L'expert football Matthieu Proulx revient sur cinq éléments qui l'ont marqué lors de la dernière semaine dans le monde du football.

Une erreur de parcours

Évidemment, je me devais de revenir sur le match entre les Alouettes et les Argonauts de Toronto. Je pense qu’il ne faut pas trop chercher loin lorsque vient le temps de regarder le résultat, alors que le match a été catastrophique dans le clan montréalais. Tous les qualificatifs négatifs peuvent être utilisés pour décrire cette rencontre qui s’est soldée par une marque de 38-6 en faveur des Torontois.

Les trois unités ont connu des difficultés chez les Alouettes. L’attaque n’a absolument rien produit de positif. Elle n’a obtenu que neuf premiers jeux pour 138 verges, c’est tout simplement pathétique. En défense, ils ont été incapables d’arrêter ce que Marc Trestman et Ricky Ray ont présenté. Du côté des unités spéciales, c’était tout simplement nul, alors qu’elles ont même accordé un touché après un revirement.

Le plan est maintenant de faire un examen de conscience chez Jacques Chapdelaine et ses joueurs. Il est vrai de dire que certains vont vouloir mettre ce match derrière eux le plus tôt possible. Il y a dans ces situations des entraîneurs qui vont vouloir jeter la cassette de cette rencontre aux poubelles parce que le match ne présente pas ce que les joueurs sont capables de faire et ce que les entraîneurs recherchent de leur côté. Je pense par contre que chacun des entraîneurs va et doit regarder les vidéos malgré tout.

Mon approche en tant qu’entraîneur serait de regarder les vidéos, mais je ne présenterais que cinq ou six jeux aux joueurs afin de mettre de l’avant certains exemples de ce qui n’a pas fonctionné. Je pourrais montrer un plaqué raté, un ballon échappé, une erreur d’exécution dans le plan de match et dire que c’est impardonnable comme erreur. Je ne passerais pas beaucoup de temps là-dessus par contre, car il ne faut pas cultiver ce sentiment dans le vestiaire.

Les Alouettes doivent maintenant s’assurer de montrer dans les prochains matchs que cette rencontre à Toronto n’était pas le reflet de la réalité, mais plutôt une erreur de parcours.

Je ne veux pas leur chercher des excuses pour leur performance, mais il y a des matchs où on dirait que les étoiles ne sont pas alignées et rien ne va. La chaîne du bicycle a tout simplement débarqué. Toutes les équipes, même les bonnes, peuvent connaître des moments comme celui-là.

Il ne faut pas que le résultat affecte leur confiance et heureusement pour les Alouettes, ils jouent dès ce jeudi contre les Blue Bombers de Winnipeg. On espère que d’ici là, ils auront corrigé le tir.

Ricky Ray parmi les meilleurs

Il faut quand même donner du crédit aux Argonauts dans ce match, et surtout à Ricky Ray. On avait remarqué la semaine auparavant à Montréal alors qu’il n’était pas en uniforme, que les Argos avaient été limités à neuf points dont aucun touché. On savait que Toronto n’allait pas être la même équipe avec Ray dans la formation.

Il est devenu lors du dernier match le premier quart dans l’histoire de la LCF à enregistrer 100 passes de touché avec deux formations différentes. Il a récolté sa 100e avec Toronto et il en avait lancé 210 avec les Eskimos d’Edmonton auparavant.

Ray s’en va directement au Temple de la renommée à la fin de sa carrière. Ce n’est pas un bon quart-arrière, c’est un grand quart-arrière. Les bons quarts vont faire les jeux qui leur sont demandés, mais les grands quarts vont rendre leurs coéquipiers autour d’eux meilleurs. Lorsqu’on regarde ce qu’on accomplit les Tom Brady, Peyton Manning, Anthony Calvillo et Ricky Ray de ce monde, ils ont fait paraître des attaques que l’on pouvait qualifier à prime abord de moyennes, à de bonnes unités offensives.  

La ligne à l’attaque de Ray n’est pas la meilleure du circuit, mais il dégaine tellement rapidement qu’elle paraît bien. Il lance le ballon à son dépanneur lorsqu’il le faut, ce qui fait en sorte que les porteurs de ballon ont aussi l’air meilleur. Il place aussi le ballon à des endroits où il sait que ses receveurs ont une chance de compléter l’attrapé. On l’a bien vu avec S.J. Green, alors qu’il n’hésite pas à lui lancer le ballon en hauteur contre un demi défensif, car il sait qu’il peut aller le saisir. Je trouve également que c’est un quart qui lance l’un des plus beaux ballons en profondeur, et ce, dans l’histoire de la Ligue canadienne.

