Pour moi, le match de la Coupe Grey qui aura lieu dimanche représente une intrigue. On sait que les Stampeders de Calgary sont une bonne équipe, qu’ils ont eu la meilleure fiche en saison régulière (13-4-1) et on sait qu’ils ont gagné leurs deux matchs face aux Argonauts de Toronto au compte de 41-24 et 23-7. Il faut toutefois rappeler que ces deux matchs ont eu lieu au mois d’août.

On peut séparer la saison des Argonauts en deux : avant et après la fête du Travail (une fiche de 4-7 avant contre une fiche de 6-2 après). Les deux plus récentes défaites sont survenues par un total de seulement six points.

L’équipe que les Stampeders vont affronter dimanche (sur RDS, avant-match à 17 h), ce n’est plus du tout la même que celle du mois d’août et ça va donner un duel bien plus intéressant.

Ce qui fait que les Argos sont différents, c’est l’ajout de James Wilder. Ça fait plusieurs semaines qu’on parle lui, c’est un excellent porteur de ballon qui amène une dimension complètement différente. Ricky Ray a toujours un excellent jeu de passe, mais là on voit un certain équilibre avec le jeu au sol, on est un peu plus diversifié. Wilder est également un excellent receveur de passes et on l’a vu sur la dernière séquence du match contre les Roughriders, en troisième essai et cinq, quand il a capté une passe de 22 verges pour permettre aux Argos de continuer leur séquence et d’éventuellement marquer le touché pour la victoire. Il constitue aussi une intrigue : lors du mois d’août, il était dans un rôle secondaire, plus sur les unités spéciales. Dans les deux matchs contre Calgary, il a seulement couru cinq fois pour 26 verges avec deux attrapés pour 18 verges. On a tous hâte de voir comment Wilder va se comporter dimanche, si ça va être à nouveau un élément clé comme c’est le cas depuis qu’il est devenu le porteur partant. C’est lui qui a chambardé toute la dynamique offensive et ce n’est pas un hasard si les Argos ont beaucoup plus de succès depuis que c’est lui le partant.

Ce qui est encore plus le fun, c’est la confrontation à laquelle on assistera entre Wilder et le secondeur intérieur des Stamps Alex Singleton, qui a été nommé le joueur défensif par excellence de la LCF jeudi. Wilder est costaud et court beaucoup entre les deux bloqueurs, et justement, la tâche principale de Singleton est d’arrêter le jeu au sol entre les deux bloqueurs. Ça risque d’être assez spectaculaire.

Parlons de l’ancien des Alouettes de Montréal, Bear Woods, le secondeur intérieur des Argos. Il va devoir aussi faire un travail incroyable pour limiter les gains de Jerome Messam. C’est un gros porteur de ballon lui aussi. Les deux équipes ont de gros porteurs dynamiques et ça va être intéressant à voir.

Évidemment, quand tu penses à ces deux équipes, tu penses aux deux généraux, soit les quarts-arrières Ricky Ray et Bo Levi Mitchell. Ce sont deux quarts vedettes qui ont gagné la Coupe Grey et qui se trouvent parmi les meilleurs. Les deux défenses vont avoir sensiblement le même plan de match contre eux. J’ai toujours pensé que pour les quarts en général, mais encore plus pour les vedettes, il faut que tu sois capable de les déranger physiquement, c'est-à-dire de les rabattre au sol avant qu’ils ne décochent leur passe, les faire bouger pour ne pas qu’ils puissent s’installer et compléter leur geste de passe. C’est difficile de lancer en mouvement, surtout pour un gars comme Ray qui est un gars de pochette qui préfère rester derrière son centre. En le faisant bouger, il y a de bonnes chances que ce soit plus difficile pour lui de compléter sa passe.

Il faut se rappeler que Ricky Ray, n’a pas terminé le premier match contre les Stampeders. Il s’est fait aplatir sur un sac du quart et s’est fait mal à l’épaule, ce qui lui a fait manquer quelques matchs. C’est non négligeable. En plus, du côté de Calgary, on est fort à l’intérieur, on a des plaqueurs dominants. Pour un quart qui n’est pas mobile, c’est la pire des pressions, c’est celle qui rentre directement dans ta face et qui fait que tu peux difficilement s’échapper.

Les deux lignes défensives sont excellentes. Ce sont elles qui ont réalisé le plus de sacs du quart cette saison avec 50, à égalité au premier rang. Tout l’élément « protection du quart » va être crucial, et de l’autre côté, quelle ligne défensive sera capable de déranger le plus le quart adverse? Ça aussi ça va être vital et ça va faire toute la différence.

