Depuis 2002, j’ai la chance d’analyser les matchs des Alouettes à RDS et je suis un ancien joueur de cette organisation. Même si je travaille pour RDS, le diffuseur officiel des Alouettes, j’essaie toujours de garder un regard objectif sur les matchs. Les autres équipes ont le droit de réussir de bons jeux et gagner des parties; elles sont payées pour cela.

Mais c’est clair que, dans notre contexte, on espère voir les Alouettes connaître du succès et bien jouer. J’ai procédé à cette petite introduction pour vous dire que le match de samedi s’est avéré l’un des plus frustrants que j’ai regardés.

C’est, à la fois, le partisan et l’analyste qui parle ici. Oui, on prend à cœur les performances des Alouettes parce que quand l’équipe gagne, c’est bon pour les partisans, le football québécois, l’organisation ainsi que RDS, mais une défaite ne devrait pas m’empêcher de dormir dans mon rôle d’analyste.

Sauf que ça faisait longtemps que je n’avais été aussi choqué après un match. J’étais déçu et frustré et probablement que je ressentais les sentiments vécus par les partisans de l’équipe.

C’est clair que les Alouettes auraient dû gagner ce match, mais avec des « si » on va à Paris. Ça se joue sur le terrain et les Tiger-Cats ont fini par avoir le dessus. Par contre, c’est incroyable comment les Alouettes trouvent des façons de perdre!

Si les résultats finissent par nous frustrer, c’est évident que les émotions sont encore plus vives dans le vestiaire. C'est frustrant parce que les Alouettes menaient 14-0 après un quart et si on additionne cela au pointage final du dernier match, les Tiger-Cats se faisaient rosser 50-5 par les Oiseaux. Le premier quart ressemblait à une suite de cette partie et on croyait que les Alouettes avaient vraiment le numéro de cette équipe.

C’était le temps de les écraser et les démoraliser pour leur envoyer le message que ce ne sera vraiment pas facile dans l’affrontement éliminatoire du 10 novembre. Les Alouettes ont bousillé la chance de les affecter au classement et au niveau du moral.

Évidemment, les Alouettes avaient le vent dans les voiles avec un début de match canon grâce au touché de S.J. Green (photo) et celui de Geoff Tisdale sur un retour d’interception. De leur côté, les Tiger-Cats étaient anémiques comme pendant leur revers à Montréal. Pourtant, je m’attendais à les voir sortir avec une intensité redoutable puisque leur entraîneur devait être furieux du résultat précédent.

S.J. GreenÀ ma grande surprise, ce n’était pas le cas et les Tiger-Cats semblaient donner la permission aux Alouettes de leur infliger une raclée. Malheureusement, la troupe de Jim Popp a été trop gentille en manquant d’instinct de tueur une fois de plus! C’est dommage parce que ça semble être devenu leur marque de commerce cette saison.

Bien sûr, les deux revirements au deuxième quart dans la zone payante ont empêché les Alouettes d’écarter leur adversaire de la rencontre.

Ce qui s’avère le plus frustrant à propos des Alouettes, c’est que certains éléments se reproduisent semaine après semaine. Des points négatifs commis en début de calendrier sont revenus en milieu de campagne et ils sont encore présents à l’approche des éliminatoires… À un certain moment, il faut apprendre de ses erreurs et modifier son approche pour corriger le tir.

Le dossier des revirements arrive en tête de liste alors que les Alouettes dominent la LCF avec 58 revirements commis dont quatre samedi. Ce n’est pas tout, ce total est devenu une nouvelle marque d’organisation, peu enviable, depuis le retour à Montréal en 1996. L’ancien total de 55 a été dépassé avec un autre match à disputer. Ce problème s’accroche aux Alouettes depuis le début et ça me fait penser à un disque qui saute…

De plus, les Alouettes demeurent l’équipe la plus punie de la LCF avec 188 infractions! Les 10 pénalités commises samedi ont coûté 80 verges aux Alouettes comparativement à 25 pour Hamilton (3 pénalités). Dans un match chaudement disputé, des pénalités ont tué les séquences offensives des Alouettes et d’autres ont permis aux Tiger-Cats de poursuivre leur progression. C’est un autre facteur qui réduit les chances des Alouettes d’accumuler des victoires.

