Dégelée, volée, raclée, domination...

Choisissez le qualificatif qui vous plaît le plus, une chose est certaine, la performance des Alouettes face aux Argonauts de Toronto samedi a été plus que décevante.

Ce n’est pourtant pas les enjeux qui manquaient.

La troupe de Jacques Chapdelaine avait d’abord l’opportunité de signer enfin un premier gain sur la route cette saison. Les Montréalais avaient de plus l’occasion de se placer du côté favorable d’un éventuel bris d’égalité avec les Argos. C’est sans compter qu’ils pouvaient consolider leur position au sommet du classement dans l’Est, tout en se dotant d’une fiche de .500.

De sortir aussi à plat, c’est ce qui a de plus malheureux. Au-delà de la défaite, c’est surtout la contre-performance des Alouettes qui fait le plus mal. C’était loin d’être drôle.

Pardonnez-moi l’anglicisme, mais les Alouettes ont été outcoached, outplayed, out-everything’d. Traduction libre : les Argonauts ont été mieux dirigés, ont mieux joué et ont tout fait mieux.

Alouettes 6 - Argonauts 38

Or, c’est parfois la réalité des séries de matchs aller-retour. Ce n’est jamais évident de jouer un deuxième match consécutif contre le même adversaire, encore plus quand tu te déplaces chez lui.

Il y a quelques semaines à peine, les Lions de la Colombie-Britannique et les Roughriders de la Saskatchewan ont vécu le même scénario. À l’instar des Alouettes qui s’étaient d’abord imposés 21-9 à domicile contre les Argos, les Lions ont vaincu sur leur pelouse les Riders par la marque de 30-15 avant de s’incliner bêtement 41-8 en Saskatchewan la semaine suivante.

Ça semble toujours plus difficile pour le club qui a enlevé le premier match de s’imposer dans le suivant. Tout peut sembler correct, on est plus relax et on ne ressent pas le besoin d’effectuer des changements car ce qu’on a fait nous a permis de gagner. L’équipe vaincue se penche peut-être davantage sur les correctifs à apporter à l’aube d’un match devant ses partisans.

C’est ce qu’on fait les Argonauts, en plus de pouvoir compter évidemment sur le retour au jeu de Ricky Ray.

Bref, il n’y a pas de positif à tirer pour les Alouettes de ce rendez-vous manqué, si ce n’est que de se dire que c’est la première fois cette saison qu'ils n’ont pas été compétitifs. Ils n’ont peut-être qu’une modeste fiche de 3-5, mais outre ce duel à oublier, ils ont répondu présents lors de chacun de leurs autres matchs.

Partisans des Alouettes, vous pouvez donc vous consoler en vous disant que ce cinglant revers n’était peut-être qu’une anomalie.

Démolition

On dit souvent que pour gagner au football, il faut à tout le moins dominer dans deux des trois facettes de jeu. Démolis autant en défense qu’en attaque et sur les unités spéciales, les Alouettes ne sont offerts aucune chance, comme en témoignent les statistiques suivantes.

0 – Ça, c’est le nombre de points marqués par l’attaque. PAS UN POINT;

9 – Le nombre de premiers jeux obtenus au fil de la rencontre;

138 – Le nombre de verges amassées au total par l’unité offensive;

3,3 – La récolte de verges en moyenne par premier essai chez les Alouettes. L’attaque était donc continuellement confrontée à un deuxième et long;

2 - Après l’interception dont a été victime Darian Durant, il restait encore 47 minutes au match. Au cours de cette période, les Alouettes n’ont amorcé que deux jeux en territoire des Argonauts. Deux jeux qui se sont conclus par un sac du quart et qui ont ensuite forcé le botteur Boris Bédé à dégager de son territoire;

5 – Des huit pénalités dont les Alouettes se sont rendus coupables, cinq ont été la responsabilité des unités spéciales;

