Qu’il faisait bon de renouer avec le Stade Percival-Molson pour un match des Alouettes vendredi soir! Les partisans y étaient, tout comme l’ambiance énergique à laquelle nous sommes habitués. Ne manquait qu’une victoire des Montréalais.

L’adversaire semblait pourtant à la portée des Alouettes. Avec seulement 14 points inscrits en deux rencontres, chacune des défaites, les Tiger-Cats de Hamilton m’apparaissaient fragiles. Ils étaient méconnaissables et n’avaient rien du club qui avait atteint la finale de la Coupe Grey en 2019 après avoir conclu la campagne avec un dossier de 15-3.

Historiquement, les Tiger-Cats ont toujours été une équipe qui perd rarement la guerre des tranchées. C’est souvent l’équipe la plus physique sur le terrain. L’équipe qui réussit régulièrement des jeux explosifs en attaque et en défense, tout en dominant sur les unités spéciales. Or, depuis le début de la saison, c’était tout le contraire.

À la blague, j’affirmais avant la rencontre que les Alouettes ne devaient pas permettre aux p’tits minous de redevenir des Tiger-Cats. La troupe de Khari Jones devait être sans pitié et connaître un départ canon pour empêcher le club ontarien de retrouver sa confiance.

C’est tout le contraire qui s’est passé.

Dans toutes les facettes de jeu où les Tigers-Cats ne faisaient pas bien depuis le début de la saison, ils ont brillé à nouveau. Ils ont été l’équipe la plus physique, étant à la fois capables de courir et d’arrêter le jeu au sol. Ils ont de plus été l’équipe la plus explosive avec des retours de botté, de longs jeux en attaque et une interception en défense en fin de rencontre. Et c’est sans compter les unités spéciales qui sont redevenues spéciales.

Dès le premier jeu du match – un retour de botté d’envoi ramené sur une distance de 49 verges par Frankie Williams –, les Tiger-Cats ont donné le ton à la rencontre. Quatre jeux plus tard, Dane Evans lançait une passe de touché de 30 verges à Steven Dunbar. Si bien qu’après leur première séquence offensive de la rencontre, les Ti-Cats avaient déjà réussi plus de jeux explosifs que lors de leurs deux premiers matchs en entier.

Les Tiger-Cats sont débarqués à Montréal avec l’énergie du désespoir, déterminés à ne pas amorcer la saison avec une fiche de 0-3 alors qu’on s’attend à de grandes choses de leur part à titre d’équipe hôte de la Coupe Grey. Après tout, il s’agit essentiellement de la même formation qui n’était qu’à une victoire de soulever le trophée.

Changer de recette

La recette gagnante pour les Alouettes est selon moi l’équilibre en attaque. Contre les Elks d’Edmonton lors de leur premier match de la saison, les Montréalais ont tenté 29 courses et 22 passes dans un gain de 30-13. Contre les Stampeders de Calgary la semaine suivante, les Als ont effectué 24 courses et 42 passes dans un revers de 28-22. Face aux Tiger-Cats vendredi, l’attaque de Khari Jones a terminé la rencontre avec 18 courses et 35 passes tentées. Les Alouettes n’ont pas le genre de quart-arrière pour favoriser ce type de ratio passes/courses.

Je m’attendais donc à voir une bonne dose de courses de la part de William Stanback, mais il faut donner crédit aux Tiger-Cats. En début de match, ils ont mis tous leurs œufs dans le même panier : c’est-à-dire freiner le porteur de ballon étoile pour forcer les Alouettes à les battre avec leur jeu aérien. Les Tiger-Cats ont fait le pari que s’ils enlevaient de l’équation le jeu au sol des Alouettes, Vernon Adams fils et ses receveurs ne seraient pas en mesure d’avoir le meilleur. Ils ont gagné leur pari.

Avant le début de la rencontre, les Alouettes avaient l’attaque au sol la plus performante de la LCF, alors que les Tiger-Cats affichaient le pire rendement du circuit contre le jeu terrestre. Malgré cela, les Alouettes n’ont jamais été en mesure d’établir solidement leur jeu au sol.

Après deux matchs cette saison, les Tiger-Cats amassaient en moyenne 50 verges au sol par rencontre et en allouaient 158 à l’attaque terrestre adverse. Contre les Alouettes, ils ont récolté 144 verges au sol et n’en ont alloué que 70. Voilà une preuve évidente de la domination physique des Tiger-Cats sur les Als.

N’empêche, les Alouettes n’accusaient qu’un retard de 3 points après trois quarts. Mais pour un deuxième match de suite, le quart-arrière des Alouettes Vernon Adams a scié les jambes de son équipe en lançant une passe dans les mains d’un opposant – Frankie Williams –, plutôt que dans celles d’un coéquipier, Kaion Julien-Grant, qui n’est pas sans reproche non plus sur cette coûteuse interception. Tout s’est écroulé par la suite pour les Alouettes.

Il suffisait de regarder le langage corporel du quart no 1 des Alouettes pour constater qu’il était détruit. Adams veut trop en faire présentement, il pense trop. Il veut trop être parfait. C’est comme s’il traînait un boulet et Khari Jones devra travailler avec lui pour qu’il s’en défasse rapidement.

