Si, pendant des années, la marque de commerce des Alouettes fut son attaque explosive, il ne fait maintenant plus aucun doute qu'en 2009, c'est l'excellence de son unité défensive qui fait la réputation de la formation montréalaise.

Depuis le début de la saison, la défensive des Oiseaux tient le fort de brillante façon pendant que l'attaque met un peu plus de temps à se mettre en branle. Et samedi, contre les Blue Bombers de Winnipeg, on a pu observer à quel point le brio de la défensive commence à rejaillir sur l'attaque.

Au football, un entraîneur qui a le luxe de compter sur une défensive dominante peut se permettre plusieurs petites gâteries. Il sera par exemple plus à l'aise d'oser sur un troisième essai ou plus confiant de commander un jeu truqué sur les unités spéciales parce qu'il sait qu'en cas d'échec, sa défensive va limiter les dégâts et redonner le ballon à l'attaque dans le temps de le dire.

C'est un peu l'état d'âme qui règne chez les Alouettes présentement. Marc Trestman réalise ce qu'il a entre les mains et ne se gêne pas pour en profiter. Une belle preuve de cette réalité, c'est sa décision de garder son attaque sur le terrain lors d'un troisième essai et quatre verges à franchir à la ligne de 25 des Blue Bombers, au premier quart samedi.

On peut lire deux choses dans cette décision. D'abord, Trestman en avait probablement assez de voir le botteur de précision Damon Duval sur le terrain. Il ne voulait pas se contenter d'un placement et a décidé de miser le tout pour le tout pour aller chercher un touché. Mais surtout, le coach a démontré toute la confiance qu'il a en sa défensive. En gardant son attaque sur le terrain, Trestman s'est dit « la pire chose qui peut nous arriver, c'est que les Bombers reprennent le ballon profondément dans leur territoire. Ma défensive va ensuite faire son boulot, les Bombers vont dégager, on aura perdu une quarantaine de verges et on recommence. Ce n'est pas plus grave que ça! »

En prenant cette décision, Trestman envoyait un message clair à chacun de ses joueurs : j'ai confiance en vous.

Regardons maintenant le jeu que Trestman a demandé à ses hommes d'exécuter. Le pilote des Alouettes pouvait se douter que les Bombers présenteraient une défensive homme à homme, parce que dans une situation de 3e et 4, si tu déploies une défensive de zone, tu laisses pratiquement le champ libre à l'adversaire pour aller chercher les verges dont il a besoin. Sachant ce que la défensive allait lui offrir, Trestman a donc commandé un jeu de passe avec des tracés dessinés en conséquence.

Les Alouettes ont exécuté ce que j'appelle le tracé de la clôture, c'est-à-dire des croisements de receveurs au centre de la défensive. Dans le cas qui nous concerne, Montréal a aligné deux receveurs à la gauche de Calvillo et un autre à sa droite. À la mise en jeu, les trois hommes sont partis en ligne droite sur une distance de trois ou quatre verges et ont ensuite convergé vers le centre. À ce moment, le but du receveur isolé est d'entrer par la porte créée par ses deux coéquipiers pour forcer son couvreur à se frayer un chemin dans la circulation lourde. Le joueur défensif doit alors éviter les deux receveurs qui s'en viennent en sens inverse en plus de leur couvreur respectif, après quoi il doit retrouver le joueur auquel il est assigné à temps pour l'empêcher de réaliser un jeu.

Voilà un bel exemple d'obstruction planifiée et tolérée. Dans le cas présent, tout a fonctionné à la perfection pour les Alouettes. Kerry Watkins a réussi à semer son poursuivant et quand celui-ci a finalement retrouvé sa trace, le mal était fait. La passe avait été précise et les Alouettes venaient d'obtenir un jeu gratuit.

Ce jeu a donné le ton au match. Les Alouettes ont ensuite marqué un touché, celui de S.J. Green, et par la suite, ce fut un match à sens unique.

