Le mandat que je donne aux Alouettes, au-delà des victoires et des défaites, c’est de progresser de semaine en semaine, surtout en attaque.

On avait hâte de voir la progression de Troy Smith et s’il allait rebondir lors du match d’ouverture local après une performance décevante lors de la première semaine. Évidemment, nous avons vu une bien meilleure prestation du côté du quart-arrière des Alouettes.

Pour mettre cela en chiffres, lors de la première rencontre à Calgary, Smith n’avait complété que 43 % de ses passes. Contre les Lions, il a élevé ce pourcentage à 58. Il avait tenté 41 passes contre les Stampeders et cette semaine ce chiffre est tombé à 29. Je crois que ce nombre est plus approprié.

Il y avait un bel équilibre en attaque parce que l’unité offensive a tenté 29 passes et a couru avec le ballon à 32 reprises. Cet équilibre sera toujours important pour moi au cours de la saison des Alouettes. Ce sera la réalité de l’attaque des Montréalais cette année. Il faut un équilibre avec une trentaine de passes tentées, mais il ne faudrait pas aller beaucoup plus loin que ça. Nous avons donc vu ce que sera la recette des Alouettes, du moins pour la première moitié du calendrier, avec du gros jeu défensif et une attaque équilibrée qui protège le ballon.

Smith a aussi protégé le ballon. Il avait lancé une interception à Calgary, ce qu’il n’a pas fait à Montréal. Je dois avouer qu’il a joué d’un peu de chance, car il y a quelques passes qui auraient pu être interceptées par les Lions. Mais, c’est le problème des Lions de ne pas les avoir réussies et de saisir l’occasion de faire payer le prix à Smith.

On voulait aussi voir Troy Smith utiliser ses jambes étant donné qu’il n’avait effectué aucune course contre les Stampeders. Vendredi, il a réalisé six courses pour 55 verges de gains. Les courses étaient utilisées au bon moment pour permettre à l’attaque de demeurer sur le terrain.

La semaine dernière, nous parlions du fait qu’il faut prendre ce que l’adversaire donne. Une des grandes forces d’Anthony Calvillo, sous l’ère Marc Trestman, était d’aller à son dépanneur, surtout sur un premier essai et 10 verges à gagner. Il faut s’assurer d’aller chercher un gain dans ces situations, souvent avec la petite passe qui peut donner sept ou huit verges ou même un premier essai. On a vu Smith faire ce genre de jeux. Bref, il y a eu une nette amélioration de ce côté et on peut vraiment parler de progression. Espérons que les Alouettes vont bâtir là-dessus pour continuer à faire avancer le ballon.

J’ai aussi aimé la façon dont Smith a géré le match. Un exemple qui me vient rapidement en tête est survenu sur un jeu vers la fin de la première demie. Les Alouettes ont le ballon et aimeraient marquer des points pour faire encore plus mal aux Lions alors que Montréal mène 17-0. Il y a eu cette fameuse passe de 38 verges à S.J. Green. Les gens qui ont vu le match comprendront que ce n’était pas un attrapé. Heureusement pour les Alouettes, les arbitres ont jugé que Green avait capté le ballon.

Ce que j’ai aimé sur ce jeu est tout d’abord le calme de S.J. Green. Il a bien vendu sa salade. S’il se lève de façon frénétique et qu’il fait signe à l’attaque pour procéder au prochain jeu rapidement, il dit à tout le monde, et surtout aux Lions, qu’il n’a pas attrapé le ballon et qu’il veut le remettre en jeu avant que la Colombie-Britannique lance son mouchoir pour aller à la reprise vidéo. Immédiatement, Smith et l’attaque ont été efficaces et rapides si bien que les Lions n’ont pas eu le temps d’aller à la reprise vidéo. Cette séquence a permis aux Alouettes d’aller chercher trois points grâce à un placement de Sean Whyte.

Souvent, un quart-arrière est payé pour les deuxièmes essais. Les grands quarts se démarquent par ce qu’ils font lors de ces situations. Troy Smith a été bon. Ce n’est pas un grand match comme les 400 verges gagnées par Ricky Ray contre les Roughriders par exemple. Mais donnons tout de même le mérite à Smith qui a réalisé ses meilleurs jeux lors de deuxièmes essais. Il a fait avancer le ballon. Ses meilleures courses ont été sur des deuxièmes et long. Sur ses six courses, il y en a trois qui ont permis de prolonger des séquences offensives. Ce n’est pas des statistiques ronflantes, mais il a été efficace quand il le fallait.

Le jeu au sol devait être plus impliqué dans l’attaque des Alouettes et c’est exactement ce qui s’est produit avec 32 courses.

Troy SmithValoriser le quart-arrière

On a entendu toute la semaine que les Alouettes avaient simplifié le plan de match pour Troy Smith. Bon, probablement. Nous, analystes et amateurs, nous pouvons le dire que c’était important de simplifier les choses. Mais, j’aurais aimé mieux que les entraîneurs parlent plutôt de « s’être ajustés aux forces » de Troy Smith.

