« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. »

Le football, ce n’est peut-être pas de la physique nucléaire, mais cette célèbre citation d’Albert Einstein permet néanmoins de mettre le doigt sur le bobo qui afflige l’attaque des Alouettes.

Car à quelques détails près, le script de la plus récente défaite des Alouettes, face au Rouge et Noir d’Ottawa jeudi soir, est en tout point semblable à celui des précédents revers du club.

Une fois de plus, nous avons assisté à un mauvais début de match de l’attaque. Contre Winnipeg une semaine plus tôt, si la défense n’avait pas tenu le fort, les Alouettes auraient rapidement pu tirer de l’arrière 21-0. Face à Ottawa, n’eût été le brio de l’unité défensive, les Montréalais auraient rapidement pu accuser un retard de 14-0.

L’équipe a ensuite joué du meilleur football en milieu de match, si bien que l’écart était encore serré après trois quarts, mais elle a encore trouvé une nouvelle façon de s’incliner. En écopant de mauvaises pénalités, la défense a permis à l’attaque du Rouge et Noir de prolonger une séquence et d’ajouter des points précieux au tableau.

Bref, les Alouettes sont passés proche pour une énième fois, mais passer proche ce n’est bons qu’aux fers. Au football, il n’y a pas de victoires morales.

Ce qui est le plus frustrant, c’est que dans les quatre derniers revers des Alouettes, jamais l’équipe n’a tiré de l’arrière par plus de cinq points après trois quarts de jeu, et ce malgré toutes ses bévues.

Or, tant que les Alouettes n’apporteront pas les ajustements qui s’imposent, en attaque surtout, l’équipe peinera toujours à transformer ces luttes serrées en victoires. Et pour l’instant, impossible de blâmer un seul coupable.

Quand ce n’est pas la ligne à l’attaque qui rate un bloc, c’est un receveur qui échappe une passe ou le quart-arrière qui effectue un relais imprécis. C’est sans compter les pénalités, la pression sur le quart, une mauvaise lecture de ce dernier ou simplement un mauvais choix de jeu. Une erreur après l’autre.

Bref, tout le monde est à pointer du doigt au sein de cette attaque, mais on ne peut pas passer à côté de la performance de la ligne à l’attaque. Tout part de là.

Apprendre à la dure

Avec quatre changements apportés à celle-ci depuis la saison dernière, la ligne à l’attaque constituait bien sûr un point d’interrogation au lancement de la présente campagne. Les membres de cette ligne manquent d’expérience et apprennent toujours à se connaître. Ce qui importe donc, c’est de limiter les dégâts autant que possible tout en apprenant à vivre avec des erreurs prévisibles.

Rouge et Noir 19 - Alouettes 14

Loin de moi l’intention de remettre en question l’effort et la volonté de ces joueurs. Aucun d’entre eux ne se lève le matin en se disant que le soir même, il va rater ses blocs et mettre l’attaque dans le trouble. Personne n’est parfait et ne peut se vanter d’avoir joué un match parfait. Tout le monde fait des erreurs. Ils en commettent et j'en ai commis lorsque j'étais joueur.

Reste que les erreurs commises sont malheureusement toujours les mêmes, semaine après semaine. C’est là où j’ai un peu plus de difficulté.

Chaque membre d’une ligne à l’attaque se doit de connaître la prochaine stratégie, le bloc qu’il s’apprête à appliquer et le joueur qu’il doit bloquer, mais il doit également être en mesure d’anticiper le déploiement de la défense adverse selon son alignement, les mouvements de dernière seconde et la situation du match.

Mais pour anticiper efficacement la tâche qui t’attend, il faut d’abord la voir et surtout la vivre en plusieurs occasions. Je suis persuadé qu’avec seulement 10 matchs en carrière dans la LCF, Philippe Gagnon verra la semaine prochaine des choses qu’il n’a encore jamais vues depuis ses débuts professionnels. C’est la même chose pour le bloqueur à gauche Jacob Ruby.

Admettons par exemple que ce dernier doive bloquer l’ailier défensif se positionnant à l’extérieur. Qu’arrive-t-il toutefois si un secondeur s’amène à l’extérieur de ce même ailier défensif à la dernière seconde? Réponse : c’est ce secondeur qui a maintenant pour mission de contenir le jeu, ce qui permet à l’ailier défensif d’attaquer vers l’intérieur.

Ce genre de déploiement, tout comme le jeu en croisé qui a permis au Rouge et Noir de réussir son dernier sac du quart de la rencontre, Ruby et ses jeunes coéquipiers se doivent d’apprendre à les identifier et à les anticiper.

