penser.

« Ce n’est pas une grosse histoire à l’interne parce que nous avons beaucoup de profondeur à la position de receveurs et il faudra déjà trancher entre certains athlètes. »

En terminant, plusieurs entraîneurs du niveau universitaire ont été invités à cette première journée comme Danny Maciocia des Carabins, Carl Brennan et Mathieu Bertrand du Rouge & Or ainsi que Jeff Cummins des Axemen d’Acadia.