Rico Murray, Johnny Sears, Cassius Vaughn et Marcus BallCe sont tellement de bons quarts-arrières, particulièrement Ricky Ray qui a tellement d’expérience. C’est comme le nouveau Anthony Calvillo : il a 38 ans, il a tout vu et c’est donc rare qu’on puisse le surprendre. Les quarts de cette qualité, tu dois les déranger mentalement, il faut mélanger ses stratégies, il ne faut pas présenter la même chose deux fois car ils sont trop bons pour anticiper ce qui s’en vient et attaquer tes faiblesses.

Le défi est le même pour les deux défenses et l’équipe qui pourra le mieux faire aura une sérieuse option sur la victoire. À ce sujet, j’aurais tendance à donner un petit avantage à Bo Levi Mitchell, qui est un peu plus jeune, plus mobile. Ce n’est pas un quart qui aime courir, mais quand il a besoin de le faire, il est quand même mieux équipé que Ray pour éviter la pression.  

Une façon de protéger Ray, c’est qu’avec l’arrivée de Wilder, on a plus de jeu au sol donc on fait moins de passes et par le fait même ça protège le quart. Mais aussi, j’ai hâte de voir si Toronto va être capable de déployer son arsenal de passes pièges car on en a plusieurs et à toutes les positions. Cependant, la semaine passée, les Roughriders ont flairé toutes les passes pièges des Argonauts, la Saskatchewan était exceptionnelle. C’est un élément qui ferait bien de fonctionner pour les Argos afin d’enlever un peu de pression sur les quarts et afin de lancer le message à la ligne défensive adverse de faire attention : s’ils tentent d’attaquer le quart, ils pourraient sans le savoir se sortir du jeu car on va utiliser des passes pièges contre eux. J’ai hâte de voir le jeu d’échecs : si Toronto va être capable d’installer ses pièges car ils vont en avoir besoin, ou si Calgary va être capable de les limiter.

J’ai déjà dit que les deux organisations ont deux bonnes défenses, deux bonnes attaques, deux bons quarts, de bons porteurs et des joueurs vedettes. Mais il y a un facteur qui pour moi fait une grosse différence en faveur des Stamps et ce sont les unités spéciales. Notamment le retourneur Roy Finch, qui a été élu joueur par excellence sur les unités spéciales dans la LCF. Pensons aux verges gagnées sur les retours de botté de dégagement dans leurs deux affrontements : les Stamps ont gagné 273 verges de retour de botté de dégagement, comparativement à seulement 66 pour les Argos. C’est l’équivalent de deux terrains de football. Sur ces 273 verges, Finch a réussi un touché de 103 verges. Il a aussi marqué trois touchés durant la saison régulière. Du côté de Toronto, Martese Jackson est un gars qui peut être électrisant, mais on dirait qu’il n’a pas joué avec la même confiance en fin de saison. Il compte aussi trois touchés sur des retours de botté, mais il a échappé le ballon six fois. C’est le plus grand nombre d’échappés pour un joueur qui n’est pas un quart (un quart peut être victime d’un sac dans un angle mort et peut ainsi échapper le ballon). Marc Trestman commence à être un peu nerveux. En milieu de terrain, c’est lui qui va capter les bottés, mais si le retourneur des Argos est profondément dans sa zone, ça se peut que ce soit quelqu’un d’autre. On lui fait un peu moins confiance, on est un peu nerveux et on pense qu’il a de la misère à protéger le ballon. C’est donc une dynamique qui pourrait faire mal aux Argos.

Pour terminer sur les unités spéciales : cette année, les Stamps ont obtenu en moyenne 18 verges par retour sur les retours de botté de dégagement comparativement à 6,5 pour Toronto. Ça veut dire qu’à chaque échange de botté de dégagement, Calgary a eu 12 verges de moins à parcourir. Sur les retours de botté d’envoi, Calgary a une moyenne de 33 verges par retour contre 18 pour Toronto. Ça veut dire qu’à chaque échange de botté d’envoi, Calgary va chercher 15 verges de plus. C’est un gros avantage pour Calgary.

Finalement, Toronto est une de mes anciennes équipes. J’ai un petit parti prix pour eux, j’ai toujours apprécié le travail de Trestman, mais je vais prédire une victoire de Calgary, possiblement par la marque de 34-24 ou quelque chose comme ça. Avec ce que Ricky Ray a fait sur la dernière séquence contre les Riders, je dirais aux Stamps de ne pas jouer avec le feu, de se donner une bonne avance à la fin de la rencontre pour ne pas remettre le ballon à Ray et lui donner la chance de sortir le gros jeu. Il l’a déjà fait en Coupe Grey, comme face aux Alouettes en 2005 alors qu’il portait les couleurs des Eskimos pour gagner le match en prolongation.

