Un exemple de caractère
Alouettes lundi, 20 oct. 2014. 17:35 samedi, 14 déc. 2024. 12:58La victoire des Alouettes à Toronto était cruciale. Il ne fallait pas l’échapper car c'était important pour s'améliorer au classement à l'approche des éliminatoires et pour permettre aux Moineaux de contrôler leur destinée. Mais ce que je retiens le plus du match de samedi, c’est la façon qu’il a été remporté.
Ce n’était pas facile, c’était robuste et ça brassait. Certains joueurs sont tombés au combat et il a fallu jouer avec des réservistes, notamment en défensive. Quand les réservistes sont appelés à jouer de façon régulière soit à l’attaque ou à la défense, ils ne peuvent pas abandonner les unités spéciales et ils deviennent surtaxés. Je lève mon chapeau à l’équipe car ce n’était pas le gain le plus spectaculaire, mais c’était une victoire satisfaisante et une belle démonstration de caractère dans l’adversité alors qu’ils affrontaient une équipe à domicile qui compte sur un bon quart-arrière en Ricky Ray. On a reproché beaucoup de choses aux Alouettes en début de saison quand ils avaient une fiche de 1-7, mais même si c’est plus facile de trouver les mauvais côtés que les bons, ils n’ont jamais cherché d’excuses. Ils auraient pu parler des blessés et du fait que c’est instable au poste de quart-arrière maintenant qu’Anthony Calvillo est à la retraite, mais ils sont plutôt demeurés positifs. Ils ont avoué que ce n’était pas facile, mais ils sont restés unis et ont préféré dire qu’ils allaient travailler fort pour trouver des solutions. On en a eu l’exemple samedi en jouant sur la route contre le meilleur quart de la ligue canadienne et contre une attaque qui venait de marquer 35 points en moyenne à ses quatre derniers matchs. En plus, ils ont perdu deux joueurs importants dans le front défensif (Aaron Lavarias et Gabriel Knapton). Ça me fait penser au Canadien quand Michel Therrien est arrivé à Montréal et qu’il a posé une affiche qui disait « No excuse ». C’est une mentalité qui s’applique aussi à l’édition 2014 des Alouettes. C’est intéressant comme dynamique.
J’aime l’attitude des joueurs et des entraîneurs qui ont traversé toute une tempête au début de la saison. Ils jouent présentement leur meilleur football et c’est le temps idéal pour le faire. Ça donne espoir à tout le monde. Dans les quatre dernières rencontres, ils ont gagné par un pointage cumulatif de 106-43. C’est un résultat moyen de 26,5 points à 11. C’est une bonne nouvelle et je souhaite qu’ils continuent sur cette lancée. Sans s’attarder à ce que les autres équipes font, les Als se concentrent sur eux-mêmes. Tout le monde connaît le dicton qui dit que la défensive gagne des championnats, et celle des Als est impressionnante. Il n’y a cependant rien d’acquis puisqu’il reste trois matchs à disputer.
Parlant de la défense, elle n’a concédé que 11 points en moyenne dans les quatre derniers matchs. Dans les trois derniers, elle a alloué un touché à Ottawa, un à la Saskatchewan et zéro à Toronto. D’ailleurs, ce qui est assez spectaculaire, c’est que les Argos n’ont jamais réussi à entrer dans la zone payante samedi. Ils se sont contentés de quatre bottés de précision. Le plus loin où on s’est rendu en première demie, c’est à ligne de 23 alors que la zone payante commence à 20, mais ce fut encore pire en deuxième demie où on s'est arrêté à la ligne de 30. C’est tout à l’honneur de la défensive. On a aussi continué à créer des revirements. On en est à quatre interceptions dans les quatre derniers matchs en plus de sept ballons recouvrés. Quatre d’entre eux ont été obtenus contre Toronto, dont deux dans les deux dernières séquences alors que Toronto menaçait après avoir réduit l’écart à huit points. On a d'abord arrêté Ray sur une faufilade du quart au troisième essai, et plus tard, Toronto a repris le ballon dans la dernière minute et Jerald Brown a réussi une interception. Ce sont des gros jeux qui font une différence dans un match. Quand il y a eu un passage à vide, dont l’échappé de Jonathan Crompton et le ballon bloqué par les Argos sur un placement, ça aurait pu ouvrir la porte à l'adversaire, mais la défensive a tenu le fort. Elle a seulement alloué deux bottés de précision par la suite, donc six points, ce qui fait que les Argos n’ont pu reprendre confiance et revenir dans le match.
J’ai aussi aimé le fait qu’ils ont varié les structures défensives et les couvertures de passes. Ray aime lancer le ballon, donc j’ai aimé les formations défensives où en plus des cinq demis défensifs, on ajoutait Dominique Ellis comme sixième demi défensif, ainsi que Winston Venable et Chip Cox, qui sont des secondeurs déguisés en demis défensifs. On se retrouve ainsi avec huit joueurs capables de surveiller les receveurs de ballon et ça permet d’utiliser plusieurs stratégies différentes. De plus, Cox, Venable et Ellis sont assez physiques pour jouer près de la boîte défensive si jamais l’adversaire veut courir. Les Als ont utilisé une structure qui invitait les Argos à courir, mais ce n’est pas dans le code génétique de Ray de lancer à son porteur de ballon. Il a quand même continué à tenter la passe, mais la couverture était si serrée qu’il devait souvent réviser ses options. En prenant autant de temps pour réfléchir à son plan, sa ligne à l’attaque était incapable de tenir le coup et la ligne défensive des Als réussissait à se rendre jusqu’à lui. Bref, on se complétait bien en défense : la couverture enlevait la première option de Ray, puis la pression enlevait sa deuxième et sa troisième. Ray passait son temps à scanner le terrain et il ne trouvait pas de solutions. Il a obtenu à peine 200 verges, aucune passe de touché et aucune passe explosive (la plus longue était de 20 verges). On a aussi été excellent sur les plaqués. Les Argos aiment les petites passes et espèrent courir après l’attrapé, mais ce n’est pas arrivé.
