J’ai été agréablement surpris de l’annonce faite par les Alouettes en matinée, c’est-à-dire la rupture entre l’équipe et les receveurs Duron Carter et Kenny Stafford.

On a servi un puissant message à l’équipe et au reste de la Ligue canadienne de football, celui que le genre d’écarts de comportement que ces deux joueurs ont manifesté ne seront plus tolérés. Sensiblement, on a dit à ces deux athlètes : « Si vous ne voulez pas être des joueurs d’équipe, allez jouer ailleurs ».

Vous le savez, les frasques qu’on peut reprocher à Carter sont nombreuses. Lorsqu’il n’entrait pas délibérément en contact avec un entraîneur adverse sur les lignes de côté en plein match, on le voyait régulièrement en pleine prise de bec avec un coéquipier – souvent avec son quart-arrière, de surcroît. Ajoutons à cela son manque évident de motivation à l’entraînement et le niveau d'effort très peu soutenu qu’il déployé tant en situation de pratique que de match, et soudain la décision prise par l’organisation n’a rien de si surprenant.

Le ménage est amorcé chez les Alouettes

C’était rendu au point où les défenses adverses pouvaient savoir uniquement en surveillant le langage corporel de Carter à la sortie du caucus si le ballon allait être lancé en sa direction ou non. Lorsqu’il n’était pas le receveur primaire sur un jeu, on le voyait régulièrement aller se placer nonchalamment à la ligne d’engagement. Il n’était pas investi dans le succès de l’équipe, carrément.

Pour sa part, Stafford a été pointé du doigt pour un immense manque de vigueur sur la tentative de transformation de deux points suivant l’unique touché des Alouettes face aux Stampeders. Il n’a même pas essayé quoi que ce soit sur la séquence. Bref, le genre d’action négative qui mettait des bâtons dans les roues à l’équipe.

Et ce que j’ai mentionné n’englobe que ce que l’amateur moyen est à même de constater en voyant les matchs, en personne comme à la télévision. Pas

besoin d’être analyste à RDS pour s’apercevoir que Duron Carter n’avait pas l’attitude la plus exemplaire. Imaginez maintenant les autres gestes qu’il pouvait poser derrière les portes closes!

Le talent n’est pas la réponse à tout

En tant qu’entraîneur, Jacques Chapdelaine a pour mentalité que chacun a la responsabilité de ses actions et de ses paroles. Or, comment aurait-il pu continuer à marteler ce message et à faire en sorte que le groupe y adhère s’il avait laissé quelques joueurs individualistes n’en faire qu’à leur tête? On a décidé que c’était terminé, les passe-droits...

Pour justifier que quelques-uns bénéficient d’un traitement « spécial » (et je dis cela théoriquement, et non parce que j’encourage cette façon de procéder, car chaque cas est unique), il faut à tout le moins être un joueur offrant des performances spéciales, à défaut d’être un joueur d’équipe. Après tout, un dicton au football dit que le talent fait foi de tout. Sauf qu’on parle ici de deux receveurs qui n’ont pas effectué le moindre attrapé lors de l’humiliante prestation de l’attaque à Calgary samedi.

Les joueurs sont bien au fait que chez les professionnels, tout est filmé. Chaque situation de match se retrouve sur bande vidéo, tout comme les exercices durant les entraînements. Si en sachant cela, tu choisis tout de même de te traîner les pieds, tu cours inévitablement à ta perte, en plus de rire au visage du personnel d’instructeurs. Comment demander aux autres de pousser plus fort, de se sacrifier pour le bien commun quand quelques individus y dérogent de façon on ne peut plus évidente?Duron Carter

Comprenez-moi bien. Quand je me dis heureux de ce dénouement, ce n’est pas parce que je souhaite de mal à ces deux jeunes athlètes. Je leur souhaite d’en tirer des leçons, et tant mieux s’ils se dénichent du travail ailleurs, car on le sait, ce sont des receveurs possédant de très belles habiletés. Mais le sort qu’on leur a réservé n’est qu’une preuve supplémentaire que le talent ne constitue pas la réponse à tout.

L’historique de Carter depuis les rangs collégiaux ne ment pas : il a changé d’université quelques fois, n’a pu conserver sa place au sein de l’équipe de réserve des Colts d’Indianapolis dans la NFL avant de faire la pluie et le beau temps à Montréal. Puisqu’on a déjà établi que le talent n’est pas en cause, on en déduit que le problème est ailleurs.

