MONTRÉAL – La fiscalité ou le football? Catherine Raîche a choisi l’option la plus amusante même si ça voulait dire de larguer sa prometteuse carrière d’avocate en droit fiscal en plus d’accepter une baisse salariale.

Même si son parcours a été fulgurant chez les Alouettes, ça ne signifie pas qu’il a été facile. Tout a commencé quand elle a eu l’audace de travailler bénévolement pour l’organisation montréalaise en 2015 pendant le camp d’entraînement et la saison régulière. Durant cette période, elle combinait ses exigeants mandats d’avocate avec son boulot auprès des Oiseaux. Impressionné par ses atouts, Jim Popp lui a confié le rôle de coordonnatrice de l’administration football en décembre 2015.   

Catherine RaîcheUn peu plus d’un an après avoir osé se lancer à temps plein dans ce milieu dominé par les hommes, Raîche a hérité d'une promotion d’envergure. Mercredi, elle a été nommée directrice adjointe des opérations football. Instantanément, elle est devenue une source d’inspiration pour les femmes qui rêvent de travailler dans l’univers du sport professionnel.

Non seulement les femmes demeurent des exceptions dans de telles fonctions, mais Raîche a convaincu Kavis Reed qu’elle constituait la candidate idéale pour l’épauler en dépit de son jeune âge (27 ans).

« Il m’a approché pour me demander de devenir son bras droit au niveau des opérations football. J’étais très emballée et surprise en même temps parce que lorsque des changements surviennent dans la direction, on ne sait jamais dans quel sens ça va aller », a confié l’avocate durant un entretien avec le RDS.ca dans son bureau du Stade olympique.

Mais ce n’est pas tout, Raîche ne cache pas qu’elle aspire éventuellement à un rôle de directrice générale. Ça tombe bien pour elle car elle a devancé ses prévisions avec cette nomination hâtive. 

« C’est certain que c’est arrivé plus tôt que je l’imaginais puisque ça ne fait pas très longtemps que je suis avec l’organisation. Par contre, avec mon passé et mon cheminement académique et professionnel, je pense que ça m’a permis de développer de bons outils qui me permettent de pouvoir être en poste aujourd’hui », a avoué l’interlocutrice.

Lorsqu’elle a renoncé à son emploi au cabinet Gascon et Associés, certains de ses collègues ont accueilli la nouvelle avec stupéfaction et incompréhension. Disons que ceux-ci ont ravisé leur jugement depuis la récente annonce.

« Ils disaient : "Ben voyons, abandonner une carrière d’avocate pour travailler dans le sport..." Sauf que ceux qui me connaissaient vraiment, ils savaient que j’avais un plan en tête », a raconté Raîche qui a reçu une panoplie de messages de félicitations et d’encouragement autant du milieu du droit que celui du football.

Éric Deslauriers occupe un bureau tout près du sien. L’ancien receveur qui porte maintenant le chapeau de recruteur a rapidement été vendu à la cause de Raîche.

« C’est certain que des gens vont questionner le fait qu’elle ait fait tout ce chemin en deux ans, mais elle possède énormément de connaissances. Elle a assimilé la convention collective à une grande vitesse et elle est très habile avec les contrats. Elle est généreuse tout en étant capable d’être sévère. Je crois qu’elle va être exceptionnelle dans ses tâches, elle va dépasser les attentes », a évalué Deslauriers.

Plusieurs missions importantes dont au plan football

En somme, les responsabilités de Raîche ne feront qu’augmenter. En plus de superviser les activités quotidiennes des opérations football, elle sera la référence pour les contrats tout en participant à la négociation des ententes. Elle veillera également à la gestion du plafond salarial avec Reed.

Grâce à sa maîtrise en droit fiscal, elle chapeaute aussi quelques dossiers plus pointus.

