Nous étions plusieurs à espérer que les Alouettes soient en mesure d’emmagasiner la splendide performance offerte au quatrième quart la semaine dernière face aux Stampeders de Calgary et de la reproduire face au Rouge et Noir d’Ottawa.

C’est dommage car autant la fin de match avait été époustouflante contre les Stamps, autant la première moitié de celui de mercredi a été absolument lamentable. On ne peut que trouver cela décevant parce qu’on aurait eu grand besoin de valider cette prestation avec un départ canon. De ne pas bâtir sur les résultats obtenus a laissé un goût amer.

À la blague, j’avais mentionné avant le match contre Ottawa que l’équipe de Rick Campbell aurait intérêt à s’acheter des bottes à cap d’acier en raison de sa mauvaise manie de se tirer dans le pied en ce début de saison. J’étais loin de me douter à ce moment que cette plaisanterie allait résumer à elle seule l’histoire du match... chez les Alouettes!

Pourtant, certains chiffres laissent croire à un match satisfaisant pour les Oiseaux. Les 27 premiers jeux amassés du côté offensif constituent le plus haut total de la saison. Les 493 verges d’attaque constituent aussi un sommet après cinq matchs en 2017. De plus, pour la première fois de l’année, les Als enlevaient – par six secondes, me direz-vous – la bataille du temps de possession. Finalement, du point de vue de la discipline, on n’a écopé que de quatre pénalités, ce qui représente une grande amélioration par rapport aux rencontres précédentes.

B.J. CunninghamBref, il y a de belles choses qui ont été réalisées par le club de Jacques Chapdelaine dans ce match, mais l’un des principes fondamentaux a été ignoré, soit celui de la protection du ballon. On connaît le cliché voulant que l’entraîneur rappelle à ses joueurs l’importance de gagner la bataille des revirements et la guerre des tranchées. Jeudi, c’est dans ces deux facettes que le match s’est perdu.

C’est l’évidence même : on verra très rarement une formation remporter un match de football avec un ratio de moins-5 au chapitre des revirements. Non seulement perds-tu cinq possessions (alors que tu en obtiens en moyenne 15 dans un match), mais tu t’exposes aussi à ce que l’équipe adverse inscrive des points au tableau.

Durant doit mieux protéger le ballon

Pour Darian Durant, il s’agissait mercredi d’un quatrième match d’affilée durant lequel il était victime d’au moins une interception. Il a maintenant été intercepté six fois, et trois de celles-ci sont survenues lorsqu’il visait Tiquan Underwood. On s’aperçoit que la connexion n’est pas toujours là entre le quart et son receveur.

Underwood semble parfois imprécis dans ses tracés et peu combatif lors des attrapés contestés. C’est acceptable qu’un rival réussisse à rabattre certaines de ces passes... Mais y a-t-il moyen de jouer le rôle de demi défensif lorsqu’on se sait incapable de faire l’attrapé, afin de s’assurer que cela ne se transforme pas en interception? J’avouerai cependant que sur la deuxième interception de Durant face au Rouge et Noir, le quart aurait dû envoyer le ballon plus loin vers les lignes de côté pour permettre à Underwood de poursuivre sa course. Je doute qu’Antoine Pruneau aurait pu réaliser l’interception de cette façon.

Occasion ratée de passer un message à la division Est

Sur les 24 points inscrits par Ottawa dans sa victoire, 13 l’ont été à la suite de revirements des Alouettes. Dans un match décidé par seulement cinq points, on peut affirmer sans se tromper que ces bourdes ont eu de grandes répercussions. C’est encore plus fâchant lorsque deux de ceux-ci ont été faits dans la zone payante. On peut présumer que sans ces revirements, les Montréalais auraient pu ajouter six, 10 ou 14 points à leur récolte. Rappelons aussi qu’on a raté une transformation de deux points et un converti d'un point.