Autrement, les Alouettes ne feront qu’ajouter aux 32 sacs du quart qu’ils ont déjà alloués cette saison, un sommet dans la LCF. À titre comparatif, en 2015, alors que les quarts-arrières et les coordonnateurs offensifs se sont pourtant succédé, les Alouettes avaient accordé un total de 33 sacs. C’était le bon vieux temps, l’époque où les vétérans Luc Brodeur-Jourdain et Josh Bourke se retrouvaient aux postes de centre et de bloqueur à gauche, notamment.

Inutile donc de chercher plus loin pour expliquer les malheurs de l’attaque montréalaise. Peinant la plupart du temps à trouver son synchronisme et une exécution à la hauteur, cette unité offensive tarde donc à prendre son rythme. La confiance de celle-ci en est ainsi directement affectée, tout comme son appétit pour les longs jeux synonymes de points au tableau.

Kevin GlennPas une F1

À l’instar de sa jeune ligne à l’attaque, le coordonnateur offensif des Alouettes Anthony Calvillo apprend lui aussi à la dure à sa première saison dans ces fonctions.

J’ai toujours pensé que le football est le sport où les entraîneurs ont le plus d’impact sur le résultat d’un match. Si c’est plus difficile pour l’attaque, c’est donc plus difficile pour Calvillo.

Ce n’est pas parce que tu as été un grand joueur que tu deviens automatiquement un grand coach. On ne s’improvise pas entraîneur d’un jour à l’autre. Il faut être capable de placer ses joueurs de façon à ce qu’ils connaissent du succès, tout en camouflant leurs défauts.

Le plus grand danger pour un entraîneur qui a déjà été un grand joueur, c’est de penser que ce qui était facile pour toi le sera nécessairement pour tes joueurs. À sa défense, il faut dire que Calvillo n’a pas hérité d’une Formule 1 non plus. Comme le dit le bon vieux proverbe sportif, « montre-moi de bons joueurs et je vais te montrer un bon entraîneur ».

Alors qu’il se familiarise toujours avec les rigueurs du métier de coordonnateur offensif, Calvillo doit en effet travailler avec une ligne à l’attaque rapiécée et un quart-arrière vieillissant qui accumule les interceptions. Disons que ce n’est pas le meilleur des scénarios.

Calvillo se doit donc de se mettre à leur niveau, et c’est entre autres pourquoi je m’explique mal qu’il ne privilégie pas davantage le jeu au sol dans son plan de match. Cela soulagerait sa jeune ligne à l’attaque de beaucoup de stress et de pression.

Même si les Alouettes ont été dans le coup pendant un bon bout de temps dans leurs quatre plus récents revers et que l’attaque n’était donc que tardivement forcée de jouer du football de rattrapage, les porteurs de ballon n’ont été sollicités que 7, 12, 11 et 12 fois dans chacun de ces matchs contre les Lions, les Eskimos, les Blue Bombers et le Rouge et Noir.

Une autre mauvaise interception

En deuxième demie jeudi, l’attaque montréalaise n’a effectué que quatre courses si on exclut celles du quart-arrière. Les Alouettes avaient pourtant amorcé le troisième quart avec l’avance.

Pourquoi demeurer aussi unidimensionnel lorsque l’écart au pointage ne le commande pas?

Cela n’aide certainement pas la cause du quart Kevin Glenn, qui avec 11 interceptions à son dossier, en revendique plus que tout autre quart du circuit. Un tel rendement serait plus acceptable pour une recrue, mais historiquement, Glenn a souvent lancé autant de passes de touché que d’interceptions.

La responsabilité des deux revirements qu'il a causés jeudi ne lui revient peut-être pas à 100 %, puisque sa permière passe interceptée a d'abord ricoché dans les mains de Corbin Louks, alors que la deuxième est le résultat d'un mauvais tracé de B.J. Cunningham, mais reste que Glenn se retrouve au sommet de cette colonne statistique peu enviable. 

Reste à voir maintenant si les Alouettes jugeront qu’ils ont encore plus de chances de l’emporter avec Glenn au poste de partant qu’avec un ou l’autre de ses réservistes. Si les Oiseaux étaient officiellement déjà écartés du portrait des séries, il serait sans doute plus facile pour eux de préparer l’avenir à cette position et de faire jouer la relève, mais aussi farfelu que cela puisse paraître, ils ont encore des chances mathématiques. Deux victoires seulement les séparent en effet du premier rang dans l’Est.

Les chances sont minces, je le sais, mais les Alouettes prônent la stabilité depuis le début de l’année et il serait surprenant qu’ils y dérogent tant et aussi longtemps qu’ils pourront rêver aux séries.

Y croyez-vous?

*Propos recueillis par Mikaël Filion