Adams doit se fier à ses instincts et utiliser ses jambes. Je ne veux pas être trop sévère envers les autres quarts des Alouettes, mais l’équipe ne dispose pas de beaucoup de profondeur à cette position. Je sais que les Alouettes répètent constamment à Adams de ne pas faire le « cowboy » afin d’éviter une blessure. C’est à se demander si cela lui trotte trop dans la tête.

On dirait qu’il joue avec la peur de faire une erreur et ça paraît. Il est timide et il ne lance pas avec anticipation. C’était flagrant face aux Tiger-Cats. Il se doit de faire davantage confiance à ses receveurs en n’attendant pas qu’ils se démarquent avant de lancer dans leur direction. Actuellement, il donne beaucoup trop de temps aux demis défensifs pour s’ajuster, revenir dans l’action et rabattre ou intercepter ses passes. On dirait qu’il doit le voir pour le croire avant de s’élancer, ce qui fait en sorte que ses ballons arrivent en retard.

Adams devrait s’inspirer de ce que Cody Fajardo fait en Saskatchewan. Ils sont tous les deux des quarts mobiles qui se doivent de demeurer une double menace pour les défenses adverses. Adams n’est pas un quart de pochette protectrice et il ne doit pas s’obstiner à l’être. Il ne faut pas non plus que les entraîneurs sélectionnent des jeux pour qu’il demeure un quart de pochette.

Adams se doit d’être lui-même, c’est-à-dire un quart qui doit courir et bouger. Il ne devrait pas tenter 40 passes par match. Ce n’est pas ça la recette gagnante pour les Alouettes.

À sa défense, ses receveurs tardent à lui offrir le support dont il disposait en 2019. À l’époque, les receveurs des Alouettes avaient plus souvent qu’autrement le dessus sur les attrapés contestés, sauvant du coup Adams de quelques interceptions. Ça, on ne le voit pas encore cette année chez les Alouettes. D’une part, on a donc Adams qui n’est pas très précis dans ses lancers, et de l’autre, on a ses receveurs qui peinent à le sortir du pétrin à l’occasion. Avec pour résultat un jeu aérien qui en arrache et un quart qui se pose des questions.

Comme sélectionneur de jeux, Khari Jones devra trouver une façon de relancer son attaque. Je sais que ce sont les joueurs qui exécutent sur le terrain, mais à la lumière des deux défaites consécutives de l’équipe, le groupe d’entraîneurs offensifs a du travail à faire. Il va falloir ramener plus de miroirs, plus de fumée, plus de mouvements de receveurs et différents blocages afin de générer le doute au sein des défenses adverses.

Pour l’instant, c’est un peu trop simple. Au football, si tu es l’équipe la plus grosse, la plus forte et la plus rapide, tu n’as pas besoin d’être la plus stratégique. Tu t’alignes, tu pars et tu gagnes ta bataille. Ce n’est pas la réalité chez les Alouettes et une petite remise en question s’impose de la part des entraîneurs.

Défense presque sans reproche

En défense, on ne peut pas reprocher grand-chose à l’unité montréalaise. C’est la seule de l’équipe qui est parvenue à réaliser de gros jeux.

Oui, la défense a cédé en fin de rencontre et elle n’est pas parvenue à freiner la glissade des Alouettes à la suite de l’interception dont a été victime Adams au quatrième quart. Mais en général, la ligne défensive a été solide avec six sacs du quart et des plaqués pour des pertes. Elle a de plus tout fait pour déranger le quart-arrière des Tiger-Cats, Dane Evans, mais ce dernier était inébranlable.

Il avait du Ricky Ray dans le nez. Toujours calme, cet ancien des Eskimos et des Argonauts pouvait se faire frapper 20 fois dans un même match, il se relevait néanmoins chaque fois sans jamais en être affecté. Il ne se mettait pas à voir de la pression partout.

Les Alouettes ont donc tout fait pour rendre Evans inconfortable, mais en vain. Il faut lui lever notre chapeau. En plein contrôle et faisant preuve de beaucoup de sang-froid, il s’est même permis de répondre aux attaques verbales de ses opposants. « C’est tout ce que vous avez pour me déranger? Ça ne marchera pas ce soir », se disait-il sans doute.

En moyenne, les Tiger-Cats ont amorcé leurs 15 séquences offensives à leur ligne de 46, alors que les Alouettes ont en moyenne pris possession du ballon à leur ligne de 30 sur leurs 15 séquences. C’est donc dire que les Tiger-Cats ont eu un avantage de 240 verges au total (15 x 16) à ce chapitre. C’est énorme dans la bataille pour le positionnement sur le terrain.

Régulièrement sous pression, la défense montréalaise a malgré cela été en mesure de tenir le fort et de limiter les dégâts avant que le barrage ne cède au 4e quart après l’interception réussie par Frankie Williams, qui a amassé 223 verges à lui seul si on combine tous ses retours de bottés et son retour d’interception. C’est presque autant que la récolte totale de l’attaque des Alouettes (249).

Cette unité aura la chance de se relever vendredi soir prochain sur le terrain du Rouge et Noir d’Ottawa, qui affronte les Lions de la Colombie-Britannique samedi soir. Espérons que cette journée de congé supplémentaire profitera aux Alouettes et leur attaque. Car pour l’instant, on s’aperçoit que le synchronisme n’est pas au rendez-vous.

*Propos recueillis par Mikaël Filion