Calgary a été plus testé cette année. L’an passé, ils sont arrivés à la Coupe Grey avec la « bedaine pleine » : meilleure fiche, pas beaucoup d’adversité, un peu trop confiants et arrogants. Ils pensaient que ça allait être facile contre Ottawa qui avait une fiche en bas de ,500. Ils l’ont avalé de travers. Le message cette fois, c’est de finir le travail. Je pense qu’on va arriver avec une attitude différente. Ils ont fait face à beaucoup d’adversité en fin de saison, on a eu beaucoup plus de blessures, on n’a pas dominé comme on l’a fait dans le passé. Beaucoup de médias à Calgary ont douté d’eux et on a même commencé à utiliser la carte du non-respect, en disant qu'on ne les respecte pas. C’est toujours une bonne vieille stratégie...

Ça se pourrait aussi que Toronto gagne, ce n’est pas un 4 de 7, ça dure seulement trois heures. Ce n’est pas toujours le favori qui gagne. On n’a qu’à remonter à 2012 : Toronto avait une fiche de 9-9 et ils ont battu les Stamps qui étaient à 12-6. On pourrait voir le même scénario. Et pour encourager Toronto, je pourrais dire que lors de la dernière Coupe Grey qui a été disputée à Ottawa, en 2004, ce sont les Argos qui ont gagné.

Tout ce qu’on espère, c’est un bon spectacle et un match qui sera chaudement disputé jusqu’à la fin.

Le meilleur des deux mondes

La Coupe Vanier entre le Rouge et Or de l'Université Laval et les Mustangs de l'Université Western revêt un cachet particulier cette année.

Je suis un gars de Québec, j’ai grandi juste en bas du PEPS. Laval, c’est dans ma cour. Malheureusement, dans mon temps le Rouge et Or n’existait pas. Glen Constantin est un de mes grands amis, ça fait des années qu’on se connaît. On jouait l’un contre l’autre au secondaire et au cégep, alors on est devenus de grands amis. Je suis un grand partisan de Constantin et un grand partisan du Rouge et Or.

En même temps, j’ai joué mon football universitaire avec les Mustangs de l’Université Western, leurs adversaires samedi. J’ai étudié dans les deux institutions.

Une puissance en attaque contre le Rouge et Or

C’est un peu comme si je ne pouvais pas perdre demain. Si le Rouge et Or gagne, je vais être content pour Glen, et s’il est pour perdre, aussi bien que ce soit contre Western, mon ancienne école. L’entraîneur de Western, Greg Marshall, m’a dirigé là-bas et j’y ai joué avec son frère Blake, avec qui j’ai aussi évolué à Edmonton. Je connais bien les Marshall et ce sont de bonnes personnes. Je suis content de voir ce qu’il fait avec le programme.

Mais au-delà de ça, je me rappelle que dans mon temps, le jeu au sol était important à Western. C’était une fierté et on sent que c’est revenu à l’avant-plan. On voit des matchs à coup de 300 ou 400 verges au sol. Par contre, historiquement, c’est dur de courir contre le Rouge et Or. Depuis que Constantin est avec le Rouge et Or, c’est un élément de fierté d’arrêter le jeu au sol et de rendre l’adversaire unidimensionnel. C’est dur de battre le Rouge et Or juste en faisant du jeu au sol. C’est la confrontation que j’ai le plus hâte de voir.

Avec tout ce qui se passe dans la LCF et la NFL, je regarde plutôt du coin de l’œil ce qui se passe sur le plan universitaire. Mais ce que j’ai aussi hâte de voir, et qui pourrait nuire à Western, c’est la façon dont l’équipe va réagir après avoir connu une saison parfaite. Ils n’ont pas connu beaucoup d’adversité, ça a été plutôt facile. Ils n’ont jamais perdu, ils n’ont pas livré de match chaudement disputé et ils n’ont pas connu de grands moments de pression. Personnellement, je n’aimerais pas que mon équipe arrive dans le match ultime sans savoir comment elle pourrait réagir quand ça risque de mal aller pour la première fois de l’année. Je ne veux pas dire qu’ils n’ont pas travaillé fort, ça a été facile parce qu’ils sont excellents, qu’ils ont du talent et qu’ils sont bien dirigés.

Le Rouge et Or, lui, a été testé. On n’a qu’à penser aux matchs contre les Carabins de Montréal. Ils ont passé près de perdre en éliminatoires contre eux, le Rouge et Or a eu chaud. Même à Calgary, ils tiraient de l’arrière 10-0 à un certain moment. Ils ont eu des moments d’adversité, il y avait un bon niveau de stress et ils ont bien réagi. Je trouve que dans ce cas, le Rouge et Or est mieux équipé pour vivre ce grand moment de football.

Bref, j’ai hâte de voir la bataille entre la défense du Rouge et Or et le jeu au sol de Western, mais aussi comment Western va réagir si ça ne se passe pas comme il le souhaiterait.