MONTRÉAL – Tout au long de la dernière semaine, Bryan Chiu a puisé dans ses cinq expériences négatives – et deux positives – à la coupe Grey avec les Alouettes de Montréal pour inspirer ses protégés du Rouge et Noir d’Ottawa.

En tant que l’un des piliers de la ligne offensive montréalaise, Chiu s’est retrouvé beaucoup trop souvent dans le camp des perdants et c’est encore plus vrai en considérant la puissance que représentaient les Alouettes à cette époque.

Membre des Alouettes de 1997 à 2009, Chiu a raté l’occasion de soulever le trophée en 2000, 2003, 2005, 2006 et 2008. Heureusement pour lui, il a pu savourer la joie de le serrer dans ses bras en 2002 et 2009.

Depuis qu’ils s’étaient qualifiés pour la finale de la LCF, les joueurs du Rouge et Noir n’avaient pas cessé d’entendre qu’ils ne feraient pas le poids contre les puissants Stampeders de Calgary.

Les entraîneurs de l’équipe négligée ont donc eu à convaincre leurs troupes du contraire. Tous les éléments de motivation étaient les bienvenus si bien que le bagage de Chiu s’est avéré précieux.

« Toute la semaine, j’ai partagé mon expérience avec les joueurs. Je leur rappelais que j’avais participé à plusieurs matchs avec les Alouettes en tant que favoris sans pouvoir l’emporter. Par exemple, en 2000, on avait perdu (28-26) contre les Lions, une équipe de 8-10. Personne ne donnait une chance aux Lions et ils ont trouvé le moyen de nous battre », a raconté Chiu qui dirige la ligne offensive du Rouge et Noir depuis la saison dernière.

Le portrait était devenu pratiquement insultant pour les joueurs du Rouge et Noir. Les prédictions laissent croire que c’était inutile de jouer le match ultime.

« C’est devenu une motivation au sein du groupe. Tout le monde semblait dire qu’on ne méritait pas d’être là. On parlait de notre fiche perdante (8-9-1) et que le match se déroulerait à sens unique », a-t-il admis au RDS.ca.

« Les gens ne voulaient pas croire en nous et on l’acceptait, mais on croyait en nos capacités. On savait que ce n’était qu’un match et qu’il se produit toujours des choses inattendues dans une partie de football », a exprimé Chiu moins de 24 heures après la conquête de l’emblème du football canadien.

Henry Burris, le joueur par excellence de la rencontre, a été enflammé par ce contexte. Le vétéran de 41 ans a composé avec des critiques tout au long de sa carrière et cet affrontement devenait l’occasion idéale de museler ses dénigreurs.

Burris a répondu avec une prestation inspirante digne des grands meneurs de sa ligue.

« Je le classe dans une catégorie spéciale et j’ai été entouré d’excellents leaders comme Anthony (Calvillo) et Ricky Ray. Henry est différent, il est très émotif et il ne garde pas ses pensées pour lui. Il avait beaucoup de choses à prouver cette année. Chose certaine, c’est difficile de critiquer cette performance surtout qu’il jouait sur une seule jambe », a relaté Chiu.

Il ne faudrait surtout pas oublier ce détail. Le Rouge et Noir est passé à un cheveu de devoir se priver de Burris qui s’est blessé à une jambe durant la période d’échauffement.

Ottawa a déjoué les pronostics

« Avant de sortir du vestiaire pour le botté d’envoi, je pensais qu’il ne serait pas notre quart partant. Je croyais qu’on enverrait Trevor (Harris) dans la mêlée. On était sur le point d’ajuster notre plan de match en fonction de Trevor », a admis Chiu qui a été épaté par la conviction de Burris.

« C’est un homme impressionnant, je suis arrivé dans la LCF en même temps que lui en 1997 et il est encore en train de jouer ! »

Une troisième bague pour son troisième enfant

En 2015, la famille de Chiu s’est agrandie avec l’arrivée d’un troisième enfant. Du même coup, Chiu a constaté qu’il manquait quelque chose à sa collection.

« Quand je me suis retiré comme joueur, j’avais deux enfants et deux bagues donc c’était parfait. C’était important que je gagne le championnat pour une troisième fois. Je voulais m’assurer que chacun de mes enfants puisse avoir sa bague ! », a confié Chiu.

Bryan ChiuEn plus de pouvoir dire mission accomplie, l’ancien garde des Alouettes a vécu cette victoire avec les yeux d’un entraîneur et il a adoré les scènes qu’il a observées.

« C’est très différent que de gagner comme joueur. En tant qu’entraîneur, tu peux demeurer en retrait et voir toute la joie sur le visage des joueurs. Tu peux les regarder célébrer avec leur famille et leurs proches, c’est pour ça qu’on investit autant d’heures comme entraîneur », a-t-il soulevé avec appréciation.