« Il y a un dossier hyper intéressant et important sur lequel je continue de travailler depuis mon arrivée en décembre 2015. Ça concerne l’imposition des bonus de signature versés aux joueurs américains. C'est une question très importante parce qu’elle n’est pas gérée de la même manière par toutes les équipes de la LCF. Au Québec, on a notre propre loi fiscale donc l’impact est complètement différent. Il y a un effet pour les joueurs et pour nous. Quand on veut aller chercher quelqu’un spécifiquement et qu’on veut lui offrir un bonus, on peut être placé dans une situation économique désavantageuse par rapport à une autre équipe. Les démarches se poursuivent et on regarde ce que les autres équipes sportives du Québec font comme le Canadien », a expliqué la spécialiste qui espère obtenir des mesures qui placeraient les Alouettes sur un pied d’égalité avec leurs rivaux.

Étant donné qu’elle négocie des contrats, Raîche doit bien connaître les joueurs du circuit canadien. Elle poussera son implication jusque dans l’évaluation des joueurs et le recrutement.

« C’est une portion à laquelle je vais plus toucher cette année et ça m’emballe beaucoup. J’adore aller sur la route, regarder des matchs, voir des vidéos de joueurs et discuter de talent avec nos recruteurs », a lancé la passionnée de football depuis son enfance.

« Au fur et à mesure, elle va apprendre à faire plus de recrutement et elle va développer son œil pour ça. Ce n’est pas un secret, elle a vu moins de matchs de football que certaines personnes dans le domaine, mais elle vient d’une famille qui aime le football. L’an passé, elle trouvait le moyen de venir aux entraînements même si elle avait du travail par-dessus la tête », a proposé Deslauriers sans crainte.

Un exemple inspirant pour le Québec 

Le parcours de Raîche fait automatiquement penser à Jo-Anne Polak. À l’âge de 29 ans, elle avait accédé au poste de directrice générale des Rough Riders d'Ottawa en 1988. Près de 20 ans plus tard, la LCF mise sur quelques femmes, comme Christina Litz et Céline Séguin, à des postes stratégiques. Du côté de la NFL, les ouvertures deviennent plus nombreuses et Raîche a été particulièrement inspirée par Dawn Aponte qui a agi pendant plusieurs années dans un poste de haute importance chez les Dolphins de Miami.

« J’ai beaucoup lu sur cette femme. Elle a commencé au bas de l’échelle et elle a monté les échelons. Je me souviens que quand je suis allé au Combine de la NFL, les gens parlaient d’elle comme étant éventuellement la candidate pour devenir la première femme directrice générale dans la NFL. J’avais trouvé ça bien inspirant, ça m’avait prouvé que c’était possible », a relaté Raîche qui serait heureuse d’encourager d’autres femmes à suivre son exemple.

Depuis son arrivée avec les Alouettes, les joueurs ont appris à la connaître et à l’apprécier. Par le fait même, Deslauriers croit que son ascension sera bien accueillie.

« Je pense que les joueurs vont être un peu déçus par une seule chose : elle ne fera plus les petites paperasses pour eux dorénavant. Elle ne s’occupera plus d’eux comme une maman », a mentionné Deslauriers en souriant.

« Mais, en même temps, je suis certain qu’elle va encore les aider, elle travaille tellement fort. Parfois, je pars vers 18h et elle est encore à son bureau avec une pile de dossiers sur son bureau. On en vient à se demander quand elle dort et quand elle mange. Elle est très travaillante, c’est pour ça qu’elle a grimpé les échelons si rapidement », a-t-il enchaîné.

Mais pour elle, ce n’est pas du travail. Le football a toujours rimé avec le bonheur. 

« J’ai développé ma passion du football assez jeune. Mon père était un grand fan de ce sport tout comme mon frère et ma mère. On était vraiment une famille de foot qui écoutait ça religieusement. Mon plus vieux souvenir, c’est mon premier chandail qui était celui de Mike Pringle. Mon frère jouait au civil et ma mère était la gérante de ses équipes. J’étais haute comme trois pommes et j’étais derrière le banc à aider avec l’eau », s’est souvenue Raîche en avouant que sa mère est bien fière d’elle. 

Parions que les joueurs qui lui prenaient un verre d’eau n’auraient jamais cru qu’elle se rendrait jusqu’à ce niveau. Aujourd’hui, plus personne n’oserait miser contre ses chances de se rendre encore plus loin.