C’est seulement une façon pour dire la même chose, mais il me semble que ça fait bizarre lorsque les entraîneurs disent qu’ils simplifient le plan de match au maximum. J’aimerais mieux que les entraîneurs disent qu’ils ont demandé à Troy Smith ce qu’il aimait faire et ce qu'il considérait être ses forces. Cela valoriserait Troy Smith. Le message de simplifier les choses dépréciait un peu le quart.

Un bon entraîneur doit maximiser les forces de son quart-arrière et protéger et camoufler ses faiblesses. L’entraîneur doit mettre en valeur son quart.

Je crois que Ryan Dinwiddie a compris une leçon importante après le premier match de la saison. L’important est ce que le quart-arrière comprend et connaît et non ce que le coordonnateur offensif sait. Des fois, il y a des points qui peuvent paraître faciles et évidents pour le coordonnateur à l’attaque. Ce dernier tient alors pour acquis que son quart va les comprendre également. Mais, c’est ça le travail d’un entraîneur. C’est de voir ce que ton quart comprend. Il n’y a personne qui voit et comprend les choses de la même manière. Bref, l’important pour un entraîneur n’est pas ce qu’il sait, mais bien ce que ses joueurs connaissent.

Dinwiddie est un ancien quart. Peut-être qu’il y a des choses qui sont faciles pour lui, mais ça ne veut pas dire que c’est le cas pour un autre quart. De là l’importance de communiquer et de bien comprendre ses joueurs. De leur transmettre ses connaissances.

Un des plus gros ajustements de l’attaque, qui est peut-être passé sous le radar, est que Dinwiddie était sur les lignes de côté plutôt que sur la galerie de presse comme à Calgary. C’était une bonne décision.

C’est certain que sur la galerie de presse, tu as une meilleure vue d’ensemble de ce que l’adversaire te présente. Peut-être que pour sélectionner des jeux, c’est plus facile de là. Mais je pense qu’on a compris que Troy Smith avait besoin d’être encadré et une présence physique sur les lignes de côté était bienvenue.

Cela leur permettait d’échanger sur les lignes de côté. À savoir comment Smith se sentait et quels jeux lui permettaient d’être confortable. L’échange entre les deux hommes était beaucoup plus productif.

Bref, tu perds un peu de la vue d’ensemble du jeu, mais tu sens le match. Tu as le pouls de ton quart-arrière et de ton attaque. Dans les circonstances, quand on sait que Dinwiddie a les fonctions d’entraîneur des quarts et de coordonnateur offensif, Troy Smith est laissé à lui-même quand Dinwiddie est sur la galerie de presse. C’était un ajustement non négligeable et plus sage en ce début de saison.

La ligne à l’attaque, qui avait tout un défi, a très bien fait. Les gardes Kristian Matte et Ryan Bomben avaient la lourde tâche d’affronter Khalif Mitchell et Eric Taylor. Ce n’était pas évident, car ce sont deux grosses brutes.

Mais la ligne offensive n’a donné qu’un seul sac du quart. L’attaqua a gagné plus de 200 verges au sol. Il est certain que les 55 verges de Smith ont aidé. Lorsqu’un quart se met à courir, la ligne défensive est un plus aux aguets pour surveiller la course du quart. Cela aide la ligne à l’attaque.

En fin de compte, la ligne offensive a fait le boulot. C’était tout un défi qui l’attendait et elle a bien répondu.

Pour exposer l’importance de la ligne à l’attaque, il suffit de regarder de l’autre côté. Les Lions sont débarqués au Stade Percival-Molson avec une ligne offensive très jeune. Le bloqueur du côté gauche, Ryan Cave, n’avait que deux entraînements dans le corps avec les Lions. Cave avait été retranché par les Alouettes au dernier camp d’entraînement.

Nous avons vu qu’une bonne ligne à l’attaque fait toute la différence. Celle des Alouettes a bien joué et celle des Lions s’est fait démolir. Ils étaient incapables de faire avancer le ballon avec constance.

John BowmanPerformance dominante de la défense

Le coordonnateur défensif des Alouettes, Noel Thorpe, avait un plan de match bien établi : attaquer la ligne offensive des Lions.

Il a testé la communication des joueurs de ligne des Lions en présentant des fronts multiples. On a carrément testé leur cohésion avec des jeux en croisé et des mouvements coordonnés de la ligne défensive où notamment John Bowman se retrouvait constamment seul. Bowman a terminé le match avec quatre sacs du quart. Ce fut donc un bon travail d’équipe et une bonne planification.