Ensuite, il faut revenir sur ce manque d’instinct de tueur. Comment oublier la défaite encaissée contre Calgary malgré une avance de 24-0 ou celle contre Toronto avec un coussin de 16-5 à la demie ou celle en Saskatchewan avec une avance de 21-14 et seulement 1:40 à écouler. Cette fois, les Alouettes ont mené pendant presque toute la partie et ils ont échappé le quatrième quart par le pointage de 17-1.

Tous ces ingrédients peuvent bien frustrer les amateurs.

Malheureusement, les Alouettes ont procédé à un travail d’auto-destruction en ratant des placements et des plaqués tout en écopant de punitions. La ligne offensive a aussi failli à la tâche pour protéger Troy Smith alors qu’elle avait été excellente à ce niveau plus tôt dans la partie.

C’est dommage parce que les Alouettes ont été bons pendant 55 minutes, mais on dirait que tous les joueurs ont offert leur pire football en fin de rencontre.

Mauvais match pour Sean Whyte

En ce qui concerne les performances individuelles, Smith a continué sa progression au poste de quart. Il a quand même connu un match convenable avec 340 verges aériennes, deux passes de touché, mais deux interceptions. Il faut dire que la première revient plutôt au dossier du receveur Duron Carter qui a jonglé avec le ballon, mais ce n’était pas la passe la plus précise non plus.

Sur la deuxième, il a été frappé au moment de décocher sa passe. Au moins, on ne peut pas dire qu’il s’agissait d’une mauvaise décision de sa part. Par contre, la prudence aurait sans doute été de mise pour les Alouettes sur ce jeu car c’était une situation de deuxième essai et 20 verges à franchir.

Tout comme lors de son premier match, Smith a été plus étincelant en première demie. Il a complété 70 % de ses passes pour 210 verges pendant cette période, mais le tout a chuté à 47 % et 130 verges en deuxième demie.

La seule chose que je peux lui reprocher, c’est que j’ai senti qu’il forçait le jeu en deuxième demie dont en visant souvent S.J. Green. Pourtant, d’autres receveurs semblaient être démarqués dans les zones courtes pour des gains appréciables donc il faudrait qu’il distribue le ballon un peu plus.

Quant à Tyrell Sutton, j’ai adoré son travail. Il a été très impressionnant et il faut ajouter la ligne à l’attaque à cette mention car il a récolté 101 verges sur 16 courses. Quand un porteur de ballon franchit le plateau des 100 verges et que le quart ne subit aucun sac, la ligne offensive mérite du crédit aussi. Sutton a démontré qu’il est physique, rapide et agréable à regarder jouer.

Ces belles prestations ont mené les Alouettes à une domination décisive de 452 verges offensives contre 295 pour les Tiger-Cats en plus de mener 34 minutes à 26 pour le temps de possession.

C’est le moment d’entrer dans le vif du sujet en parlant du botteur Sean Whyte et des unités spéciales qui font beaucoup réagir notamment sur les réseaux sociaux. C’est particulier, mais deux défaites subies contre Hamilton proviennent des lacunes des unités spéciales montréalaises. Lors du match à Moncton, on se souvient des cafouillages dont l’échappé du retourneur Tyron Carrier.

Cette fois, Whyte a raté deux placements importants. Cependant, il faut mettre les choses en perspective. Ce n’est pas évident pour un botteur d’accomplir les trois facettes sur les unités spéciales (placements, dégagements et bottés d’envoi) et seulement trois équipes utilisent un seul botteur : Montréal, Toronto et la Colombie-Britannique.