7 – En verges, c’est le résultat du seul retour de botté de dégagement de Stefan Logan;

12,5 – C’est la moyenne des verges obtenues par Logan sur ses six retours de bottés de reprise. En plus d’être indisciplinées, les unités spéciales ont été mauvaises sur les retours de bottés. Ajoutez à cela l’échappé de Logan qui a donné un touché aux Argonauts, et surtout, scié les jambes des Alouettes;

463 – Le nombre de verges accordées au total par la défense des Alouettes, qui a aussi alloué 29 premiers jeux aux Argos;

67 % – Le taux de réussite des Argonauts en situation de deuxième essai;

202 – Des 377 verges de gains qu'a amassées Ricky Ray par la voie des airs, 202 ont été grugées après l’attrapé. C’est 54 % des gains de Ray qui ont été récoltés après l’attrapé. Mine de rien, les Alouettes ont alloué plus de 200 verges après l’attrapé pour la deuxième fois en trois matchs. Contre Winnipeg le 27 juillet, ils en avaient concédé 205, soit 58 % des gains aériens de Matt Nichols. C'est ce qui survient lorsqu'on rate une quantité de plaqués. Face aux Argos, les Alouettes ont multiplié ce type d'erreurs, ne parvenant pas à appliquer une couverture serrée sur des receveurs laissés trop souvent sans surveillance.

N’ayons donc pas peur des mots, ce fut une performance atroce des Alouettes.

Le roi de la jungle

Avec Ricky Ray remis de sa blessure à l’épaule droite et aux commandes de l’attaque torontoise, tout le monde aurait pu prédire que les Argonauts allaient être plus compétitifs qu’au Stade Percival-Molson il y a une semaine. C’était une évidence.

N’empêche, il y avait deux façons pour les Alouettes de limiter les dommages. D’abord en mettant le quart-arrière des Argos sous pression. De retour après une absence d’une semaine, il fallait le brasser, le rabattre au sol, l’aplatir... Pas de pitié, il fallait lui faire mal, lui faire la vie dure et tester son courage. La loi de la jungle.

Premier échec...

L’unité défensive dirigée par Noel Thrope n’a réussi qu’un sac du quart sur 44 jeux de passes tentés par les Argonauts. Après une demie, Ray avait complété 21 de ses 23 passes tentées, dont quatre pour des touchés. Je ne me souviens pas de la dernière fois qu’un quart avait deux fois plus de passes de touché que de passes incomplètes après une demie!

Incapables d’avoir Ray à l’usure, les Alouettes avaient comme autre option de le garder sur le banc en contrôlant le ballon.

Deuxième échec...

L’attaque des Alouettes n’a eu possession du ballon que pendant environ 20 minutes. Contrairement à Ray, le quart Darian Durant ne disposait que d’une perméable protection.

Sur les 31 jeux de passes tentés par les Alouettes, le quart aux commandes s’est retrouvé sous pression 16 fois (3 sacs, 13 pressions). Une fois sur deux (52 %), il était donc bousculé au moment de décocher sa passe.

Un revers humiliant pour les Alouettes

Il faut dire que depuis la blessure du garde à gauche Philip Blake à Winnipeg il y a trois semaines, la ligne à l’attaque des Alouettes, dont on vantait pourtant l’efficacité en début de campagne, n’est plus l’ombre d’elle-même.

Après Blake, ce fut au tour de son remplaçant Philippe Gagnon de tomber au combat, ce qui a forcé l’organisation montréalaise à déployer trois joueurs américains sur la ligne offensive. Un mouvement de personnel qui n’a visiblement pas généré les résultats escomptés. La ligne défensive des Argonauts a complètement dominé le front offensif des Alouettes, qui a ainsi été malmené dans un troisième match de suite.

Du Trestman tout craché

Je ne veux pas ressasser le passé ou faire preuve de nostalgie, mais en observant l’attaque des Argonauts samedi, il était difficile de ne pas faire un parallèle avec les bonnes années de Marc Trestman aux commandes des Alouettes.