Ray est véritablement un quart de premier plan et même si les Alouettes ne se sont pas présentés, il faut souligner son brio. Il a donné une clinique à la défense montréalaise et un spectacle aux amateurs présents.

Les Bombers passent le test

Dans l’Ouest, les Blue Bombers sont finalement allés chercher une victoire légitime au cours de la dernière fin de semaine. Ils ont maintenant un dossier de 6-2, mais à 5-2, plusieurs se posaient des questions parce qu’ils avaient gagné contre les quatre équipes dans l’Est, dont une victoire in extremis contre les Alouettes, et contre les Roughriders de la Saskatchewan, la formation au dernier rang dans l’Ouest.

Certains se demandaient si les Bombers représentaient bel et bien une bonne formation et s’ils étaient une équipe de tête. Ils ont montré que oui, et de brillante façon, en ayant le dessus sur les Eskimos d’Edmonton 33-26. Ils infligeaient ainsi un premier revers à Edmonton cette saison. Winnipeg a tenu le coup dans un match serré où les joueurs n’ont pas eu le choix de sortir le meilleur d’eux-mêmes. Les Bombers n’ont pas la meilleure défense du circuit, alors qu’elle accorde beaucoup de points, mais ils réussissent à mettre de côté cette lacune avec les unités spéciales et leur unité offensive. Ils n’ont pas de grands receveurs, mais leur quart Matt Nichols distribue bien le ballon.

Cette victoire contre les Eskimos fait en sorte, à mon avis, qu’il faut maintenant les prendre au sérieux.

L'éclosion d'Andrew Harris

Toujours du côté de Winnipeg, je considère qu’Andrew Harris est le meilleur joueur canadien à travers la ligue en ce moment. Il a des gains de 495 verges au sol et de 459 par la passe depuis le début de la campagne. Lors du dernier match il a inscrit le doublé avec 105 verges par la course et 120 par la voie des airs. On n’a pas le choix d’ouvrir les yeux à son endroit.

Harris a entamé sa carrière avec les Lions de la Colombie-Britannique, où il a connu de bons moments, mais c’est véritablement au cours des deux dernières années avec Winnipeg qu’il a semblé prendre confiance en ses moyens. Il est plus fort physiquement, plus endurant et il est capable de mieux lire le jeu. Il est véritablement spectaculaire et à ce rythme, il pourrait atteindre le plateau mille-mille (1000 verges au sol et 1000 verges par la voie des airs) cette saison ce qui n’a jamais été accompli dans la Ligue canadienne. Ce serait extraordinaire que ce soit un Canadien qui réalise cet exploit.

Un grand receveur à la retraite

Comme dernier point, je veux glisser un mot sur le receveur Anquan Boldin qui a décidé de prendre sa retraite. Je sais qu’il a évolué au sud de la frontière, mais je voulais quand même souligner la carrière de ce receveur incroyable.

Il a pris sa décision à 36 ans après avoir signé une entente avec les Bills de Buffalo. Il s’agit sans doute de l’un des receveurs les plus physiques et qui complétait les gros jeux dans les moments opportuns. Boldin a évolué avec quatre formations (Cardinals, Ravens, 49ers et Lions) et ses chiffres sont impressionnants. Il est neuvième de tous les temps au chapitre des réceptions avec 1076, 14e avec 13 779 verges, mais ces statistiques ne lui rendent pas justice.

Malgré tout son excellent travail, il n’a jamais été considéré comme l’un des meilleurs receveurs de la NFL. Il évoluait souvent dans l’ombre d’un coéquipier, notamment avec les Cardinals alors qu’il y avait Larry Fitzgerald. Il a été un receveur flamboyant et toujours extrêmement efficace. Il l’avait d’ailleurs montré dès sa saison recrue en 2003 avec 101 réceptions. C’était un joueur qui se présentait à tous les entraînements et à tous les matchs. Les demis défensifs ne voulaient pas le plaquer alors qu’il était difficile à rabattre au sol. Il se levait dans les grands moments, comme ce fut le cas en 2012 alors qu’il a cumulé une moyenne de 95 verges par match en éliminatoires avec les Ravens et ils ont mis la main sur le Super Bowl.

Je veux terminer en disant que oui il était un bon joueur, mais surtout une grande personne. Il a remporté le prix Walter Payton en 2015, qui est remis à un joueur de la NFL pour sa contribution pour le sport et la société en raison de son implication. Boldin veut maintenant prendre de son temps afin de devenir un acteur de changement sur la scène internationale. Il est impliqué dans diverses causes et il a mentionné que sa passion pour les gens est devenue plus grande que celle pour le football et c’est ce qui a motivé son choix. C’est tout à fait noble comme décision, après une carrière de 14 saisons dans la NFL. 

Propos recueillis par Maxime Tousignant