Un manque de constance et d'opportunisme
Alouettes vendredi, 25 août 2017. 15:40 mercredi, 11 déc. 2024. 13:22Tous ceux qui suivent les Alouettes avaient hâte de voir comment l’équipe allait rebondir contre les Blue Bombers de Winnipeg après la défaite à Toronto. Probablement que plusieurs étaient inquiets après le premier quart parce que ça ressemblait drôlement au dernier match. L’équipe s’est resserrée, a fait preuve de caractère pour forcer la prolongation, mais le résultat demeure une défaite.
J’ai apprécié cet aspect combatif, alors que les Alouettes n’ont jamais abandonné et se sont battus jusqu’à la fin, mais c’est encore la même histoire qui se répète.
Si on met de côté le cuisant revers devant les Argonauts, les Alouettes ont toujours été dans le coup dans une cause perdante. Ils ont pris part à des rencontres chaudement disputées, qui se soldaient par un écart de sept points, donc une seule possession. Même si les Alouettes ont la même fiche que l’an dernier avec trois victoires et six défaites, force est d’admettre qu’ils sont plus compétitifs. Par contre, ça ne donne pas plus de points au classement.
L’équipe manque d’opportunisme et trouve des façons de perdre. À l’opposé, les Blue Bombers ont le vent dans les voiles avec une cinquième victoire consécutive. Je n’ai jamais senti de panique du côté de Winnipeg, tandis que du côté de Montréal, le manque d’opportunisme rend la confiance plus fragile.
Une défaite sur deux fronts
C’est certain que 13 pénalités et quatre revirements c’est beaucoup trop. Le travail numéro un d’un quart-arrière est de protéger le ballon et ensuite de marquer des points. Les Alouettes ont été victimes jusqu’ici cette saison de 17 revirements et Darian Durant est responsable de 12 d’entre eux.
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Je comprends que ce n’est pas toujours de sa faute, alors que, parfois, il ne dispose pas d’une bonne protection ou encore, l’un de ses receveurs ne fait pas le bon tracé. Je ne veux pas lui jeter tout le blâme, mais il demeure l’acteur principal. Il doit cesser de lancer des interceptions, car lorsque ça se produit, il dégonfle la balloune des Alouettes. Il a été victime d’au moins une interception dans sept de ses neuf matchs cette année. Je suis heureux de voir qu’il ne semble pas trop affecté pour la suite de la rencontre, mais tôt ou tard, c’est certain que des joueurs se disent « ah non, pas encore », lorsque ça se produit.
À sa défense, ça fait quatre matchs que la ligne à l’attaque en a plein les bras avec le front défensif adverse. Durant a été constamment mis sous pression jeudi, particulièrement en première demie.
On parle souvent de la statistique des sacs du quart, mais elle est parfois trompeuse. En effet, la défense des Alouettes a réussi deux sacs aux dépens de Matt Nichols, tandis que Durant en a été victime d’un seul. Pourtant, si vous avez vu la rencontre, vous avez remarqué que Durant a été mis sous pression durant tout le match, contrairement à Nichols.
C’est vrai que les blessures à la ligne à l’attaque changent un peu la donne, mais les Alouettes perdent en ce moment leur pari avec la décision d’habiller trois joueurs américains sur la ligne à l’attaque. Les Bombers ont employé cette formule l’an passé et depuis, ils ont le vent dans les voiles. Ils ont l’une, sinon la meilleure ligne à l’attaque du circuit. On a tenté de reproduire ça du côté des Alouettes, mais ça ne fonctionne pas. En plus, les entraîneurs se retrouvent à devoir enlever un receveur américain en raison de cette tactique.
En deuxième demie, il n’y avait que deux joueurs sur cinq qui étaient à leur position initiale. J’ai adoré que les joueurs se battent et soient résilients. Par contre, les faits sont là. La ligne avait alloué trois sacs lors des cinq premiers matchs, mais elle en a alloué 11 lors des quatre derniers.
Les entraîneurs veulent améliorer leur ligne avec un joueur américain supplémentaire, mais ce faisant, ils affaiblissent leur groupe de receveurs. Les Alouettes perdent sur les deux fronts avec cette décision.