Ça démontre que cinq équipes ont jugé que c’était trop difficile comme mission et ça pourrait être matière à réflexion pour les Alouettes. Ce qui est le plus frustrant dans le travail de Whyte, c’est qu’il a échoué à ses deux placements alors qu’il s’agit de son point fort. Il n’est pas le botteur le plus puissant sur les dégagements donc il doit être parfait dans ses placements.

Je suis capable d’accepter un manque de force dans ses dégagements s’il accomplit ses bottés de précision. Pire encore, les Tiger-Cats ont riposté avec un touché quand il a manqué son premier placement. Avant cette bévue, les Alouettes menaient 23-20 et ils croyaient mener 26-20 après cette tentative. En fin de compte, le pointage est devenu 27-23 pour Hamilton ce qui représente une différence de 10 points! C’est un jeu démoralisant particulièrement vers la fin du match.

Jim Popp l’a dit lui-même, tu dois réussir tes tentatives de 42 ou 43 verges dans les rangs professionnels parce que c’est ton boulot. On admet que les conditions n’étaient pas idéales, mais tu es payé pour ce mandat.

Le pire, c’est que Whyte a raté son placement du mauvais côté et il était trop court. Brandon Banks (photo) a donc pu très bien synchroniser son départ et filer à toute vitesse vers le côté avec la plus grande ouverture. Les joueurs en couverture se retrouvaient ainsi dans le pire scénario pour essayer de le freiner. Brandon Banks

Mais ce n’est pas tout. Whyte n’a vraiment pas connu un match à la hauteur et je prends sa moyenne nette sur les dégagements comme exemple. Cette statistique est obtenue en soustrayant le retour de dégagement à la distance de celui-ci. Dans cette colonne, Whyte s’est contenté d’un maigre total de 90 verges sur cinq bottés. On parle donc d’une moyenne nette de 18 verges ce qui ne repousse pas l’adversaire très loin…

Du côté des Tiger-Cats, le botteur Josh Bartel est arrivé à une moyenne de 34,5 verges. C’est une différence considérable de 16,5 verges entre les deux équipes. Montréal a dégagé le ballon cinq fois contre six pour Hamilton. Ainsi, si on prend seulement en considération cinq dégagements contre cinq, Hamilton a gagné une distance de 82,5 verges sur les Alouettes. On s’approche de la longueur d’un terrain!

Terminons avec l’unité défensive, elle a encore été bonne dans les circonstances. D’ailleurs, les Alouettes peuvent garder espoir de gagner le duel éliminatoire contre Hamilton car le quart Henry Burris est incapable de résoudre l’énigme défensive des Alouettes.

Voici ses résultats dans les trois matchs : 176 verges et une interception, 106 verges et une interception ainsi que 163 verges et une interception. Voilà pourquoi l’entraîneur Kent Austins a dû employer fréquemment Dan LeFevour et Jeremiah Masoli pour obtenir de la production.

Les Tiger-Cats ont utilisé la formation « Wildcat » pour gagner ce match si bien qu’ils ont brûlé une cartouche de leur arsenal. Ça devient intéressant pour les Alouettes car ils risquent d’être mieux préparés à cette éventualité en demi-finale de l’Est, mais les Tiger-Cats devaient tenter le coup car cette victoire était significative pour eux afin d’hériter du match éliminatoire à domicile.

Le « Wildcat » a permis aux Tiger-Cats de gagner des verges sur le premier essai ce qui représentait leur principale faiblesse contre les Alouettes. Ça compliquait tout le travail et Austin a trouvé une façon de surmonter ce problème puisque Masoli a récolté 61 verges sur 10 courses.

En raison de la défaite, les Alouettes devront se transformer en « guerriers de la route » en commençant par le duel vendredi à Toronto et celui à Guelph la semaine suivante. Une victoire mènerait à une finale de l’Est à Toronto avec une présence à la Coupe Grey en vue.

D’un angle positif, je n’ai pas le choix de me dire que les Alouettes n’ont aucune raison valable de ne pas battre les Tiger-Cats lors du prochain rendez-vous et ils ont deux semaines pour se préparer.

*Propos recueillis par Éric Leblanc.