Les réjouissances ont été encore plus savoureuses puisque les Stampeders ont failli se sauver avec la victoire sur leur dernière poussée offensive en temps réglementaire. Leurs entraîneurs ont choisi de confier le ballon au quart-arrière réserviste, Andrew Buckley, au lieu de se fier sur le joueur par excellence en 2016, Bo Levi Mitchell, ou le meilleur porteur de ballon de la LCF, Jerome Messam.

« J’étais très surpris par la décision. En fait, j’étais sous le choc. Je peux quand même comprendre la réflexion des entraîneurs. Ils ont connu beaucoup de succès en courant avec lui plusieurs fois cette saison.

« Ce sera toujours plus facile de critiquer quelque chose qui n’a pas fonctionné. Il faut quand même lever notre chapeau à notre défense qui a réussi les jeux clés dans les moments cruciaux », a réagi Chiu.

Pendant ces secondes de torture, la nervosité a grimpé à son paroxysme.

« C’était vraiment stressant et très comparable avec la coupe Grey de 2009, celle du joueur de trop qui a coûté la victoire à la Saskatchewan. On a définitivement eu besoin d’un peu de temps pour se calmer après ce tourbillon d’émotions », a dit Chiu en faisant référence à son dernier match avec les Alouettes.

Des fleurs pour Jason Lauzon-Séguin et Marcel Desjardins

Chiu se souviendra également que la saison 2016 a été très éprouvante au chapitre des blessures qui ont décimé sa ligne offensive. Heureusement, tout s’est replacé juste à temps.

« On a pu se fier sur les mêmes cinq joueurs uniquement pour les quatre derniers matchs et on a fini par pouvoir bâtir une chimie. Ils ont été excellents en finale de l’Est et dimanche soir, ils ont été au cœur de notre succès », a jugé Chiu avec fierté. Jason Lauzon-Séguin

De lui-même, Chiu s’est ensuite empressé de souligner l’immense contribution de la recrue Jason Lauzon-Séguin. Il a évolué à quatre positions différentes et il s’est imposé comme bloqueur à droite au point d’être nommé recrue par excellence dans l’Est.

« On lui a demandé tant de choses différentes cette année. Une grande part du mérite doit revenir à l’Université Laval et en particulier aux entraîneurs Glen Constantin et Carl Brennan. Ils enseignent si bien à leurs joueurs, ils les préparent pour le niveau professionnel. Jason était déjà passablement poli comme joueur quand il est arrivé. On dirait que rien ne le surprenait sur le terrain », a louangé Chiu. 

Le directeur général, Marcel Desjardins, a également été encensé par Chiu. Après tout, Desjardins a accompli un travail colossal en menant cette nouvelle organisation au championnat en seulement trois ans.

« La chose qui me saute le plus aux yeux dans son cas, c’est qu’il est très calme. Il réfléchit à toutes ses décisions, il est calculé dans son approche et il pense toujours au bien de l’équipe en premier lieu. Selon moi, il n’y a pas d’autre directeur général comme lui, il ne veut pas être en avant-plan. Il s’assure de gérer les choses en retrait, c’est le cerveau de notre équipe et il ne veut jamais prendre le crédit. C’est le genre de gars pour lequel tu aimes travailler », a témoigné Chiu qui a connu Desjardins comme adjoint à Jim Popp à Montréal.

Actuellement, Desjardins est appuyé par Brock Sunderland dont le nom revient souvent dans les discussions pour succéder à Popp.

La progression du Rouge et Noir a été si rapide que Chiu ne peut pas s’empêcher de se souvenir que c’est lui qui avait téléphoné à Desjardins pour démontrer son intérêt de joindre son équipe. Il avait quitté les Argonauts de Toronto pour s’embarquer dans cette nouvelle aventure.

Rick Campbell« Le football continue de me gâter après tant d’années. C’était ma neuvième présence à la Coupe Grey dont sept comme joueur. Tout part de Montréal qui m’a procuré toutes ces opportunités. Maintenant, je peux partager mes apprentissages avec les joueurs et j’adore ça. C’est génial d’aider ces jeunes à accomplir leurs rêves. »

À 42 ans, Chiu pourrait viser un poste d’entraîneur-chef éventuellement, mais il ne semble pas s’imaginer dans ce rôle.

« Je n’aspire pas à ça présentement. J’ai toujours gravité avec la ligne offensive et je réalise que tu t’éloignes un peu des joueurs en montant dans la pyramide. Ce que j’aime le plus, c’est passer du temps avec les membres de mon unité, ils sont comme ma famille et j’aime leur enseigner. Pour le reste, je vais laisser les personnes plus intelligentes s’occuper du reste et je vais continuer de m’amuser avec mon groupe », a commenté l’ancien numéro 68.

Et si les Alouettes l’invitaient à revenir dans l’organisation pour relancer une ligne offensive qui a peiné en 2016.

« Je ne dirai jamais, surtout dans ce milieu. Par contre, je dois dire que j’ai beaucoup de plaisir avec Ottawa. Je ne peux m’empêcher de me dire qu’on accueillera la Coupe Grey en 2017 et que ce serait merveilleux de la gagner dans notre ville », a conclu Chiu.