La performance des Alouettes en finale de l'Est a été décevante. D'autant plus que les joueurs travaillent tellement fort pour avoir l'avantage de jouer à domicile pour ce match. Pour les Alouettes, c'est un scénario qui avait pourtant bien fonctionné auparavant en finale de l'Est.

Montréal a bien commencé la rencontre en prenant les devants 10-0 après un quart. En bout de ligne, le problème est qu'ils n'ont pas réussi à assommer les Argonauts. Les Alouettes n'ont pas eu l'instinct du tueur. Les Argos ont donné trois fois le ballon aux Alouettes en première demie, mais ils ne tiraient de l'arrière que par sept points.

Si l'on avait dit aux Argos qu'ils allaient perdre le ballon à trois reprises lors des deux premiers quarts et qu'ils retraiteraient au vestiaire avec seulement un retard d'un touché, ils auraient dit qu'il n'y a pas de problème.

Avec les revirements et le retard au tableau indicateur, Toronto a montré beaucoup de cran et de caractère. Les Alouettes n'ont jamais été en mesure de les ébranler. Cela a eu un impact direct sur le match. La foule a été plus calme et moins bruyante et cela a donné confiance aux Argonauts.

Si les Alouettes avaient creusé l'écart, les Argos seraient retournés au vestiaire en disant qu'ils se faisaient lessiver encore une fois en finale de l'Est. La dynamique psychologique est donc restée intacte. Et encore! Ils devaient se dire que malgré cela ils perdaient seulement par sept points et qu'ils pouvaient jouer du bien meilleur football. Bref, ils pouvaient espérer gagner en jouant une bonne deuxième demie.

Une porte était grande ouverte pour les Alouettes en première demie et celle-ci s'est refermée sur le bout de leur nez. Je trouve cela très frustrant parce que l'opportunité était là et les joueurs montréalais penseront à cette partie tout au long de la saison morte.

La défense a fait le boulot en première demie. Elle a accordé beaucoup de verges, mais dans les situations cruciales, elle a limité les touchés. Elle a été bonne à la porte des buts et elle a provoqué trois revirements. Ce qui m'a déçu est que les Alouettes avaient deux semaines pour se préparer.

Manque de pression sur Ray

Au restaurant, vous avez la soupe du jour. Au football, vous avez le blitz du jour. Je ne l'ai pas vu. Je n'ai pas vu de nouveau blitz qui a créé de la confusion. Je n'ai pas observé un joueur se rendre librement à Ricky Ray. Un blitz du jour est généralement une stratégie où un joueur n'est pas bloqué parce que l'adversaire n'a jamais vu ce jeu. Les Alouettes n'ont pas été capables de rejoindre Ricky Ray.

C'est dommage, parce que les Alouettes avaient la chance d'avoir deux semaines pour trouver une nouvelle stratégie pour surprendre les Argonauts et ils n'ont pas été en mesure de le faire. Je dis donc bravo aux Argos. Ils ont été excellents en protection de base. Ce n'était pas toujours parfait, mais il y avait toujours un joueur devant l'un des Alouettes. Ils ne les ont pas battus mentalement.

Je dois vraiment lever mon chapeau à Chad Kackert pour son travail en protection. Il a été un élément important parce que la défense des Alouettes met souvent une pression à six joueurs. Cela veut dire que les cinq joueurs de ligne à l'attaque sont occupés et que le sixième doit être bloqué par le porteur. Kackert a été excellent pour le faire.

On dirait qu'il était l'ombre de Shea Emry ou de Kyries Hebert. Souvent, c'était lui qui bloquait un de ces deux joueurs et en plein centre du jeu en plus. On l'a vu faucher Emry et Hebert. Il a rarement manqué ses blocs. Ce sont des blocs qu'il faut réussir parce que ce sont des blitzs en plein cœur de l'attaque et si ces joueurs ne sont pas arrêtés, ils se rendent rapidement au quart. Il faut le souligner parce que c'était très important.

