MONTRÉAL – À l’image d’autres circuits professionnels, la Ligue canadienne de football commencerait à étudier le scénario de restreindre sa saison à un minimum de lieux. Alors que cette éventualité déplaît à une tonne d’athlètes professionnels, elle pourrait cadrer plus facilement avec ceux de la LCF.

 

Que ce soit dans au Baseball majeur, dans la LNH ou la NBA, de nombreux joueurs ont déploré le concept de tenir toutes les parties uniquement dans quelques villes. Ce concept exige un isolement des joueurs de leurs proches pendant de longs mois et ça les offusque.

 

Toutefois, cette possibilité semble moins effrayante pour les joueurs de LCF comme l’a précisé, avec pertinence, Henoc Muamba, le secondeur étoile des Alouettes de Montréal.
 

« Si c’est une possibilité, je ne crois pas que ce serait la pire idée. Quand tu mentionnes être loin de la famille pendant quelques mois, c’est vraiment la réalité de la majorité des joueurs déjà. C’est rare qu’un joueur né à Montréal évolue pour les Alouettes. Ceux qui peuvent le faire, c’est vraiment une bénédiction. Moi, j’ai grandi à Toronto, ma famille vit à Brampton et je ne joue pas pour une équipe ontarienne. On a toujours fait ça en tant que professionnels, ce ne serait pas nouveau. On aurait juste à s’adapter si ça devient la réalité », a exposé Muamba lors d’une disponibilité médiatique virtuelle.

 

Le constat fait du sens. Contrairement aux circuits de grande envergure, la plupart des joueurs de la LCF s’expatrient dans la ville de leur équipe pendant la saison. Ils sont très souvent éloignés de leur famille qui vient les visiter à l’occasion. Bien des joueurs changent d’équipe régulièrement et ils n’encaissent pas des millions ce qui complique le projet de déplacer leurs proches.

 

Cela dit, Muamba a d’emblée à ajouter une précision sur cette idée qui consisterait à présenter les matchs – possiblement à huis clos – dans deux villes (une de l’Ouest canadien et une de l’Est canadien).

 

« On ne m’a pas encore officiellement dit si c’est une réalité. Quelques personnes m’ont posé des questions à ce sujet. Sur notre comité des joueurs, on n’a pas encore parlé de cette option. On a un appel plus tard vendredi. Si c’est une possibilité, on en parlera », a indiqué Muamba qui agit à titre de représentant des joueurs des Alouettes tandis que son coéquipier John Bowman siège sur le comité exécutif de l’Association des joueurs.

 

(NDLR : Le RDS.ca a pu obtenir la confirmation en soirée que le sujet avait été abordé dans une réunion avec des représentants des joueurs. Pour l'instant, l'idée n'est pas très avancée et il s'agit d'une option parmi d'autres. Ce que l'on entend, c'est que les dossiers avancent lentement et c'est parfois frustrant, mais les réunions des prochaines semaines seront déterminantes.)

 

Évidemment, ce plan déclencherait des dépenses considérables comme des milliers de nuit de chambres d’hôtels pour héberger les joueurs et le personnel des équipes. Bref, rien n’est assuré que ça puisse fonctionner.

Inutile de jouer à l’autruche non plus, étant donné que les salaires ne sont pas faramineux dans la LCF, les joueurs tiennent à sauver les meubles pour la saison 2020. Plusieurs d’entre eux ne peuvent pas se permettre de perdre une grande partie de leur salaire. 

« Je suis à l’aise dans ma situation et je me considère chanceux, a humblement commenté Muamba. Mais il y a clairement plusieurs personnes qui sont dans une situation précaire et ils ne savent pas quel chemin ils vont emprunter à court terme. Il faut être en mesure de s’ajuster. D’ailleurs, j’ai soulevé la question dernièrement, on doit savoir ce qui se passera parce que les joueurs veulent par exemple entamer un autre travail qui les intéresse. »

Il ne cache pas qu’il reçoit des appels de coéquipiers inquiets.  

« Bien sûr, plusieurs personnes se posent des questions. On est des personnes comme la moyenne des gens. On ne fait pas les millions de la NFL. Je fais d’autres trucs comme mon podcast (Muamba Moments) qui vient de démarrer et sur lequel j’ai reçu GSP notamment. Il y a d’autres choses que je veux explorer surtout si la saison ne démarre pas. C’est la même chose pour tous les autres joueurs. Il y a beaucoup d’incertitude présentement, on n’est pas une exception », a-t-il détaillé. 