S’en tenir au jugement des arbitres : un pari dangereux

Le dernier revirement, qui a été particulièrement difficile à encaisser, s’est produit lorsque la faufilade du quart tentée avec Vernon Adams fils n’a pas mené au gain d’une verge recherché, tard au quatrième quart. En toute honnêteté, j’ai déjà vu des faufilades exécutées avec plus de conviction. Mais toujours est-il que cela demeure un jugement de l’arbitre. Le problème avec ce jeu, c’est qu’on ne voit jamais réellement le ballon. Que ce soit dans la NFL ou la LCF, j’ai rarement été témoin d’une occasion sur laquelle on peut contester l’emplacement du ballon car sur les reprises, on ne voit généralement qu’un amas de 24 joueurs qui « foncent dans le tas ».

C’est frustrant parce que si la faufilade n’est pas faite avec aplomb, on s’expose au verdict de l’arbitre au lieu de réaliser un jeu qui devrait être automatique.

Et tant qu’à être dans le vif du sujet des officiels, mentionnons qu’ils ont rendu quelques décisions contestables de part et d’autre. Sur l’interception réussie par Pruneau, je croyais qu’un accrochage allait faire renverser le verdict rendu, mais il n’en fut rien. En revanche, que penser du sifflet hâtif s’étant fait entendre lorsque Durant a échappé le ballon et qu’Arnaud Gascon-Nadon l’a récupéré? Clairement, sans cet arrêt dans le jeu, le Québécois filait tout droit dans la zone des buts pour le majeur. C’est dommage, mais au moins, on peut affirmer que les décisions bafouées ont désavantagé chacune des deux équipes dans cet affrontement.

La guerre des tranchées a aussi été l’affaire du Rouge et Noir dans le duel de mercredi. Pour la ligne défensive montréalaise, c’est un triste résultat, puisqu’on aura été incapable de générer de la pression. Aucun sac du quart et de la pression exercée seulement deux fois sur Trevor Harris  en 41 jeux aériens. Cela équivaut à 5 % du temps! C’est encore plus désolant lorsqu’on considère que la ligne offensive d’Ottawa avait concédé 10 sacs après quatre rencontres, un rendement lui donnait le septième rang dans la ligue.

Je conviens qu’il peut être ardu d’appliquer de la pression lorsqu’on n’envoie que trois joueurs à la poursuite du quart. Mais il y a un joueur qui commence à manquer sérieusement aux Alouettes, et c’est Alan-Michael Cash. Je me souviens de nombreux jeux sur lesquels Cash réussissait à embêter le quart même lorsque Noel Thorpe appelait un blitz à trois. Cette saison, les Als sont incapables de générer ce stress sur la ligne offensive adverse.

Il est difficile de se satisfaire d’une telle performance de la défense alors qu’elle était confrontée à l’équipe victime du plus grand nombre de revirements. Où sont les jeux clés qui donnent de l’énergie à toute l’équipe et changent la dynamique d’un match?

C’est ironique, mais pour mettre le tout en perspective, gardons en tête que les membres de la ligne défensive ont totalisé trois plaqués face au Rouge et Noir, soit exactement le même nombre que les joueurs de l’attaque (qui les ont réalisés après les revirements pour limiter les dégâts). Cela vous donne une idée!

Chapeau au front défensif d’Ottawa

Par ailleurs, je dois lever mon chapeau au front défensif du Rouge et Noir pour avoir limité le jeu au sol des Alouettes (3,8 verges par portée en moyenne). Un sac du quart a été obtenu, en plus de huit situations de pression sur 45 jeux de passes des Alouettes. C’est donc dire que Darian Durant a été sous pression lors d’une passe sur cinq.

Combien de fois le porteur de ballon s’est-il fait frapper dans le champ arrière? Il y avait clairement de la confusion sur la ligne offensive montréalaise. C’était  tout aussi évident sur l’échappé provoqué par le secondeur intérieur Gascon-Nadon. Ce dernier a eu lieu le champ libre pour passer directement au centre de la pochette protectrice. Ça devrait pourtant être le blitz le moins surprenant au football... Les joueurs des Als n’avaient pas les yeux à la bonne place. Il en résulte donc des erreurs d’affectation.

