Toute bonne chose a une fin. Avec la défaite face aux Eskimos, on sait déjà que la séquence de saisons consécutives en éliminatoires des Alouettes s’arrêtera à 19.

Ce fut une saison de fou. Le match de dimanche a été à l’image de la campagne. On se demandait : qu’est ce qui pourrait bien arriver d’autre? Avec les changements de quarts, d’entraîneurs et d’adjoints, on croyait avoir tout vu cette année.

Finalement, l’entraîneur-chef Jim Popp était malade et n’a pas fait le voyage à Edmonton. Ensuite, il y a eu le cafouillage à la porte des buts. En 60 minutes, nous avons revécu la saison complète des Alouettes. Il y avait de très beaux moments et d’autres qui l’étaient un peu moins. Malheureusement, les mauvais moments ont pris le dessus sur les plus beaux. Cela donne le résultat qu’on connaît aujourd’hui.

Une chose que nous ne pouvons pas reprocher aux joueurs, c’est que nous avons vu des athlètes qui se sont battus dimanche. J’ai vu des joueurs qui ont donné tout ce qu’ils avaient et qui ont vidé le réservoir jusqu’au bout. Ils y croyaient encore et ils travaillaient fort.

Je lève mon chapeau à un gars comme Luc Brodeur-Jourdain qui s’est clairement blessé au genou. Il est tout de même revenu au jeu même si on voyait qu’il jouait sur une seule jambe. Il n’est pas le seul. Josh Bourke aussi sur la ligne offensive semblait incommodé par une blessure. Et ces deux-là, ce sont ceux que nous avons remarqués. Il y en a encore plus.

Ce que je veux garder comme image de ce match, malgré la saison rocambolesque des Alouettes, c’est que j’ai vu des gars qui se défonçaient un pour l’autre sur le terrain. C’est tout à leur honneur parce qu’ils avaient toutes les raisons pour baisser les bras.

Pour un deuxième match consécutif, j’ai aimé le travail de l’attaque. Quand tu gagnes 421 verges contre les Eskimos, dont 199 au sol, ce n’est pas banal. Il s’agit d’une excellente unité défensive qui se place dans le top-3 de la LCF.

Que dire de la performance de Tyrell Sutton! Après le match, j’ai eu un flashback. Je me demandais si je venais de voir Mike Pringle à son meilleur. C’est ce à quoi il ressemblait. Les gros matchs de Pringle, c’est de cette manière qu’il jouait. Il donnait de gros coups d’épaule. Il tombait toujours vers l’avant après le contact. Il punissait l’adversaire qui voulait le plaquer. Bref, ce fut tout un match de Tyrell Sutton. Il était vraiment spectaculaire.

Encore une fois, il a été la bougie d’allumage de l’attaque et il a amené beaucoup d’énergie. Il a donné beaucoup de confiance à l’unité offensive. Avec l’efficacité du jeu au sol, cela évitait que Kevin Glenn ait à lancer trop de passe contre une bonne défense. J’ai trouvé que Glenn a été excellent contre le blitz. D’ailleurs, les Eskimos l’ont blitzé sur les deux premières passes. Mais le vétéran savait exactement où il s’en allait avec le ballon. Les touchés de B.J. Cunningham et de Fred Stamps étaient contre des blitz.

Glenn efficace dans la défaite

Ce sont sur séquences comme celles-là qu’on voit qu’un quart-arrière d’expérience peut anticiper le jeu. Il a vu venir le blitz, il l’a anticipé et il a exécuté. C’est ce qu’on ne voyait pas de la part des jeunes quarts des Alouettes cette saison.

C’était une bonne performance de la ligne à l’attaque et du jeu au sol. Kevin Glenn a commis quelques erreurs, mais en fin de compte, il a joué un bon match avec trois passes de touché. Cela a permis aux Alouettes d’avoir une attaque équilibrée.

Par contre, c’est clair que les Eskimos avaient choisi d’accorder le jeu au sol. Je crois qu’ils ont commencé à avoir un peu peur parce qu’ils étaient trop généreux. Tyrell Sutton a conclu la partie avec 9,8 verges en moyenne par course. Ça commence à être beaucoup!