En attaque, tout commence par la ligne. Il y a un effet domino, alors que Durant doit protéger le ballon, mais la ligne à l’attaque doit protéger Durant.
Cette rencontre nous a permis de voir Durant à son meilleur et à son pire. Le pire, ce sont ses interceptions. Il a peut-être voulu trop en faire sur la première, alors qu’il devait éviter la pression, mais je ne sais pas à qui il voulait envoyer le ballon dans son camp. Chris Randle a finalement hérité du ballon. Sur la deuxième, c’est une mauvaise lecture et un excellent jeu de Randle qui explique le résultat. C’est certain qu’elle a fait mal comme elle est survenue en prolongation.
En contrepartie, Durant a fait des jeux incroyables, notamment de bonnes courses en se servant de ses jambes pour quitter sa pochette. Il a aussi réussi des passes exceptionnelles, comme celle à Brandon Rutley pour la transformation de deux points. Il faut tout un doigté pour compléter cette passe.
Une zone payante pas très payante
Ce dernier aspect illustre deux lacunes importantes chez les Alouettes cette saison, alors qu’ils manquent de constance et d’opportunisme. C’est certains qu’ils voient sur les bandes vidéo qu’ils peuvent accomplir de bonnes choses, mais ils ne parviennent pas à les réaliser avec constance.
C’est la même chose sur le plan de l’opportunisme, alors que la rencontre de jeudi nous en a offert de nombreux exemples.
Alors que c’était 10 à 0 Winnipeg, Stefan Logan a réussi un retour de botté de 82 verges jusqu’au 24 dans le territoire adverse. Lors du premier essai, B.J. Cunningham a échappé une passe. Dès le jeu suivant, Durant a échappé le ballon après un sac du quart.
Sans compter la prolongation, les Alouettes sont allés à deux occasions dans la zone payante. La première fois, il y a eu une course d’une seule verge suivie d’une faufilade du quart de cinq verges sur un troisième essai pour le premier jeu. S’en est suivi une course d’une verge, d’une passe incomplète et la séquence s’est conclue avec un placement de 19 verges.
La deuxième fois, les Alouettes ont perdu une verge sur une course et il y a eu une passe échappée par Samuel Giguère à la porte des buts. Résultat : un placement de 19 verges. En six jeux dans la zone payante, les Alouettes ont gagné un maigre total de six verges et le meilleur jeu aura été une faufilade du quart.
Je ne suis pas certain de la sélection des jeux au final, mais c’est évident qu’on se cherche présentement dans cette facette du jeu chez les Alouettes, alors qu’ils ont inscrit seulement neuf touchés en 23 tentatives dans la zone payante.
Ce qui est frustrant au-delà du manque d’exécution, c’est la chaise musicale pour savoir qui commet l’erreur. Lorsque c’est toujours le même joueur, c’est facile, il suffit de le remplacer. Par contre, c’est présentement une passe échappée, une passe imprécise ou une pénalité qui vient nuire à l’exécution. L’unité offensive doit trouver de la constance dans son exécution, car c’est l’une des causes de leurs récentes défaites.
Le même refrain en défense
La défense de son côté s’est raffermie après avoir concédé une avance de dix points. Elle a forcé les Bombers à dégager après deux jeux à quelques occasions, en plus de provoquer un échappé. C’est certain que sur les trois touchés inscrits par les Bombers, ces derniers ont pris le ballon à la ligne de 54 de Montréal, à la ligne de 51 et à la ligne de 35 en prolongation. Leurs trois touchés sont survenus alors qu’ils ont pris le ballon dans le territoire des Alouettes. C’est certain que ce n’est pas évident pour la défense montréalaise de tenter de les arrêter avec moins d’une moitié de terrain à protéger. Il faut dire que les Bombers ont été de leur côté opportunistes, alors que leurs deux premiers touchés ont été inscrits après des revirements.