Sean Whyte en est un autre qui a joué un excellent match. C’est simplement dommage qu’un de ses bottés ait été bloqué. Ce n’est toutefois pas sa faute, il y a eu une défaillance dans la protection. Un joueur des Argos est passé entre deux joueurs des Moineaux, comme si chacun s’était fié sur l’autre, et il a eu le temps de se rendre jusqu’au botteur. Ce n’est pas une question de mauvaise structure, mais plutôt de mauvaise communication. Ce n’est pas alarmant et ça peut se corriger facilement. Pour revenir plus précisément à Whyte, il a marqué 8 des 20 points de l’équipe grâce à ses deux bottés de précision et ses deux convertis d’un point. Mais là où il a vraiment excellé, c’est au chapitre des bottés de dégagement. Au troisième quart, il a coup sur coup refoulé les Argos à la ligne de 4, puis de 5. Il n’avait même pas besoin de couverture parce que ses bottés quittaient le terrain juste à temps et les Torontois ne sont jamais sortis de leur territoire au troisième quart. C’était de toute beauté, de loin sa meilleure performance de la campagne.
Bref, la défense a contribué tout comme les unités spéciales. De son côté, l’attaque progresse. Ce n’est pas parfait, mais on joue avec plus de confiance. Il faut se rappeler que Crompton (6-1) en était seulement à son septième départ. Il ne faut jamais perdre ça de vue quand vient le temps de critiquer son boulot. Il a connu une excellente première demie, et je trouve qu’il s’est amélioré même s’il a eu quelques passages à vide. Évidemment, il est vrai qu’il a encore du travail à faire. Il a échappé le ballon une fois, et à un certain moment, il a complètement raté une passe piège destinée à Tyrell Sutton. Après sa performance à Edmonton, je me demandais s'il avait plafonné et on doutait de sa progression, mais depuis quelques matchs il semble avoir reparti la machine et être sur une pente ascendante.
S.J. Green a quant à lui fait de gros jeux avec notamment un attrapé sur 31 verges qui a précédé le touché de Tanner Marsh. Ça fait quelques matchs qu’on le voit de façon plus régulière et c’est important parce qu’on a besoin de lui. Il ne faut pas oublier non plus que Crompton a utilisé tous ses receveurs. Ça en dit long sur son habileté à lire le jeu, il ne force pas le ballon. Duron Carter et Green devraient être les meilleurs à leur position, suivis de Brandon London pas loin derrière, mais il faut surtout faire la bonne lecture de jeu, prendre des décisions et lancer au joueur le mieux démarqué. Crompton a compris ça et il bien distribué le ballon, six receveurs différents ayant touché le ballon.
Certaines choses doivent par ailleurs être améliorées au niveau collectif. Écoper 18 pénalités pour 165 verges, ça pourrait coûter cher un jour. Sinon, c'est une victoire à laquelle tout le monde a contribué. Si la défense a été fidèle à son habitude, on a vu un meilleur soutien de l’attaque et des unités spéciales cette fois. Même Tom Higgins a bien fait car ses hommes étaient prêts en dépit du fait que l’équipe bénéficiait d'une courte semaine de préparation. Lors de la dernière partie, Higgins a demandé la révision sur un jeu capital au début du quatrième quart où les Argonauts ont tenté une passe et où on a appelé une pénalité d’obstruction contre Jerald Brown pour 33 verges. Ça allait devenir le plus long jeu offensif des locaux, qui entraient pour une première fois dans la zone payante. L’entraîneur a cependant lancé son mouchoir et le verdict a été changé pour une passe incomplète qui a annulé ce long jeu.
En conclusion, j’ai adoré l’effort, l’intensité et l’émotion de la troupe montréalaise. C’est important parce que le football est un jeu de robustesse, et sans ces éléments, c'est difficile de gagner la bataille. Maintenant, il faut y aller un match à fois. Il ne faut pas s’endormir et penser que c’est dans la poche à Ottawa. Ce n’est pas le moment de bousiller une belle séquence à cause d’un relâchement. Surtout que le Rouge et Noir n’a rien à perdre. Il faudra être alerte vendredi parce qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent à ce stade-ci. Ils peuvent essayer des jeux truqués, tenter des jeux surprises et y aller le tout pour le tout en troisième essai. La plupart des joueurs pensent déjà au camp d’entraînement 2015. Je souhaite donc que les Als connaissent un départ canon pour lancer le message à leurs rivaux que ça ne vaut pas la peine de gaspiller de l’énergie et qu’ils n’ont aucune chance.
*Propos recueillis par Audrey Roy