Les Montréalais ont été intelligents. C’est ce qu’on leur donnait et ils l’ont pris. Anthony Calvillo a même sélectionné des jeux de course sur des deuxièmes essais et long. Les Alouettes réussissaient à récolter des premiers essais. C’était plaisant à voir du côté du jeu d’échecs.

Du côté de la défensive, il y a deux choses qui sautent aux yeux : les plaqués ratés, spécialement au premier quart, et plusieurs pénalités qui ont permis aux Eskimos de poursuivre des séquences.

Ces deux éléments ont permis à Edmonton de compléter de longues séquences tôt dans le match. Ils ont marqué des points, mais surtout, cela leur a permis de prendre leur rythme et de gagner en confiance.

Lorsqu’une équipe commence un match avec des séquences de deux jeux suivis d’un botté, il est difficile de prendre du rythme.

Les Alouettes ont toutefois permis aux Eskimos de prendre leur envol avec de longues séries offensives. Les plaqués ratés permettaient aux receveurs d’aller chercher des verges après les attrapés pour faire avancer les chaîneurs. Les pénalités leur permettaient d’avoir des premiers jeux et encore une fois de continuer leurs séquences.

Cela a eu un effet pervers. Il y a eu beaucoup de moments comme ceux-là tôt dans le match, notamment pour les plaqués ratés. Outre le rythme et la confiance, ces longues séquences ont aussi permis aux Eskimos de contrôler le temps de possession. Ils ont eu le ballon pendant 35 minutes. Ce n’était pas parce que l’attaque des Alouettes était mauvaise. C’était en raison des pénalités et des plaqués ratés par la défense qui permettaient aux Eskimos de conserver le ballon.

Lorsqu’on parle d’indiscipline, le compte final était de 13 pénalités pour les Alouettes contre trois pour Edmonton. Des 13 punitions, il y en a 10 contre la défensive.

Cela a paru dans la performance du quart des Eskimos, Mike Reilly. Seulement six de ses passes ont été incomplètes (29-en-35). Je ne m’attendais pas à ça. J’avais pris le pari que les Eskimos n’auraient pas eu la patience ni le niveau d’exécution pour traverser le terrain avec beaucoup de jeux consécutifs.

Je me disais que les Eskimos étaient une équipe qui aime frapper le coup de circuit. Eux, des simples et des doubles, ils n’aiment pas cela. C’est un retrait ou un circuit. Ils m’ont cependant fait mentir : séquence de 13 jeux pour 67 verges, 9 jeux pour 71 verges, 10 jeux pour 60 verges, 9 jeux 44 verges, 7 jeux 74 verges, 6 jeux 75 verges.

Ce sont d’excellentes statistiques! En même temps, ce n’est pas normal pour la défense des Alouettes. Si tu veux être une unité défensive qui est dans le top-3, tu ne peux pas permettre à ton adversaire de faire d’aussi longues séquences, que ce soit en termes de jeux consécutifs ou de verges gagnées. Les Eskimos ont fait les deux.

De plus, les Alouettes n’ont jamais trouvé de solution pour contrer le receveur Derel Walker. Il a inscrit trois touchés au cours de cette rencontre. Parfois, il déjouait la couverture homme à homme, d’autres fois celle de zone.

Malgré le fait que la défense n’ait pas accordé de long jeu, ce fut un match difficile. On s’est fait battre de manière méthodique. Il faut féliciter les Eskimos pour avoir réussi cela.

Néanmoins, tout ça est arrivé parce que tôt dans le match, les Alouettes leur ont permis de faire de belles longues séquences et d’y croire.

Effondrement au 4e quart

Nous ne pouvons pas passer sous le silence l’effondrement complet des Alouettes au quatrième quart.

C’est dommage, car Montréal avait l’avance à la mi-temps et aussi après trois quarts. Pour une deuxième année consécutive à Edmonton, les Alouettes ont accordé 21 points aux Eskimos lors du dernier quart.

