Le règne de Jim Popp se termine en queue de poisson
Alouettes lundi, 7 nov. 2016. 19:26 jeudi, 12 déc. 2024. 13:42Les Alouettes de Montréal ont annoncé le départ de Jim Popp. Je leur dis bravo, et ce, pour deux raisons. D’abord, on a pris une décision rapide. Historiquement, quand les Alouettes apportaient des changements, c’était toujours fait un peu sur le tard. Cette fois on a agi rapidement pour le bien de l’organisation. C’est aussi une décision courageuse quand on regarde la feuille de route de Jim Popp. C’est l’architecte de cette équipe, il a fait beaucoup pour elle.
Ça ne se termine pas nécessairement comme il l’aurait désiré, mais il ne faut pas perdre de vue tout ce qu’il a accompli. Je comprends que ç’a dû être une décision difficile pour le président Mark Weightman, surtout que c’est Popp qui lui a donné le poste de stagiaire avec les Stallions de Baltimore en 1995. C’est lui qui lui a permis de faire un stage dans l’univers du football professionnel. Leur relation remonte à loin et je comprends pourquoi Weightman était émotif durant l’annonce. Au-delà de ça, ça demeure une business. Il faut prendre la meilleure décision pour l’équipe, la décision la plus courageuse. Ce n’est rien de personnel. Je pense qu’on s’est aperçu qu'il était temps de passer à autre chose.
C’est dommage pour Popp, qui a connu toute une carrière. Dans un scénario idéal, je lui aurais souhaité de pouvoir lui-même annoncer son départ volontaire parce qu’il a trouvé un emploi dans la NFL ou parce qu’il désirait relever de nouveaux défis. Ça aurait été plaisant pour lui et les Alouettes, ça aurait été une belle vitrine pour eux. Ça s’est plutôt terminé en queue de poisson. Quand on regarde ce que Jim a fait, il ne faut pas oublier qu’à son arrivée avec les Stallions, c’était un club qui ne comptait aucun joueur canadien dans sa formation en tant qu’équipe américaine dans une ligue canadienne. Aux États-Unis, il était impossible d’imposer un quota dans cette équipe de par les lois américaines. Il est arrivé à Montréal et a dû trouver un contingent de joueurs canadiens, ce qu’il a réussi.
Il a eu du flair en amenant Anthony Calvillo à Montréal comme réserviste à Tracy Ham, probablement une de ses plus grandes décisions. C’est lui qui est allé chercher Don Matthews en 2002 et qui a permis aux Moineaux de gagner leur première coupe Grey en 25 ans. C’est à partir de cette année-là que les Alouettes ont pris leur envol et qu’ils ont été dominants pendant plus d’une décennie. C’est aussi lui qui est allé chercher Mark Trestman. Il a également connu de bons repêchages comme celui de 1998 avec Ben Cahoon et Scott Flory, en plus de faire de bonnes acquisitions en défense via le marché des joueurs autonomes.
Au final, il aura gagné trois coupes Grey en huit participations à la finale. À court terme, c’est décevant ce qui arrive aux Als, mais il faut apprécier ce que Popp a fait.
La descente aux enfers
Ce qui a vraiment fait mal aux Alouettes, c’est la fameuse blessure à Calvillo en Saskatchewan. On n’était pas prêts pour l’après-Calvillo et c’est ce qui est venu causer des problèmes au sein de toute l’organisation. Je sais qu’AC n’a pas toujours été le favori des partisans, mais il faut admettre que ce gars-là a masqué beaucoup de problèmes chez les Als. Dès qu’il est tombé au combat, ç’a été le début de la descente aux enfers. Tout le monde paraissait moins bien, autant l’équipe que le directeur général. Je sais que ce n’est pas évident, que les joueurs de concessions ne se trouvent pas à tous les coins de rue, mais d’autres équipes ont pourtant réussi à se débrouiller. Par exemple, Edmonton a remplacé Ricky Ray par Mike Reilly et ils ont tous deux gagné une coupe. Les Lions, pendant la période où Calvillo jouait encore, ont pu compter sur Damon Allen, Casey Printers, Dave Dickenson, Travis Lulay. Allen, Dickenson et Lulay ont tous gagné des coupes. À Calgary, rappelons-nous de Jeff Garcia, Dickenson, Drew Tate, Bo Levi Mitchell. À Ottawa, on a Henry Burris, qui a été joueur par excellence de la Ligue canadienne l’an passé. Comme première signature cette saison, on a misé sur Trevor Harris. Quand Burris prendra sa retraite, Harris sera prêt.
Ce n’est peut-être pas que la faute à Jim, car les entraîneurs-chefs aussi doivent avoir la mentalité de développer de nouveaux quarts-arrières. Peut-être que Trestman ne s’en est pas soucié car son but éventuel était de retourner aux États-Unis. Qui sait? Cependant, c’est quand même lui qui en menait le plus large et qui avait son gros mot à dire là-dessus. On a eu un coup de génie avec Calvillo, mais depuis ce temps-là, on n’a pas été en mesure de trouver de solutions.
C’est sans oublier toutes sortes de signatures étranges comme celles de Michael Sam et Chad Ochocinco, en plus du dossier Duron Carter, qui semblait avoir un traitement spécial. Ça n’a pas aidé sa cause, ni celle des joueurs qui doutaient de la pertinence de ces décisions pour donner un coup de main à l’équipe.