Vous comprenez où je veux en venir maintenant quand je dis qu'une bonne défensive peut avoir toutes sortes d'effets bénéfiques pour une équipe!

La défensive des Alouettes : 12 = 1

La défensive des Alouettes domine au sens le plus pur du terme : elle domine physiquement. Elle ne fait rien de compliqué. Contre Winnipeg, ce n'était pas sorcier... pas de miroir ni de fumée! C'était du bon vieux homme à homme. Un demi défensif contre un receveur, un secondeur contre un porteur de ballon, un ailier défensif contre un bloqueur. Une pression à quatre sur le quart-arrière, pas de blitz ou presque. Aussi simple que ça!

Les Alouettes ne mélangent personne avec leurs stratégies présentement. Ils gagnent simplement leurs batailles physiques. J'ignore les chiffres exacts, mais d'après moi, contre Winnipeg, ils ont dû faire la même chose environ 80% du temps, si ce n'est pas plus. C'est l'illustration d'un adage bien connu au football : quand tu penses que tu peux dominer l'adversaire physiquement, tu n'as pas besoin de stratégie. Alignez-vous et jouez, les boys!

Présentement, quand la défensive des Alouettes est sur le terrain, les douze gars d'une même équipe gagnent leur bataille individuelle et ça donne un effort collectif spectaculaire.

C'est le patron de tout ce beau groupe, le coordonnateur défensif Tim Burke, qui doit s'en réjouir. Parce qu'un de ces quatre, il devra sûrement sortir un lapin ou deux de son chapeau pour trouver un avantage sur son adversaire, mais à ce jour, il n'a pas toujours pas eu à brûler ses trucs et peut se permettre de les conserver en banque.

Il faut aussi dire que dernièrement, Burke n'a pas vraiment eu à se casser la tête pour établir son plan de match. Les Alouettes ont affronté, en Kerry Joseph et Michael Bishop, deux quarts qui se ressemblent beaucoup: très mobiles, avec un bras canon, mais pas précis pour deux sous et pas très forts pour lire les défensives adverses. Voici alors la logique que Burke a appliquée : comme je crois que mes demis défensifs peuvent facilement rivaliser de vitesse avec les receveurs adverses, je vais leur demander de ne pas les quitter d'une semelle et je vais forcer le quart adverse à nous battre avec la précision de ses passes.

Et Burke a gagné son pari. Samedi dernier, les passes de Michael Bishop étaient tellement imprécises qu'après certains jeux, on était en droit de se demander à qui elles étaient destinées. C'était complètement fou!

Le bon travail de Proulx

Je m'en voudrais de vanter la défensive des Alouettes sans glisser un petit mot sur Matthieu Proulx, qui a disputé un autre excellent match, probablement son meilleur de la saison, contre Winnipeg.

Quand Matthieu a quitté le match en raison d'une blessure au premier quart, on s'est probablement tous croisé les doigts en souhaitant que ce ne soit rien de grave. C'est incroyable comment la malchance s'est acharnée sur ce gars-là depuis le début de sa carrière professionnelle! Mais finalement, après l'avoir vu revenir au jeu, j'ai lancé à la blague qu'il devrait peut-être se faire sonner comme il faut au début de chaque partie! Ce n'est pas mêlant, il était partout. Il a recouvré un échappé sur les unités spéciales, a réussi une interception et a réalisé de nombreux plaqués. Jeu après jeu, il faisait la différence sur le terrain.

Personnellement, je trouve que Matthieu joue le meilleur football de sa carrière.

Deux mots clés : effort et détails

Dans ma chronique précédente, j'avais noté que pour la défensive des Alouettes, qui venait de connaître un match difficile contre les Eskimos d'Edmonton, un duel contre l'attaque des Argonauts de Toronto avait peut-être été le remède idéal.

Eh bien dans le même ordre d'idée, on dirait que la défensive des Blue Bombers, même si elle est loin d'être mauvaise, était ce dont avait besoin l'attaque des Alouettes pour connaître ses meilleurs moments depuis un petit bout.