Lorsqu’on gravite autour de l’équipe, et qu’on s’arrête pour penser quelques instants au fait que certains membres de l’effectif ont accepté de restructurer leur contrat afin de créer de l’espace sur la masse salariale pour payer le salaire de ces deux joueurs. Pas l’idéal du point de vue de la dynamique dans le vestiaire!

Une latitude encourageante

Il aura fallu être patient, mais on a finalement posé le geste qui était devenu la seule avenue possible. Cela s’est fait sur le tard – peut-être même trop tard –, mais les Alouettes ont en Jim Popp un directeur général qui en mène large. Ça nous prouve au moins qu’un début de réflexion se fait à l’interne, et ça peut servir d’élément encourageant pour la suite des choses.

Je salue néanmoins la latitude qu’on a laissée à Chapdelaine. Lors de son embauche, j’étais incertain quant à l’ampleur des responsabilités qu’on allait lui confier. Mais dès son entrée en poste, j’ai aimé le discours qu’il a tenu. On lui a demandé ce qu’il comptait faire avec Duron Carter. Il a répondu qu’il allait instaurer une nouvelle structure, de nouveaux paramètres, les exposer clairement aux joueurs et leur donner une dernière chance de s’y conformer. D’ailleurs, la semaine dernière encore, l’entraîneur québécois le martelait durant un point de presse : « Les joueurs connaissent nos attentes ».

Dès la première heure, il avait spécifié qu’il n’allait pas être le type d’entraîneur qui criera après ses joueurs, sauf qu’il s’attendait d’eux qu’ils agissent comme des hommes.

Je ne doutais pas de ses mots ou du fait qu’il s’agissait de paroles lancées dans le vide, mais j’avais la crainte qu’il ait les mains liées et qu’il ne puisse pas agir comme bon lui semblait. Heureusement, on l’a laissé agir dans le meilleur intérêt du club.

Je ne connais pas personnellement Jacques Chapdelaine. Mais du peu que je sais à son sujet, il m’a l’air d’un homme de principes, un coach droit comme un chêne. Il n’aura pas peur de t’exposer la vérité, de façon crue et pas avec la plus grande diplomatie, mais au moins, en sa présence on a l’heure juste.

Aurait-il espéré que les départs de Carter et Stafford arrivent plus tôt? C’est fort possible, tout comme c’est possible qu’on ait refusé d’acquiescer à sa demande. En revanche, il a fait ce qu’il pouvait avec les moyens à sa disposition : il a moins intégré Carter et Stafford dans le plan de match de l’attaque. En tant qu’entraîneur qui tient mordicus à être cohérent dans son message, pourquoi allait-il récompenser un joueur déployant une attitude aussi venimeuse pour l'équipe?  Il aurait perdu grandement en crédibilité.

Il faut croire qu’il est revenu à la charge et qu’il s’est fait assez convaincant pour que cette fois, on accepte de laisser filer les deux receveurs. En bout de ligne, qui a pris la décision? Les propriétaires ont-ils eu le dernier mot? On n’en sait rien, mais au moins, la décision qui s’imposait a été rendue!

Maintenant, le fait de ne plus compter Carter et Stafford parmi l’effectif assure-t-il que l’équipe gagnera des matchs? Évidemment que non. Mais tant qu’à accumuler les défaites avec ces deux bonshommes, mieux vaut assainir l’atmosphère parmi le groupe.

Les receveurs américains ne manquent pas

Une des bonnes nouvelles, c’est que lorsqu’on regarde le bassin de receveurs de passes américains talentueux, l’offre est assez importante. Les programmes collégiaux de nos voisins du Sud en produisent des tonnes.

Pas besoin de chercher trop loin car les exemples sont nombreux. Plusieurs formations de la LCF ont fait de belles trouvailles. Bryan Burnham fait des ravages avec les Lions de la Colombie-Britannique. À Calgary, un certain DaVaris Daniels s’est fait connaître après avoir passé du temps avec l’équipe d’entraînement. Il est désormais un rouage important de l’attaque des Stamps. Même chose pour Derell Walker avec les Eskimos d’Edmonton, un joueur carrément dominant qui jusqu’à mi-chemin durant la saison 2015 ne jouait pas avec les partants. Ricky Collins, des Roughriders de la Saskatchewan, n’est qu’un autre exemple parmi d’autres.

Tout cela pour renforcer l’idée qu’il n’y a pas de raison d’accueillir dans un vestiaire de football des individus qui refusent systématiquement de pousser dans la bonne direction.

* propos recueillis par Maxime Desroches