Les trois dernières séquences en attaque des Alouettes se sont terminées par des revirements. Trois des cinq revirements des Oiseaux ont été commis lors des trois dernières séquences du match.

Évidemment, le gros revirement qui a tout changé est l’échappé de Tanner Marsh à la porte des buts. J’aimerais avoir une boule de cristal pour savoir ce qui serait arrivé si Marsh n’avait pas échappé le ballon. Dans le stade, on sentait que les Eskimos étaient nerveux. Ils jouaient sur les talons et ils redoutaient les Alouettes.

Les Alouettes perdaient par 11 points à ce moment. S’ils marquaient le majeur avec un converti de deux points, l’écart rétrécissait à trois points seulement. Malheureusement, on ne le saura jamais!

J’ai de la difficulté à croire que cela n’aurait pas eu d’effet sur le résultat du match. Quand les Eskimos ont repris le ballon après l’échappé, ils ont fait deux jeux avant de dégager le ballon. La défense a tenu le fort.

Maintenant, revenons au jeu qui a mené à l’échappé de Marsh. Évidemment, c’est toujours plus facile d’en jaser après les faits. C’est toujours un peu le genre de jeu où si le touché est marqué, on dit « quelle belle stratégie ». Quand ça ne fonctionne pas, cela ouvre la discussion.

Il restait à peine six minutes dans le match et c’était le premier jeu offensif de Tanner Marsh au cours de cette rencontre. Il avait foulé le terrain à quatre reprises avant ce jeu, les quatre fois pour tenir le ballon pour Boris Bede.

Alors on se demande : sa tête était-elle dans le match? Était-il alerte?

Ensuite, on se pose la question : quelle est la réputation de Tanner Marsh? C’est une machine à commettre des revirements. C’est triste pour lui parce que c’est un chic type.

Pour l’un des jeux les plus importants de la saison, veux-tu mettre le ballon entre les mains d’un joueur qui n’a pas encore joué alors qu’il reste six minutes à faire et qui a été victime de 10 revirements (7 interceptions, 3 échappés) avec un temps d’utilisation limité cette saison?

Ensuite, Tyrell Sutton connaissait un fort match. Il était en feu. Il n’avait pas une seule course négative. À la blague, la seule course négative des Alouettes jusque-là avait été lorsque Kevin Glenn avait mis le genou au sol pour mettre fin à la première demie.

Les Alouettes étaient à la porte des buts. On s’entend qu’il y avait des chances que Sutton marque le touché en tombant vers l’avant même si un joueur l’attendait dans le corridor de course. Mais, on ne le saura jamais...

Malgré tout ça, quand on regarde froidement la stratégie, ce n’était pas un mauvais choix. Le jeu a fonctionné. Avec cette feinte de jeu au sol, le porteur est devenu le centre-arrière. Tanner Marsh est devenu le porteur de ballon et les Alouettes ont réussi à avoir un avantage numérique au point d’attaque. Il n’y avait pas assez de joueurs des Eskimos pour arrêter ce jeu.

La stratégie comme telle n’était pas mauvaise. Mais c’est le choix du joueur qui l’a exécutée qui est plutôt questionnable. Le pire, c’est que ce n’était pas un plaqué percutant. Je pense qu’il a peut-être même perdu le ballon en frappant le dos d’un de ses coéquipiers. Il n’avait aucune excuse.

Bref, ce jeu a changé l’allure du match et c’est pour cela que peut-être on parle de l’élimination des Alouettes.

Beaucoup de joueurs des Alouettes n’ont jamais connu pareille situation. Cette élimination est comme une gifle au visage. Plusieurs d’entre eux sont des habitués de la Coupe Grey.

Je prends un gars comme Luc Brodeur-Jourdain par exemple. D’après moi, ce doit être la première fois de sa vie qu’il n’est pas des éliminatoires. Il jouait avec le Rouge et Or avant de se joindre aux Alouettes. Il a gagné la Coupe Grey en 2009 et en 2010.

Mais, bien qu’ils soient déjà éliminés, les Alouettes ont un dernier match à disputer. Ils accueilleront les Roughriders, dimanche prochain.

*Propos recueillis par Christian L-Dufresne