Depuis le début de l'année, les Alouettes attaquent la protection du quart pour le déranger. Si tu bas la protection de celui-ci, tu vas t'y rendre. La philosophie des Alouettes est surtout d'attaquer le porteur de ballon en protection, d'où pourquoi on amène de la pression à cinq ou six joueurs. On veut forcer le porteur à faire un bloc. Avec les saisons qu'ont connues Emry et Hebert, on pense que le porteur de ballon sera rarement en mesure de gagner le un contre un. C'est pourquoi Kackert a été un élément clé, car il a gagné ces batailles.

Les gros jeux ont fait la différence

Qui dit unité défensive combative et agressive, qui dit blitz contre la passe et contre la course, dit que si tu rates ton coup, tu es vulnérable contre le gros jeu. On a vu Ricky Ray complété de longues passes parce que sur des blitzs, on a des situations d'un contre un. Surtout que Ray est un quart très précis sur les longues passes. On a aussi vu de longues courses de Kackert. Quand tu effectues des blitzs contre un jeu au sol et que par hasard un joueur de ligne à l'attaque est en mesure de bloquer deux joueurs, ce ne sont pas tous les trous qui sont bouchés et il y a une brèche.

Le porteur a une ligne à passer lorsque tous les secondeurs sont au point d'attaque et tu élimines ton 2e niveau et il ne reste seulement que la tertiaire pour arrêter le demi-offensif. On a vu cette situation à deux reprises dimanche. Kackert a réussi des courses de 49 et 51 verges sur des blitzs infructueux et il a été en mesure d'éviter les plaqués.

Lorsqu'on joue agressivement comme l'unité défensive des Alouettes, tu n'as pas le droit à l'erreur parce que sinon tu donnes le gros jeu. C'est une dynamique qui a fait énormément mal aux Alouettes. Au football à trois essais, tu as besoin de gros jeux. Le terrain est plus long et tu as un essai de moins pour traverser et gagner 10 verges. Tu ne peux pas espérer qu'une attaque soit capable de faire 14 jeux pour 100 verges pour un touché. Il faut gagner de gros morceaux de terrains. Et c'est la différence. Les Argos sont allés chercher ces gros jeux dimanche.

J'ai calculé sept gros jeux pour Toronto et ceux-ci ont donné 281 verges de gains. Dans toute la partie, l'unité offensive torontoise a réalisé 53 jeux. Donc, 13% des jeux ont procuré 53% des verges gagnées puisqu'ils ont cumulé 530 verges à l'offensive. Il ne faut pas chercher loin. La différence dans le match est là.

Chad Owens : passe et course de 70 verges. Chad Kackert : deux courses de 49 et 51 verges. Dontrell Inman : passe de 35 verges. Jason Barnes : passe de 24 verges et Andre Durie, passe de 20 verges. Voici ces sept jeux et voilà pourquoi les Argos ont marqué plus de points.

Le match s'est aussi gagné avec les ajustements apportés par le coordonnateur défensif des Argonauts, Chris Jones. Lorsqu'on regarde la deuxième demie, on a été capable de déranger physiquement et mentalement Anthony Calvillo parce qu'il semblait hésitant. Combien de fois est-il allé à son dépanneur? On dirait qu'il n'était pas prêt à prendre une seconde ou deux de plus pour laisser le jeu se développer. D'où on décrivait le match, je semblais voir des joueurs disponibles et démarqués dans les zones profondes, mais Calvillo allait à son dépanneur rapidement.

Je comprends qu'il y a une progression, une lecture de jeu et je comprends que tu veux garder ton rythme. Mais les jeux étaient là. Est-ce que c'est l'acharnement des Argos parce qu'il s'était fait frapper qui a rapporté? Est-ce qu'il ne voulait pas payer le prix?