Muamba répond aux critiques envers l’aide financière

La demande d’aide financière gouvernementale déposée par la LCF demeure le sujet majeur. Personne ne nie l’importance de ce soutien présentement. 

« Absolument, c’est sûr que ça va aider. La LCF, c’est comme n’importe quelle autre entreprise canadienne. Tout le monde a été très affecté par cette situation de la COVID-19. Je crois que ce serait très bien, un support aiderait beaucoup pour aller de l’avant », a reconnu Muamba. 

Par contre, cette démarche de 30 millions initialement qui pourrait grimper à 150 millions suscite encore une valse de critiques. À titre d’exemple, Peter Fragiskatos, du Parti Libéral du Canada, a déploré le tout en disant que ce serait déplorable que des fonds canadiens finissent par aider des athlètes américains durant une telle crise.  

« Quand ils viennent ici, c’est un sacrifice. Autant qu’ils aiment effectuer ce travail, ce n’est pas facile pour eux de venir s’implanter au Canada, de s’habituer à un nouveau sport, à un autre pays, à une nouvelle ville. Ils viennent ici et ils sont nombreux à contribuer dans la communauté. Je pense à un joueur comme Adrian Tracy qui a adopté le Canada. Il s’implique tellement dans la communauté, il paie des impôts ici. Je crois qu’ils méritent de bénéficier de cette aide », a rétorqué Muamba à ce propos. 

La LCF et ses joueurs ne voient pas encore la lumière au bout du tunnel, mais la bonne nouvelle demeure que les deux clans ont repris les discussions ensemble. L’Association des joueurs avait été écartée des pourparlers pendant quelques semaines. 

« Je sais que c’était un peu frustrant au départ de ne pas avoir été capable de communiquer avec la Ligue. Mais la meilleure chose, c’est que la Ligue est revenue et on maintient une bonne communication présentement. On essaie de travailler ensemble, voilà ce dont on a besoin si on veut avoir une saison », a-t-il mentionné. 

L’hypothèse de jouer la saison à huis clos sera l’un des sujets abordés.  

« Je ne crois pas que ce soit rayé de l’équation, mais tellement de choses doivent se passer (pour que ça fonctionne). Je pense que c’est un peu trop tôt pour prendre une telle décision. On reste optimistes et on conserve toutes les options. Dans les dernières semaines, on entendait surtout des questions dans nos réunions et on essaie maintenant d’avoir plus de réponses », a-t-il présenté. 

À travers les nombreuses questions, Muamba a répété plus d’une fois que les joueurs de la LCF ne constituent pas une exception. Ils se sentent comme le reste des travailleurs canadiens et ils ne veulent pas de traitement de faveur. C’est également vrai en ce qui a trait à la possibilité de recommencer l’entraînement en équipe. 

« On ne va pas essayer de changer les décisions des maires ou des villes parce qu’on veut tenir notre camp d’entraînement. Ça revient à eux, s’ils changent le statut, on voudra le faire. On ne classe parmi les exceptions, on ne veut pas faire comme si on était les plus importants », a noté Muamba alors que l’Impact et le Canadien souhaite pouvoir rouvrir leur complexe d’entraînement. 

Muamba propose sans cesse des idées à Bob Slowik

Il fallait bien parler un peu de football avec le joueur canadien par excellence de la LCF. Pendant la saison 2019, on l’a vu très impliqué auprès du coordonnateur défensif Bob Slowik pour améliorer le rendement et les stratégies de l’unité défensive. L’auteur de ces lignes a voulu savoir s’il profitait de la pause pour poursuivre cette approche.  

« Ça n’arrête jamais avec moi, a-t-il admis en riant. Je regarde des matchs de la saison passée et, quand des choses me viennent en tête, je l’appelle et je lui dis ‘Si on fait ça, ça et ça, crois-tu que ça fonctionnerait ? Il me rappelle pour me dire s’il aime mon idée ou non. C’est une personne que je respecte tellement. Je l’admire beaucoup pour sa façon d’opérer, il est tellement ouvert à ces échanges. Dès que la saison a été terminée, je crois que je l’avais appelé deux jours après ! Il m’a même dit de prendre un peu de temps pour relaxer et passer du temps en famille. Mais en fin de compte, c’est mon travail, c’est ma passion et je ne m’en fatigue jamais. Même que je lui ai parlé jeudi et on a discuté de quelques petits points à changer pour la prochaine saison. »