Une première séquence offensive savamment scénarisée et couronnée par un touché, combien de fois avons-nous été témoins de cela au cours de son séjour à Montréal?

Trestman n’a aussi rien perdu de sa spécialité à présenter un concept de jeu de plusieurs façons. Les Alouettes se sont fait servir le même jeu pendant tout le match.

Fidèle à ses habitudes, Trestman n’y a jamais dérogé puisque les Alouettes ne lui ont en aucun moment prouvé qu’ils étaient en mesure de le freiner. Quel était ce jeu?

La bonne vieille passe courte dans le flanc. Cette petite action en croisé dans le champ arrière où, par exemple, on effectue une feinte de course vers la gauche alors qu’un autre porteur de ballon ou un receveur traverse vers la droite et se déplace dans le flanc pour s’offrir en cible à son quart-arrière. Bref, c’est un jeu d’option au cours duquel Ray pouvait remettre le ballon à son demi offensif, ou bien le conserver et l’envoyer dans le flanc.

Trestman a souvent répété que son attaque se doit d’être facile à exécuter pour ses joueurs, mais qu’elle doit sembler compliquée pour la défense adverse. C’est ce qu’il est parvenu une fois de plus à accomplir.

Ce fameux concept de jeu de passe dans le flanc peut d’abord être effectué vers la gauche ou la droite. Voilà donc deux jeux potentiels. Employez disons cinq joueurs différents, comme l’ont fait les Argos face aux Alouettes, et vous obtenez de 10 jeux en apparence différents.

C’est comme si les Alouettes s’étaient fait servir du poulet pendant tout le match. Parfois c’était un club-sandwich au poulet, alors qu’en d’autres occasions c’était un poulet rôti, un vol-au-vent au poulet, une guédille au poulet ou encore une salade au poulet. Ça reste que c’est toujours du poulet et il y a de quoi faire une indigestion.

Ce concept de jeu, les Argos l’avaient pourtant tenté tôt dans le premier duel présenté à Montréal. D’accord, Ricky Ray n’y était pas, mais les Alouettes avaient rapidement freiné les ardeurs des Torontois lorsque Jonathon Mincy avait violemment frappé Anthony Coombs dans le flanc. En bon québécois, il l’avait gelé!

 De quoi forcer Trestman a réviser sa stratégie.

Un test de caractère

De mémoire, la dernière fois que les Alouettes ont été aussi humiliés, c’était en 2014 dans un revers de 41-5 contre les Lions.

Les Alouettes auront rapidement l’opportunité de se relever puisqu'ils accueilleront les Blue Bombers jeudi. Depuis leur remontée spectaculaire contre les Alouettes, les Bombers n’ont pas subi la défaite en quatre rencontres. Au fil de cette séquence, ils ont successivement inscrit 41, 33, 39 et 33 points contre les Alouettes, le Rouge et Noir, les Tiger-Cats et les Eskimos. Ils ont de plus infligé un premier revers cette saison à Edmonton, la dernière équipe invaincue dans le circuit.

Historiquement, les Blue Bombers sont des guerriers de la route. La troupe de Mike O’Shea affiche un dossier de 3-1 à l’étranger cette année.

Le front défensif de Winnipeg excelle par les temps qui courent, alors que la ligne à l’attaque des Alouettes, on le sait, en arrache.

Puis, en attaque, les Manitobains excellent en situation sans caucus, alors que l’unité défensive des Alouettes tarde à se déployer récemment. Face à une unité offensive très rythmée qui effectue la remise du ballon très rapidement, j’ai hâte de voir comment les Montréalais réagiront.

C’est donc une très grosse commande, et avant tout un test de caractère, qui attend les Alouettes. Nous allons en apprendre un peu plus sur cette équipe.

*Propos recueillis par Mikaël Filion