Le constat est inévitable, la logique a été respectée à la Coupe Grey. On avait parlé de la transformation et la progression des Tiger-Cats durant la saison alors qu’on se souvient que l’équipe a subi beaucoup de changements autant chez les entraîneurs et les joueurs. Le nombre surprend, mais les Tiger-Cats ont utilisé pas moins de 88 joueurs durant la saison.

Cette formation a commencé l’année avec un dossier de 1-4 avant se relever avec 11 victoires en 15 matchs pour accéder au match de la Coupe Grey.

On savait aussi que Hamilton avait subi des revers de 37-0 et 32-20 contre la Saskatchewan, mais ces deux défaites étaient survenues parmi les quatre en début de campagne. On se demandait donc si la confrontation allait être plus serrée, mais quand on regardait cela froidement, c’était difficile de prédire une victoire des Tiger-Cats. 

J’en reviens donc au point que la logique a été respectée et si on additionne les résultats des trois parties, on arrive à une domination de 114 à 43 pour les Riders! Même si les Tiger-Cats ont amélioré leur rendement, ce ne fut pas perceptible dimanche soir. Force est d’admettre que les Tiger-Cats ne pouvaient pas demander pire affrontement que celui-ci surtout que la partie se déroulait sur le terrain des Roughriders dans un environnement hostile et très bruyant.

Même si les joueurs des Tiger-Cats avaient raison d’être confiants et de prétendre que la foule ne serait pas dérangeante, c’était clair que tu ne pouvais pas de rester de glace face à une telle ambiance. D’ailleurs, je ne me souviens pas d’avoir vu une atmosphère aussi survoltée dernièrement pour le match de championnat.

Malgré toute la bonne volonté des Tiger-Cats, les joueurs ressemblaient à des chevreuils qui figent sur l’autoroute aveuglés par les phares des automobiles. Ça semblait aller trop vite et être trop gros pour eux. À mon avis, c’est clair que l’ampleur de la situation a affecté cette équipe et ce n’est pas pour rien que nous avons remarqué certaines erreurs comme de mauvaises remises ou des passes échappées.

Ainsi, les visiteurs n’ont jamais été en mesure de prendre leur élan dans ce match ce qui a ouvert la porte aux Roughriders. Pour espérer l’emporter, il fallait absolument que les Tiger-Cats prennent les commandes de ce match afin de taire la foule ou la tenir plus calme sauf que le pire scénario est survenu alors que la Saskatchewan a pris le contrôle de la rencontre en première demie. Les erreurs de Hamilton ont eu un effet boule de neige alors que la foule s’est nourrie de cela et les Riders aussi.

Kory SheetsÉloge à Kory Sheets et aux entraîneurs

Bien sûr, j’ai été grandement impressionné par la performance du porteur de ballon Kory Sheets. On savait qu’il était la pièce maîtresse du plan de match des Riders et ce que j’apprécie toujours des joueurs d’impact, c’est qu’ils sont capables de s’illustrer quand l’adversaire met justement tous ses efforts à les freiner.

Le plan des Tiger-Cats était élaboré pour enlever Sheets de l’équation et j’ai toujours adoré les équipes qui gardent leur identité et qui sont capables d’imposer leur style de jeu même quand l’opposant se démène pour faire le contraire.

Voilà pourquoi je suis impressionné par le boulot qui est accompli par Sheets. Chaque fois qu’il saute sur le terrain, la première mission de l’autre équipe s’avère de le neutraliser. En dépit de cela, il a trouvé une façon d’établir une nouvelle marque de la Coupe Grey avec 197 verges.

Surtout comme ancien joueur de ligne, je raffole de cela puisque c’est la meilleure sensation possible. Tu restes patient et tu imposes ta volonté pour avoir le dessus. Inévitablement, tu as le sourire fendu jusqu’aux oreilles dans le caucus. C’est un vote de confiance de l’entraîneur et j’ai apprécié sa patience et celle de ses adjoints.

N'oublions pas que Sheets avait été limité à 20 verges sur six courses après un quart. Mais, sur les 14 suivantes, il en a récolté 177 pour une moyenne de 12,6 verges par portée. À un certain point, on devait se douter qu’il allait connaître un fort match et qu’il était sous une bonne étoile parce que sur le deuxième échappé de Darian Durant, le ballon est tombé dans ses mains et il a couru pour 38 verges. C’était peut-être un signe pour les Tiger-Cats que ça ne serait pas leur journée.

Il faut souligner le travail des Riders pour permettre à Sheets de connaître du succès. On a vu le centre-arrière Neal Hughes contribuer à cette production tout comme le receveur Chris Getzlaf qui a été nommé le joueur canadien par excellence de la partie pour ses passes captées et ses blocs aux extrémités de la ligne de mêlée pour permettre à Sheets de courir au centre.

Getzlaf revenait s’installer à la dernière seconde avec différents mouvements pour s’assurer de bloquer les joueurs au coin de la ligne qui voulait frapper le porteur de ballon dans le champ-arrière. Grâce au travail de Hughes et Getzlaf, les joueurs de la ligne offensive pouvaient effectuer des blocs en combinaison sur les plaqueurs et doubler les ressources au point d’attaque. Ça permet de percer la muraille défensive pour ensuite accéder au deuxième niveau et la ligne offensive a pu être physique au maximum de ses capacités.

En ce qui concerne Durant, il a été excellent et il ne faut pas oublier qu’il avait une fiche de 0-2 à la Coupe Grey ayant perdu ses deux duels contre les Alouettes de Montréal. Au total de ces deux défaites, il avait cumulé deux passes de touché contre trois interceptions.

