MONTRÉAL – C’était inévitable, puisqu’il a décidé de poursuivre sa carrière dans la Ligue canadienne de football alors que les portes de la NFL semblent fermées devant lui, Michael Sam a dû répondre à une multitude de questions par rapport à son orientation sexuelle ce qui a jeté de l’ombre sur son énorme potentiel d’athlète.

Tout comme Sam, Patrick Willis, Eric Berry et Patrick Peterson ont tous été élus en tant que joueur défensif par excellence dans la prestigieuse association SEC. La seule différence – et elle est de taille – demeure que ces joueurs sont parvenus à s’illustrer dans la NFL.

Sam, qui a reçu cet honneur conjointement avec C.J. Mosley en 2013, n’a pas connu le même succès quand il a tenté sa chance avec les Rams de St. Louis et les Cowboys de Dallas. Par la force des choses, il se retrouve maintenant lié aux Alouettes de Montréal où il essaiera de relancer sa carrière sportive.

L’athlète de 25 ans détiendra donc la chance de contredire ses dénigreurs qui ne croient pas qu’il peut s’établir dans la NFL avec un gabarit plus limité de six pieds deux pouces et 260 livres pour un ailier défensif.

Encouragé par ses performances intéressantes en matchs préparatoires avec les Rams, Sam demeure convaincu qu’il détient les outils nécessaires pour briller à cette position.

« Mon gabarit me convient pour être ailier défensif. Peu importe le circuit, je suis un ailier défensif », a mentionné Sam en réfutant la thèse selon laquelle son physique sera plus approprié au circuit canadien.

Après un bref parcours épié de près dans la NFL, Sam appartient donc aux Alouettes qui l’avaient repéré depuis fort longtemps. Toujours aussi à l’affût, le directeur général Jim Popp avait décelé la possibilité que Sam doive s’arrêter par le Canada pour convaincre les sceptiques du circuit Goodell.

« Je ne savais pas s’il allait venir un jour ici, mais on le suivait depuis quelques années. On veut toujours trouver d’excellents joueurs qui ne remplissent pas tous les éléments recherchés par la NFL. Ils ont le luxe de choisir ceux qu’ils veulent donc ça se décide parfois par des centimètres ou des fractions de seconde », a déclaré Popp qui a négocié graduellement avec le camp de l’ancien de l’Université Missouri.

Maintenant que l’athlète d’envergure est sous contrat pour deux saisons, Popp peut se frotter les mains et il entrevoit avec beaucoup d’optimisme le rendement de Sam qui sera en compétition avec les autres ailiers défensifs de l’organisation dont John Bowman, Gabriel Knapton, Aaron Lavarias et Brian Brikowski.

« Il y aura une saine rivalité, mais Michael a un petit quelque chose de plus par rapport à ses habiletés. Il détient cette faculté de pouvoir pencher les épaules et tourner le coin pour se rendre au quart-arrière. On ne peut pas apprendre ça à tous les joueurs, c’est un art », a vanté Popp avec les yeux brillants.

Du même souffle, Popp a insisté sur le fait que la patience sera nécessaire avec son nouveau protégé. 

« Il faudra être patient avec lui, ça pourrait prendre quelques semaines avant que ça clique », a ajouté Popp en faisant un lien avec Chad Johnson qui a peiné à s’ajuster aux départs en mouvement des receveurs.

Convaincu que ses performances sur le terrain témoignent de ses capacités, Sam ne croit pas qu’il doit encore prouver des choses. En fait, il vise haut, très haut dans son nouvel uniforme.

« J’ai des objectifs en tête et tous les joueurs devraient en avoir. J’espère être le meneur des sacs chez les Alouettes, je suis un compétiteur, je vais continuer d’agir ainsi. Je dois récolter des sacs pour aider l’équipe à gagner », a lancé Sam avec conviction.

Mais pour que ses souhaits se concrétisent, l’athlète affable devra assimiler les particularités du football canadien. Pour l’instant, il admet qu’on devra lui enseigner plusieurs subtilités sauf qu’il se dit convaincu que la verge de séparation sur les tranchées viendra le favoriser. 

« En tant qu’ailier défensif, je considère que c’est un avantage pour moi. On veut éviter les contacts idéalement pour se rendre au plaqué. Ça devrait me donner plus d’espace et m’aider », a avancé Sam.

Quant à la réalité des trois essais, Sam a tourné sa réponse avec humour. 