Il n’y a rien de honteux pour la défense des Alouettes d’avoir alloué 24 points alors que son attaque a été victime de cinq revirements. L’unité de Thorpe a cependant failli dans le « football de situations » à quelques reprises. En fin de deuxième quart et en début de troisième, Montréal retrouvait tranquillement ses moyens à l’attaque et c’était 17-12. On sentait la foule moins présente et la nervosité s’installer. C’est alors qu’Ottawa a répliqué avec un touché de Brad Sinopoli pour faire 24-12.

Lorsque je parle de « football de situations », je fais aussi référence au jeu suivant l’interception réalisée par Pruneau au deuxième quart. Possiblement ébranlée par ce revirement, la défense a immédiatement concédé un long touché de 80 verges. C’est une erreur mentale qu’il faut éviter lors de changements de possession soudains. L’adversaire tente souvent le gros jeu dans de telles circonstances et il faut être prêt à le freiner.

Un troisième et dernier exemple, le plus flagrant du lot : avec un peu plus d’une minute à faire au match, la défense a permis au Rouge et Noir de réussir un jeu aérien quasi-miraculeux en direction de Greg Ellingson sur un deuxième essai et neuf verges à franchir. Ce coup de massue a anéanti les chances des Alouettes de reprendre le ballon une dernière fois, possiblement à mi-terrain.

Mais tout compte fait, je ne souhaite pas trop m’acharner sur le travail de la défense, parce que n’eut été d’elle, les Als auraient pu être sortis du match après 15 minutes de jeu. Les autres unités pouvaient la remercier d’avoir tenu le fort. De tirer de l’arrière seulement par 11 points (17-6) à la mi-temps était une victoire morale. Cela dit, je connais Noel Thorpe et sa bande. Ils sont habités par un grand sentiment de fierté et ils voudront faire beaucoup mieux à leur prochaine sortie.

Et si on peut reprocher à la défense des Als son manque d’opportunisme, que dire du travail des unités spéciales? Sans vouloir être cynique, j’avancerais qu’on pourrait les appeler simplement « unités » tant elles ont été ordinaires.

Ottawa a connu beaucoup d’ennuis sur les unités spéciales cette saison : trois bottés bloqués, un retour de botté ramené pour un touché et beaucoup de longs retours accordés. C’était donc le temps ou jamais, basé sur ce qui avait été observé sur les bandes vidéo, pour les Als d’imposer le rythme dans cette facette du jeu. Ce fut malheureusement loin d’être le cas.

Boris Bede fait du bon travail, mais il n’y a pas que lui au sein des unités spéciales. Les retours, les bottés bloqués, etc. Il faut trouver des moyens de changer l’allure des matchs avec ce genre de jeux d’impact.

En dépit de tout cela, les hommes de Chapdelaine étaient tout de même dans le coup jusqu’au revirement à la ligne de 7 du Rouge et Noir. On dit souvent qu’il n’y a pas de victoire morale. Il n’en demeure pas moins que plusieurs points positifs peuvent être retirés de ce match. Quand tu cumules près de 500 verges offensives, tu dois avoir bien fait quelque chose. Il faut garder cela en tête et démontrer plus de constance.

Félicitations à Nik Lewis

En terminant, j’aimerais y aller d’un commentaire sur l’exploit du receveur Nik Lewis, qui s’est joint à un groupe très sélect en devenant le quatrième joueur de l’histoire de la LCF à franchir le plateau des 1000 réceptions.

Nik Lewis passe à l'histoire

Je m’amuse à mettre le tout en perspective : on dira qu’un receveur a connu une très bonne campagne lorsqu’il termine avec 75 attrapés. Supposons qu’il le fasse 10 ans de suite – ce qui est déjà un exploit en soi –, il lui en manquera encore 250 pour atteindre ce plateau! La longévité, la durabilité et la constance dans les performances de Lewis se doivent d’être saluées.

Le vétéran a su ajuster son jeu avec le temps, parce qu’il était un peu plus maigrichon en début de carrière, avouons-le! Le football demeure un sport d’équipe, mais son accomplissement mérite d’être souligné!

* propos recueillis par Maxime Desroches