C’était donc énorme pour lui de compléter 70% de ses passes avec trois passes de touché. Il a donc lancé de plus de passes de touché qu’à ses deux dernières présences à ce match et il a évité les interceptions. De plus, il a été très bon en situations de deuxième essai en plus de sept courses effectuées pour 26 verges à des moments opportuns. Il a aussi complété des gros jeux avec une passe de 38 verges, un touché de 42 verges, un touché de 26 verges, une passe de 30 verges…

Bref, tu ne pouvais pas demander mieux parce que le jeu par la course fonctionnait et le quart-arrière protégeait le ballon outre un échappé perdu sur trois donc il a été chanceux à ce chapitre. Corey ChamblinEn fin de compte, le dicton habituel que les joueurs vedettes doivent connaître de grandes performances dans les matchs de championnat demeure plus qu’approprié. Ça s’applique à tous les sports et c’est évident que Durant et Sheets ont éclipsé Henry Burris et C.J. Gable. Quand tes joueurs d’impact ne sont pas à la hauteur, c’est difficile de gagner un championnat.

Oui, ça demeure un travail d’équipe, mais les piliers des Riders ont fait un meilleur boulot que ceux des Tiger-Cats.

C’était intéressant comme match surtout quand on a senti au troisième quart que les Tiger-Cats s’accrochaient. Le pointage n’était que de 31 à 16 au début du quatrième quart alors Hamilton ne se retrouvait qu’à deux possessions de créer l’égalité.

Pour moi, le jeu du match demeure le premier jeu obtenu par Sheets sur un deuxième essai et 19 verges à franchir. Hamilton avait une occasion en or d’arrêter la Saskatchewan en les forçant à dégager pour reprendre le ballon vers le milieu du terrain. Si Hamilton avait pu enchaîner avec un touché, l’écart aurait fondu à huit points et les Riders, tout comme la foule, seraient devenus tendus.

Ça devait être super démoralisant parce que le pourcentage de réussite est minime dans de telles conditions. Mais ce n’est pas tout, les Riders ont dégagé par la suite et une punition de contact sur le botteur a permis de poursuivre la séquence offensive pour ajouter un touché.

C’est devenu le coup d’assommoir et ça prouve que de petits jeux peuvent tout changer même si c’était 31-6 à la mi-temps.

Parmi les aspects intéressants de ce championnat des Riders, c’est la façon d’y arriver. Cette organisation savait qu’elle serait le théâtre du match et elle tenait à être du spectacle. Les dirigeants ont procédé à beaucoup de changements et je dois leur dire bravo. Ils ont embauché une panoplie de joueurs autonomes et tu ne peux pas prévoir comment la chimie va opérer dans le vestiaire. 

Bien sûr, les dirigeants ont fait leur devoir pour trouver des personnalités adéquates, mais ce n’est pas évident. Je félicite donc le directeur général Brendan Taman pour ses trouvailles dont au niveau de la défense qui a été presque rebâtie au complet. Sa performance a été superbe car elle n’a même pas accordé 300 verges à Hamilton.

Je veux aussi vanter le travail de l’organisation qui a été proactive et qui a réussi à inclure tous les salaires dans la masse salariale. Ensuite, je dis bravo aux joueurs qui ont choisi cette équipe en pensant pouvoir bâtir quelque chose de spécial en Saskatchewan. Certains ont probablement accepté un peu moins d’argent pour que le portrait financier fonctionne étant donné que la masse salariale n’est pas mirobolante à 4,4 millions.

Ensuite, je dois féliciter l’entraîneur Corey Chamblin (photo plus haut) d’avoir pu cimenter tout cela. Il est parvenu à naviguer à travers des hauts et des bas cette saison en gérant bien les personnalités de ses joueurs. Les Riders ne disposaient pas de beaucoup de temps pour accomplir tout cela et ils ont réussi leur mission.

La belle représentation québécoise

Un autre aspect que je trouve vraiment intéressant, c’était la grande présence québécoise dans cette rencontre. J’ignore le nombre de Québécois qui évoluent dans la LCF en 2013, mais on retrouvait 10 Québécois – dont sept joueurs sur le terrain dont Dominic Picard avec les lunettes sur la photo - parmi les deux organisations présentes à la Coupe Grey.

RoughridersÇa me fait plaisir de voir cela car je dois mettre en perspective le fait que nous étions seulement deux Québécois dans la LCF quand j’ai commencé ma carrière en 1988! L’autre était Michel Bourgeau, un Montréalais qui avait joué son football universitaire à Boise State, qui évoluait avec les Roughriders d’Ottawa à l’époque.

C’était fascinant de voir une si belle représentation avec tout ce qui se passe dont la victoire du Rouge et Or à la Coupe Vanier et l’émergence du football québécois depuis quelques années. C’est fort intéressant à suivre comme dossier.

En conclusion, ce n’est pas parce que la Coupe Grey est chose du passé que les nouvelles vont se calmer dans la LCF. Au contraire, elles devraient être plus nombreuses que jamais avec les postes à combler dont parmi les entraîneurs.

Une période pour les échanges est en vigueur jusqu’au 9 décembre et on se dirigera ensuite vers le repêchage d’expansion pour Ottawa le 16 décembre.

Ce qui m’amène à dire que le parcours des Riders est encourageant pour toutes les autres équipes dans le sens qu’une transformation rapide est possible à condition de prendre les bonnes décisions. Je pense notamment à leur embauche du coordonnateur offensif George Cortez qui avait été congédié de son poste d’entraîneur-chef à Hamilton.

On peut dire que la route vers la coupe Grey 2014 débute cette semaine dont ce n'est pas parce qu'on appelle cela la saison morte qu'il faut rester là à ne rien faire!

*Propos recueillis par Éric Leblanc