Toutefois, sans vouloir lui enlever quoique ce soit, il faut dire qu'avec autant de revirements créés par la défensive, l'attaque des Als a constamment profité d'un terrain court. Ceux qui ne regardent que les statistiques à la fin du match diront qu'elles ne sont pas si impressionnantes, mais il faut se dire ceci : quand tu n'as que 50 verges à traverser pour aller marquer un touché, ça peut fausser les données!

L'œil plus attentif dira plutôt que l'opportunisme des Alouettes lui ont permis d'inscrire 24 points à la suite de revirements.

Ce que j'ai aimé, c'est que sur trois des quatre passes de touché d'Anthony Calvillo, le vétéran quart-arrière a profité d'une excellente protection puisque le joueur qui a marqué le touché n'était pas sa première option. Ça prouve évidemment qu'il est alerte et qu'il sait où ses receveurs sont placés, mais aussi que sa ligne a fait du très bon boulot.

Les séquences qui suivent démontrent bien deux points sur lesquels les Alouettes mettent l'accent cette saison : effort et détails.

Pour moi, l'exemple parfait de l'effort déployé par les hommes de Marc Trestman, c'est le touché de 71 verges de Watkins. Dans les dix dernières verges du jeu, le numéro 81 a trois coéquipiers à ses côtés pour faire des blocs en cas de besoin : Danny Desriveaux, Jamel Richardson et Avon Cobourne. En passant, Cobourne se trouve dans le champ arrière aux côtés de Calvillo quand la passe est décochée! Ça en dit long sur la discipline des troupes de Trestman. Chaque fois qu'un gars touche au ballon, on croit qu'il peut se rendre jusqu'au bout.

Et quand on parle de détails, il suffit de bien observer le travail de Kerry Carter sur le jeu qui a mené à son touché. Ça semble anodin, mais je peux vous dire que pour un joueur de ligne, c'est drôlement important.

Avant de devenir le dépanneur de Calvillo, Carter a quitté son poste de porteur de ballon et est passé à la droite de Jeff Perrett, le bloqueur du côté droit. Perrett travaillait contre Fred Perry, un très bon ailier défensif. Donc avant de commencer son tracé de passe, Carter s'est assuré de donner un bon petit coup d'épaule à Perry pour l'empêcher de déborder Perrett avec son arme principale, sa vitesse. Seulement avec ce coup d'épaule, Carter a arrêté le momentum de Perry et l'a forcé à bifurquer vers Perrett. Évidemment, ce dernier ne s'est ensuite pas gêné pour mettre ses deux gros crochets à viande sur Perry et l'emprisonner dans ses bras.

Des détails, mais c'est ce qui fait toute la différence. Tout d'un coup, Carter se retourne, le ballon s'en vient à lui et il est récompensé avec une belle course jusque dans la zone des buts.

Semaine après semaine, c'est ça les Alouettes. Au cours des dernières années, ils nous ont habitués à des débuts de saison assez spectaculaires, mais celui-ci, j'ai le feeling qu'il est particulièrement solide. Je ne veux pas partir en peur, parce que la coupe Grey ne s'est jamais gagnée le 17 août, mais force est d'admettre que ce ne sont pas des victoires chanceuses. Les Alouettes dominent et ça laisse entrevoir des belles choses...

Aujourd'hui, je n'ai pas de problème à affirmer que la Ligue canadienne est divisée en deux groupes : les Alouettes d'un côté et les sept autres équipes de l'autre.

Les Alouettes sont maintenant de retour à la maison où ils affronteront la Saskatchewan vendredi. Les pauvres Riders ont dû se taper un match dimanche soir et doivent maintenant se préparer pour voyager à Montréal pour affronter rien de moins que la meilleure équipe de la LCF.

Au moins, ils ont gagné contre les Tiger-Cats de Hamilton! Ça rend la semaine un peu plus facile, mais c'est quand même toute une commande qui les attend!

*Propos recueillis par Nicolas Landry.