MONTRÉAL - La Ligue canadienne de football garantit un minimum de représentation canadienne avec son quota de partants qui doivent être natifs du pays. Mais il y a bien longtemps qu'un quart-arrière partant canadien n'a pas soulevé la coupe Grey.

Le dernier est Russ Jackson, en 1969, qui avait mené les Rough Riders d'Ottawa vers une victoire de 29-11 aux dépens des Roughriders de la Saskatchewan à l'Autostade de Montréal. Jackson avait même été nommé joueur par excellence de cette finale. On décerne maintenant un honneur au joueur canadien par excellence pour souligner la contribution canadienne à cette rencontre.

Dimanche, les Blue Bombers de Winnipeg affronteront les Tiger-Cats de Hamilton lors de la 107e finale de la Coupe Grey. Aucune des deux équipes ne compte un quart canadien dans ses rangs.

Le développement des quarts canadiens revient périodiquement dans les conversations au sujet de la représentativité locale dans le circuit Ambrosie. Personne ne semble avoir trouvé la solution jusqu'ici, mais certains ont des idées qui mériteraient d'être explorées.

« Si j'avais mon mot à dire, le troisième quart de chaque club devrait obligatoirement être Canadien », affirme Danny Maciocia lors d'un entretien avec La Presse canadienne.

Celui qui dirige maintenant le programme de football de l'Université de Montréal avait même proposé aux autorités de la LCF d'emprunter cette direction lorsqu'il était le directeur général des Eskimos d'Edmonton, entre 2008 et 2010. Mais à quoi bon leur faire une place comme troisième quart? Après tout, à part tenir le ballon et y aller de quelques faufilades, ils ne jouent pas vraiment.

« Afin d'assurer leur développement, j'éliminerais les transformations d'un point et les quarts canadiens seraient obligés d'être sur le terrain - au poste de quart - pour la transformation de deux points. Non seulement cela leur assurerait plus de répétitions, mais ils participeraient à des jeux très importants à tous les matchs », a évoqué Maciocia.

« La seule façon de les développer est d'en avoir au sein des formations de la LCF, ajoute quant à lui l'ex-quart vedette Anthony Calvillo. Pas en tant que receveurs, mais au poste de quart. »

À première vue, il s'agit d'une solution presque sans faille. Mais en grattant un peu, on se rend compte qu'elle présente son lot de défis.

« La solution de Danny a ses mérites. La question que je me pose est: est-ce que nous serions en mesure de trouver neuf, bientôt 10, quarts de calibre? », questionne Jacques Dussault.

Dussault a tout fait dans le football, y compris occuper des postes d'entraîneur-chef au football universitaire et professionel, dans la Ligue mondiale avec la Machine de Montréal. Pour lui, ce qui accroche, c'est la compétition à laquelle font face les jeunes quarts canadiens.

« C'est assez facile à comprendre: les quarts canadiens qui jouent dans la ligue universitaire canadienne ne font pas face à une compétition qui est très forte. Je ne dis pas que le calibre n'est pas bon, mais comprenez-moi bien : quand Hugo Richard affrontait Bishop, McGill ou Concordia, ce n'était pas un très gros test.

« Aux États-Unis, la compétition est plus forte. Les gens ne réalisent pas que la marche entre la ligue universitaire canadienne et la Ligue canadienne est très haute. Je n'aime pas faire des comparaisons avec le hockey, mais c'est comme si un joueur tentait de passer du junior C à la Ligue nationale. »

Calvillo, maintenant entraîneur adjoint et entraîneur des quarts des Carabins, abonde dans le même sens.

« Quand je jouais, je me rappelle avoir eu des discussions avec des amis québécois dont leur fils était quart-arrière, que ce soit au secondaire ou à l'université. Ce que je leur disais tout le temps, c'était d'envoyer leurs enfants aux États-Unis, afin qu'ils soient exposés à la profondeur et au talent présents aux États-Unis », explique-t-il.

« Je trouvais que les quarts canadiens, quand ils arrivaient au camp, étaient sous le choc. Ils n'étaient pas habitués de voir ce type de compétition, la force des bras des autres quarts. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de talent ici. Mais aux États-Unis, partout où vous allez, il y en a à la tonne. »

« Il faut regarder la position aussi : celle de quart-arrière est la plus difficile tous sports confondus, poursuit Dussault. Il y a les qualités athlétiques, mais avant de t'en servir, il y a un processus mental. Quand tu arrives dans la LCF, tout va plus vite. C'est correct pour un demi défensif, un porteur de ballon, ou un joueur de ligne à l'attaque. Mais avant qu'un quart ne puisse faire face à cette vitesse-là, il doit être capable de lire les défensives devant lui. Ce qui est devant lui est aussi beaucoup plus complexe que ce qu'il est habitué de voir au niveau universitaire canadien. »

La solution est-elle donc de s'exiler?

« Il va falloir reconnaître à un moment donné que malgré leurs ressemblances, ils (le football canadien et américain) sont deux sports totalement, mais totalement, différents, fait remarquer Dussault. Alors ton quart qui va aller jouer quatre ou cinq ans dans une université américaine, quand il va revenir ici, la notion de 12e joueur, que les receveurs ont le droit d'être en mouvement et toutes les autres différences, il devra réapprendre tout ça. Trouver la solution n'est donc pas si simple.

« Regardez Jesse Palmer, qui est allé jouer aux États-Unis. Quand on a voulu le rapatrier au football canadien, ça n'a absolument pas fonctionné. Ça va finir par arriver à un moment donné. Il faudra un jeune fait sur mesure pour le football canadien, mais qui aura aussi joué dans une division qui est assez forte. »

En attendant, cela fera 50 ans dimanche qu'un quart d'ici n'aura pas mené une équipe de la Ligue canadienne au championnat.