Parfois, le quart-arrière doit être prêt à se faire frapper pour donner la fraction de seconde de plus à son receveur pour se démarquer et aller chercher le gros jeu. Ricky Ray l'a fait lui. Je l'ai vu resté stoïque. La statue qui reste là et qui accepte de se prendre le coup en livrant le ballon pour de gros jeux. Malheureusement, j'ai moins vu cela de la part de Calvillo.

J'ai en tête la deuxième interception. Il a carrément pivoté sur lui-même pour éviter le contact et en fin de compte, la passe était imprécise et elle a été interceptée. Je trouve ça un peu décevant parce que c'est difficile de lancer avec précision quand tu ne regardes pas dans la bonne direction. Des fois, il faut être prêt à laisser le jeu aller un petit peu plus pour avoir une plus grande récompense. Sur certains jeux, il en résulte que tu te fais frapper.

Une deuxième demie dominée par les Argos

Les ajustements des Argos ont payé. Les Alouettes ont marqué seulement trois points en deuxième demie et ils ont été victimes de quatre revirements. Toronto a éliminé les deux meilleures armes de Calvillo. S.J. Green et Jamel Richardson ont été limités à deux attrapés lors du troisième et du quatrième quart, un seul chacun. Au total, ils ont attrapé cinq ballons ensemble dans tout le match. C'est insatisfaisant venant de ces deux joueurs.

C'est la différence entre les deux unités défensives. Lorsque tu prépares ton plan de match, tu penses à ce que ton adversaire aime et veut faire. Tu veux l'empêcher de suivre sa stratégie et bloquer ses meilleurs joueurs. C'est exactement ce que les Argos ont fait lors des deux derniers quarts.

Au contraire, les Alouettes n'ont pas réussi à déranger Ricky Ray et à l'empêcher de rejoindre ces cibles préférées. Chad Owens a terminé avec 11 attrapés pour des gains de 207 verges. Chad Kackert a effectué 13 courses pour 139 verges de gains avec un touché.

Du côté des Alouettes, même si le match était encore chaudement disputé, on a complètement oublié le jeu au sol en deuxième demie. Chris Jennings a seulement eu quatre courses. Je comprends que c'était seulement pour 15 verges, car les Argos s'étaient bien ajustés. Dans un match aussi serré, je trouve cela décevant qu'on ait abandonné l'attaque au sol. On n'avait pas vraiment raison de le faire.

Malgré tout ça, les Alouettes étaient à un attrapé d'aller en prolongation. C'est donc une deuxième fois consécutive qu'un match au Stade olympique se termine par une passe échappée. L'an dernier, c'était Brandon Whitaker qui avait échappé une passe de Calvillo en prolongation, contre les Tiger-Cats, en demi-finale de l'Est.

Cette année, c'est Brian Bratton. C'est sûr qu'il a été gêné par le joueur défensif. Ce qui est frustrant est que ce sont des exercices de concentration pratiqués hebdomadairement. Les receveurs vont simuler des mains ou des joueurs qui passent devant eux pour ne pas être surpris par le ballon. C'est ce qui semble être arrivé à Bratton et c'est dommage pour lui. C'est un joueur qui a rendu de fiers services aux Alouettes. Il a bien fait toutes les missions qui lui étaient confiées.

C'est le football! Il s'agit d'un match et il n'y a pas de quatre de sept. Il ne faut pas que tu manques ton coup. Je vais dire bravo aux Argonauts. J'imagine qu'on a dû éviter de leur lire l'historique de cette équipe au Stade olympique. On a été capable de se dire que c'est une nouvelle année et une nouvelle équipe. On a laissé le passé derrière. J'ai trouvé qu'ils ont été résilients en laissant passer la tempête de début de match. Ils ont fait de gros jeux et ils ont provoqué des revirements et au football, il n'y a pas 40 000 façons de gagner une partie.

*Propos recueillis par Christian L-Dufresne