C’est vrai que la défense a provoqué deux revirements, par contre, je mets un bémol sur l’interception en toute fin de première demie réalisée par Kyries Hebert. Tant mieux pour lui, car il l’ajoute à ses statistiques personnelles, mais techniquement, je considère qu’il n’y a eu qu’un seul revirement provoqué par l’unité défensive et ce n’est pas assez. C’est une tendance qui se répète depuis le début de la saison.
Outre les revirements, le jeu contre la course commence à me chicoter aussi dans le camp montréalais. La défense invite l’adversaire à courir. Lors des cinq premiers matchs, la défense allouait 63 verges au sol par rencontre. Lors des quatre derniers, ce total a doublé alors qu’il est passé à 126 verges par match. C’est un problème, car ils permettent à l’adversaire de contrôler le cadran et ainsi, l’allure du match.
Une ombre au tableau des unités spéciales
C’est dommage, car l’un des gros jeux qui a fait mal aux hommes de Jacques Chapdelaine est survenu sur les unités spéciales, alors qu’un jeu truqué sur un botté de dégagement au début du troisième quart a été bloqué. C’est plate puisque les unités connaissaient un gros match. La couverture sur les bottés était bonne et Stefan Logan effectuait de longs retours. Ce jeu truqué est venu leur exploser au visage.
Quand tu as trois victoires et cinq défaites, que tu manques d’opportunisme, parfois tu veux trop en faire et c’est ce qui s’est produit. Il semble d’ailleurs que ce jeu ne provenait pas du banc, mais que c’est un joueur qui a voulu trop en faire et a décidé d’utiliser le jeu truqué.
Pour qu’il fonctionne, il faut oui de l’audace, mais surtout, un élément de surprise. Un jeu truqué doit être effectué dans une situation où personne ne s’y attend. C’est plus facile d’en parler après les faits, mais les Alouettes étaient au centre du terrain, sur un troisième essai et trois verges à franchir. C’est certain que l’adversaire va garder un œil là-dessus. C’est trop évident qu’il y a une opportunité. Je suis le premier à dire lorsqu’il y a deux ou trois verges qu’il faut faire attention au jeu truqué. Si moi je m’en aperçois, c’est évident que l’adversaire aussi.
C’est également particulier, car ils ont couru du côté gauche alors qu’il y avait cinq joueurs contre cinq. L’un des cinq Alouettes a le ballon, donc il reste quatre joueurs pour en bloquer cinq, dont le centre qui doit se concentrer sur la remise. On peut dire qu'ils avaient presque 3,5 joueurs pour en bloquer cinq. On peut comprendre pourquoi ça n’a pas fonctionné. C’est dommage, car les Alouettes avaient inscrit les 10 derniers points. Souvent après un revirement l’équipe veut faire payer l’adversaire et elle revient avec la bombe. Les Bombers ont enchaîné avec une passe de 40 verges. C’est du football 101, alors que l’équipe veut faire encore plus mal avec un long jeu. La même situation était survenue à Ottawa. Le touché a suivi et ce passage à vide au troisième quart a fini par faire mal.
Pour l’instant les Alouettes sont plus compétitifs que l’an passé, mais ils ont la même fiche et ils ne sont pas beaucoup plus avancés au classement. Il y a des matchs forts importants qui s’en viennent. Ils leur reste cinq matchs contre des formations de l’Est, dont deux contre Hamilton, un contre Toronto et deux contre Ottawa. Les Alouettes ont commencé à se creuser un trou et les matchs contre les équipes de leur association vont avoir une importance capitale. Ça commence dès la semaine prochaine contre le Rouge et Noir qui est juste derrière les Alouettes. Ottawa pourrait se présenter devant les Alouettes au classement avec un match de plus de disputer cependant.
Je tiens à glisser un mot en terminant sur le record de Nik Lewis pour le nombre d’attrapés. C’est dommage que ce soit survenu dans une défaite, mais je lui dis bravo d’avoir réalisé cet exploit. C’est juste malheureux que ce soit arrivé dans une cause perdante et qu’il y avait moins de partisans dans les gradins pour souligner ce record lors de la cérémonie après la rencontre. Malgré tout, ça n’enlève rien à son accomplissement.
Propos recueillis par Maxime Tousignant