Une ligne à l’attaque c’est comme les cinq doigts de la main. Quand les cinq doigts travaillent ensemble, ça forme un coup de poing. Quand les cinq doigts ne travaillent pas ensemble, c’est difficile d’avoir de l’impact. On l’a bien vu parce que les joueurs de ligne offensive des Lions n’ont pas été capables de travailler ensemble pour contrer les jeux croisés et les mouvements coordonnés de la ligne défensive.

Ce que j’ai aimé de la défense de Thorpe, c’est qu’il est resté avec les jeux qui ont fonctionné. Ils fonctionnaient et l’adversaire n’était pas capable de les arrêter. J’aime les entraîneurs qui vont au bout des choses. Si tu trouves un filon, n’arrête pas jusqu’à ce que l’adversaire ait démontré qu’il est capable de trouver une réponse. L’unité défensive a terminé la rencontre avec cinq sacs du quart et ce nombre aurait pu être encore plus élevé, n’eût été des sacs annulés par des pénalités.

La défense a dérangé Kevin Glenn en le frappant souvent. Ce n’était pas une partie de plaisir pour lui. Évidemment, le gros jeu de Scott Paxson en début de match a donné le ton. Il a intercepté la passe de Glenn avant d’effectuer une remise latérale à Chip Cox qui est allé marquer le touché. C’était exceptionnel. Ce jeu a donné de l’espoir à toute l’équipe en plus de mettre de l’énergie dans le stade pour la foule.

C’était tout un jeu que Paxson a réalisé. Il a fait preuve d’une belle anticipation. C’est le genre de jeu que je me rappelle d’avoir régulièrement vu Anwar Stewart faire. C’était une belle lecture de jeu.

Paxson a aussi mis son ego de côté en remettant le ballon à Cox. Il a été vif d’esprit. Il y a plusieurs joueurs qui auraient tenté de courir pour inscrire eux-mêmes le touché. Il a été assez intelligent pour réaliser qu’il ne se rendrait pas jusque dans la zone des buts. Je l’ai trouvé très généreux dans son geste et cela a mené à un majeur.

Paxson a provoqué les trois types de revirements possibles dans la LCF : une interception, un échappé et un revirement sur un troisième essai. De mémoire, je ne me rappelle pas avoir déjà été témoin de cela.

Il a eu son interception. Il a forcé un échappé et il a réalisé un plaqué pour une perte de terrain sur un troisième essai. Bref, il a provoqué trois des quatre revirements des Lions. C’est assez spectaculaire!

Ce que je trouve aussi intéressant, c’est qu’il a saisi sa chance. La journée avant le match, on lui a annoncé qu’il allait jouer. C’est tout à son honneur parce que c’était à la dernière minute. Cela démontre que Paxson s’entraîne fort et se prépare comme s’il était partant. Ça s’est reflété sur sa performance. C’est plaisant de voir qu’il y a de la profondeur à la position de plaqueur défensif parce qu’il remplaçait Jermaine McElveen. Paxson s’est donné des arguments assez solides pour demeurer dans la formation face aux Blue Bombers la semaine prochaine. Ce sera aux entraîneurs de décider.

Larry TaylorDu travail à faire sur les unités spéciales

Il y a encore du travail à faire du côté des unités spéciales. Par contre, les couvertures de bottés sont bonnes. C’est une tendance depuis le début de l’année 2014. Avec la combinaison d’une défensive explosive, cela rend le terrain encore plus long à l’adversaire.

Nous avons vu une lueur d’espoir sur les retours. Larry Taylor en a réussi un de 22 verges sur un retour de botté de dégagement. Il manque un peu de constance puisque les six autres n’ont été que de 22 verges au total.

Sean Whyte a réussi trois placements en cinq tentatives. Il doit aller chercher de la constance. Il a été bon sur les bottés de dégagement de manière générale.

Il a raté deux bottés de précision, mais le point positif c’est qu’il est revenu en force pour réussir son dernier sur une distance de 47 verges, son plus long tenté ce soir-là.

En fin de compte, c’était une victoire dont les Alouettes avaient besoin. Et lorsque je dis Alouettes, je parle des joueurs, des entraîneurs, des gens au centre-ville, des employés à la billetterie et des partisans. Je parle de tout le monde.

On veut construire. On ne partira pas en peur puisqu’il reste encore 16 matchs. Il y a des améliorations à faire. Mais c’est le genre de performance dont toute l’organisation avait besoin.

Ça m’a fait plaisir que les Alouettes remportent leur premier match à domicile étant donné que ce fut une saison difficile à domicile l’an dernier. C’est important de démontrer aux autres équipes que ce ne sera pas facile de jouer à Montréal et qu’elles repartiront la plupart du temps avec une défaite. Et c’est le cas partout dans la ligue puisque les Lions sont la seule équipe à ne pas avoir gagné à la maison cette saison.

Maintenant, il faudra valider tout ça face aux Blue Bombers de Winnipeg qui seront en ville la semaine prochaine.

*Propos recueillis par Christian L-Dufresne