Ce soir du 24 novembre, les Roughriders de la Saskatchewan l’attendaient depuis deux ans. Ils ne pouvaient faire autrement que de soulever la coupe Grey à bout de bras, devant les leurs.

Il fallait être à Regina pour ressentir cette fébrilité. Tout était tapissé de vert.

J’ai vécu deux matchs de la Coupe Grey face aux Riders en 2009 et 2010. Ces deux duels étaient toutefois disputés en terres albertaines. Malgré un trajet de quelques heures en voiture, de nombreux irréductibles de la Rider Nation s’étaient déplacés pour occuper 95 % des bancs disponibles.

Dimanche, au Mosaic Stadium, la mecque de la Rider Nation, la foule était pratiquement à 100 % verte. Seule une centaine de partisans des Tigers-Cats de Hamilton, entassés dans une section derrière le banc de l’équipe, détonnaient dans le décor.

En étant extrêmement bruyants, les partisans des Riders ont donné une couleur singulière à ce moment historique. Dommage que le match n’ait pas été à la hauteur.

Soyons toutefois réaliste, l’équipe la mieux préparée, la mieux entraînée et surtout la meilleure, a gagné. Pendant toute la rencontre – qui s’est terminée 45-23 – les Roughriders ont dominé l’adversaire.

Comme ce fut le cas pendant toute la saison, le jeu au sol a été la clé pour les Riders. Autoritaire, la ligne à l’attaque a tracé le chemin à Kory Sheets, qui a amassé 197 verges de gains, un record pour un match de la Coupe Grey.

Fort d’une autre performance exceptionnelle, le quart Darian Durant est quant à lui parvenu à se défaire de l’étiquette de joueur qui croule sous la pression lors d’un match de la Coupe Grey. Distribuant le ballon à tous ses receveurs, il a entre autres permis à Geroy Simon d’inscrire ses deux premiers touchés en carrière à son troisième match ultime.

Durant a donc connu des éliminatoires phénoménales en complétant 66 de ses 77 passes tentées pour des gains de 795 verges, huit touchés et aucune interception en trois rencontres.

Du côté défensif, les Riders ont menotté le quart Henry Burris, qui a toutefois offert une mauvaise performance en manquant de précision sur plusieurs passes.

Les Tiger-Cats ont cependant creusé leur trou en décidant rapidement d’exclure le jeu au sol du plan de match. Après une demie, les Tiger-Cats n’avaient effectué que deux courses pour des gains de trois verges... Face à une attaque unidimensionnelle, la ligne défensive des Riders a donc joué plus souvent qu’autrement avec quatre ailiers défensifs, appliquant ainsi beaucoup de pression.

Les demis défensifs des Riders ont de plus été très bons, mettant quant à eux beaucoup de pression sur les receveurs. Très agressifs, ils auraient mérité quelques punitions ici et là, mais les arbitres ont été quelque peu permissifs.

Bref, il s’agit d’une conclusion logique pour les Riders, qui ont commencé à bâtir il y a deux ans en fonction de ce jour fatidique. Ils ont d’abord  amélioré grandement leur ligne à l’attaque en embauchant  Dominic Picard, Ben Heenan et Brendon LaBatte. Les Riders ont ensuite ajouté Sheets, une trouvaille.

Puis, après l’élimination de son équipe la saison dernière, Corey Chamblin a demandé à son DG du renfort en défense. Les Riders ont ainsi embauché une kyrielle de joueurs autonomes, notamment Ricky Foley, Alex Hall, Weldon Brown, Dwight Anderson et Diamond Ferri.

Autant d’embauches qui ont permis aux Riders de remporter la quatrième coupe Grey de leur histoire. Chapeau!

Guillaume Rioux, Vincent Plante et Pierre LavertuLa logique, encore

À l’instar des Roughriders, le Rouge et Or de l’Université Laval a une fois de plus vu la logique jouer en sa faveur samedi, alors que l’équipe a remporté la coupe Vanier pour la huitième fois de sa jeune histoire.

Face aux Dinos de Calgary, la troupe de Glen Constantin a toutefois échappé de nombreux points en première demie en ne couronnant pas ses séries offensives de touchés. En ne se forgeant qu’une mince avance de 6-0 après une demie, le Rouge et Or a permis aux Albertains de demeurer dans le match.

Et ces derniers en ont profité dès leur retour du vestiaire en deuxième demie, s’appropriant même les devants. Or, se présenter à Québec devant près de 20 000 personnes pour y affronter la puissante machine rouge et or n’est pas facile et les Dinos en ont finalement souffert.

Disposant d’une ligne à l’attaque dont trois de ses membres se retrouvent sur la première équipe d’étoiles, le Rouge et Or s’est finalement imposé grâce à son jeu au sol. Quand le dénouement d’un match est encore incertain, tu te dois de remettre ton sort entre les mains de tes porteurs de ballon. C’est ce que Constantin a fait. Maxime Boutin et Pascal Lochard se sont occupé du reste.

Chapeau à Constantin et son groupe d’entraîneurs.

Injuste domination?

Ce huitième sacre en 15 ans d’existence pour le Rouge et Or ne manquera sûrement pas d’alimenter les discussions. Cette domination de l’Université Laval sur le circuit universitaire québécois est-elle injuste?

Le Rouge et Or, ce n’est pas un rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage au Québec. Les récents matchs face aux Carabins, aux Gaiters et au Vert & Or en sont la preuve. L’équipe québécoise sait peut-être simplement comment gagner les matchs âprement disputés.

À leur quatrième match de la Coupe Vanier en autant d’années, plusieurs joueurs du Rouge et Or savaient comment gérer la pression et les distractions. En tant qu’ancien joueur de cette équipe, j’aurai peut-être toujours l’air d’avoir un parti pris, mais la réalité c’est que le nerf de la guerre au football universitaire demeure le recrutement.

Quel joueur ne voudrait pas se joindre à une équipe qui affiche huit championnats canadiens en 15 ans, qui évolue dans un beau complexe et qui joue devant 15 000 spectateurs en moyenne?

Le recrutement est certes plus facile donc, mais Constantin a su créer un contexte pour optimiser les performances de ses joueurs. Ce programme est à pied d’œuvre 365 jours par année. Les joueurs commencent à s’entraîner au mois de janvier dans un cadre incomparable.

Certains diront que tout cela est rendu possible par les moyens financiers dont dispose le Rouge et Or, mais ce serait d’insulter l’effort, le travail et les compétences des gens en place que de penser ainsi. Ce sont les joueurs et les entraîneurs qui remportent des championnats. Pas l’argent. D’autres programmes ont des moyens comparables, mais les résultats ne sont pas là.

Le Rouge et Or, c’est une dynastie, à l’instar de l’Université d’Alabama dans la NCAA. Ce programme offre d’excellentes chances à ses joueurs de graduer chez les pros. Un peu comme le Rouge et Or.

Il faut donc saluer ce que le Rouge et Or a accompli au fil des 15 dernières années. Tout comme les Alouettes, cette équipe a contribué grandement à la popularisation du football au Québec.

*Propos recueillis par Mikaël Filion