Puis il y a toutes ces fois où il est retourné derrière le banc. Que ç’eût été sa décision ou non, ça ne l’a pas aidé. Il mettait beaucoup d’énergie dans le but d’obtenir un boulot dans la NFL, est-ce que cela a affecté son engagement envers les Alouettes? Le fait qu’il soit retourné vivre en Caroline a été mal vu, tout comme sa gestion du plafond salarial et la restructuration de contrats avec les joueurs. Mais je pense que là où il a perdu le respect des autres, c’est quand il a tenu des propos déplacés dans une rencontre d’équipe à Edmonton. Il a menacé les joueurs en leur disant que s’ils n’étaient pas capables de jouer, ils devraient aller aux États-Unis travailler au salaire minimum ou faire des activités illicites pour ramasser de l’argent. Les gars étaient scandalisés et je pense qu’à ce moment ils n’ont plus voulu écouter Popp. C’était la goutte qui a fait déborder le vase.
J’espère qu’il va être capable de se relever. Je lui souhaite de retomber sur ses pieds, de se retrouver chez une autre équipe de la Ligue canadienne ou peut-être même dans la NFL, qui sait. Ce gars-là a du talent quand même, sauf qu’il avait peut-être fait le tour du jardin, qu’il avait moins le feu sacré et qu’il était trop confortable dans ses fonctions. Je pense qu’il en menait trop large dans l’organisation et que ça ne fonctionnait plus. C’est lui qui avait le contrôle sur tout et donc tous les regards étaient tournés vers lui et aujourd’hui il en paie le prix.
La prochaine étape
Ce sera intéressant de découvrir qui sera le prochain DG. Ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée aussi de se renflouer au niveau de l’organigramme des opérations football. La LCF, c’est vraiment spécial et différent. Pour moi, le prochain DG doit connaître le circuit par cœur. J’aimerais bien voir un jeune qui va déborder d’énergie, qui va être affamé, qui va vouloir ratisser l’Amérique du Nord au complet pour dénicher du talent et qui va vouloir prouver qu’il est bon. Un jeune qui arrive avec de nouvelles façons de faire et qui veut rebâtir une équipe de dépisteurs. Je veux un gars rassembleur, qui va jouer en équipe, qui n’aura pas peur de s’entourer de personnalités fortes et de talent qui vont pouvoir débattre efficacement avec lui au niveau décisionnel. J’espère aussi que ce sera un gars qui va travailler main dans la main avec le reste de l’organisation et les différents paliers. C’est très dysfonctionnel et territorial présentement chez les Oiseaux. Les opérations football font leurs petites affaires sans trop se soucier de ce qui se passe dans le bureau administratif au centre-ville. Il faut que tout le monde ait la même vision et qu’on sache dans quelle direction on va.
À la blague, en entrevue, je demanderais à chaque candidat s’il est prêt à vivre à Montréal 12 mois par année, pour éviter que le scénario avec Jim Popp ne se répète. J’aimerais que le candidat prouve son dévouement envers l’organisation même si je sais qu’il sera aussi appelé à voyager beaucoup.
Évidemment que le DG va faire partie du processus d’embauche du nouvel entraîneur-chef et c’est tout à fait normal. Il doit avoir son mot à dire car ils vont travailler de concert. On a déjà Jacques Chapdelaine comme entraîneur-chef, mais on n’a pu confirmer son retour puisqu’il faut savoir ce qui adviendra du poste de DG et savoir s’il pourrait y avoir une bonne collaboration entre les deux hommes. Jacques a épaté la galerie, il mérite d’être entraîneur-chef. J’ai hâte de voir si ce dossier va se régler rapidement afin de se concentrer sur le repêchage et le marché des joueurs autonomes.
Jacques a assez d’expérience pour savoir comment ça se fonctionne. Il souhaite être entraîneur-chef, mais pas à n’importe quelle condition. S’il n’a pas de chimie avec le nouveau DG, peut-être qu’il ne sera pas aussi intéressé. Je sais que certaines équipes ont encore des matchs éliminatoires à disputer, mais je pense qu’en ce mois de novembre, il n’est pas impossible d’obtenir la permission de discuter avec elles à ce sujet sans affecter leurs parcours en éliminatoires, surtout que certaines ont une semaine de congé.
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Je crois qu’il faut se tourner vers les DG adjoints à travers la ligue. Pensons à Brock Sunderland, qui a été dépisteur avec la troupe montréalaise il y a quelques années et qui a aussi travaillé avec les Jets dans la NFL avant de revenir dans la LCF comme adjoint à Marcel Desjardins à Ottawa. Pensons aussi à Danny McManus, adjoint à Winnipeg et ancien quart-arrière, ou bien encore John Murphy, adjoint à Chris Jones en Saskatchewan. Pourquoi pas Danny Maciocia, des Carabins? Il a passé quatre années comme DG des Eskimos d’Edmonton. Personnellement, je lui donnerais un coup de fil pour tâter le terrain.
Cela étant dit, l’annonce majeure du départ de Popp me pousse à croire que les Alouettes ont déjà un nom en tête, qu’ils ont déjà ciblé certaines personnes avec qui ils ont peut-être même déjà eu des entretiens.
C’est un nouveau chapitre qui débute pour les Alouettes. Le temps nous dira si c’était la bonne décision, mais ce qui est important, c’est qu’on a agi. Maintenant, on regarde vers l’avant.