« Ça me donne seulement 2 chances pour faire des sacs donc je ne serai pas aussi longtemps sur le terrain si notre défense accomplit son boulot, mais c’est une bonne chose », a-t-il enchaîné.

Un tremplin vers la NFL

En ne connaissant pas Anthony Calvillo, Sam a trahi ses connaissances limitées de la LCF, mais il pouvait se fier sur deux exemples probants pour aborder son passage au Canada avec le sourire.

« Kendial Lawrence, un de mes anciens porteurs de ballon (à Missouri) joue dans la LCF (avec les Eskimos d’Edmonton). Il m’a appelé pour me dire que j’allais m’amuser et apprécier cette ligue. Il pense que je vais avoir du succès, mais je vais devoir travailler pour que ça se produise », a raconté Sam.

« Beaucoup de gens ont obtenu leur point de départ dans la LCF comme Warren Moon. C’est une bonne place pour avoir du succès, il a gagné la coupe Grey à quatre occasions », a poursuivi Sam qui a été corrigé avec le sourire par Popp puisque Moon a obtenu cinq championnats.

Durant sa conférence de presse, les journalistes ont demandé à quelques occasions à l’ailier défensif d’expliquer pourquoi il se retrouvait à Montréal au lieu de fouler le terrain à un camp de l’une des 32 formations de la NFL.

« Je ne peux pas répondre à cette question, mais je sais seulement que je suis ici et j’en suis excité », a rétorqué Sam qui pourrait convaincre une équipe américaine de lui donner une autre chance.

« Je me concentre sur Montréal et ce que je dois faire pour m’améliorer. Je vais utiliser ce que j’ai appris dans la NFL auprès des joueurs des Rams et des Cowboys pour progresser », a dit Sam.

À ce propos, Popp n’a jamais essayé de freiner les ardeurs de ses joueurs qui désiraient accéder à la NFL. Duron Carter constitue le dernier nom sur cette liste alors que Popp a publicisé ses exploits à ses homologues du circuit américain.

« Les Alouettes aimeraient le voir rester ici pendant 10-15 ans et devenir le meneur des sacs de l’organisation et de la LCF. Mais une carrière de football offre seulement quelques années pour être à son sommet et j’espère qu’il fera tellement bien qu’il aura une autre chance. Je dis ça à tous ceux qui rêvent de percer dans la NFL parce que leur succès aidera les Alouettes », a détaillé le DG.

« Je n'ai pas brisé de barrière »

« Un jour, on n’aura plus besoin d’en parler »

Pour le moment, la venue en sol montréalais du premier joueur de football actif à avoir déclaré son homosexualité constitue une nouvelle de taille. Popp n’est pas dérangé par cette situation et il voit l’avenir d’un bon œil.

« Croyez-moi, il y avait des joueurs de football gais bien avant Michael Sam et il y en a encore. Il a été assez brave pour le dévoiler et ça sera toujours associé à lui, mais il sera aussi reconnu éventuellement comme Michael, l’excellent ailier défensif », a prédit son nouveau patron.

Quant à ceux qui déplorent que ce sujet retienne la majorité de l’attention, Popp avait ce message à transmettre.

« Ça devait être une histoire parce qu’on la vit maintenant dans la LCF et au Canada. Mais il viendra un jour que nous n’aurons plus besoin d’en parler. Pour le moment, ce n’est pas fréquent dans le sport professionnel contrairement à d’autres milieux comme les arts dans lesquels on parle seulement des gens comme les meilleurs de leur profession et non par rapport à leur orientation », a-t-il comparé avec justesse.

Mark Tewksbury, l’ancien nageur olympique qui a aussi révélé son homosexualité, s’est dit déçu par le fait qu’aucun athlète de très haut niveau des quatre sports majeurs n’aient osé franchir ce pas.

« On sait que des athlètes sont gais dans d’autres sports et c’est correct pour tout le monde. C’est simplement que ce n’est pas encore arrivé au football. Michael sera une motivation et d’autres athlètes pourraient suivre son exemple », a souhaité Popp.

Sam le répète à tous ceux qui veulent l’entendre, il est content de représenter un exemple pour ceux qui passent par un chemin similaire au sien. Cela dit, présentement il rêve à un autre objectif.

« Il est un modèle pour les gens, il veut le faire et il aime l’être, mais il veut être un des boys dans l’équipe », a conclu Popp sur Sam qui pourra y parvenir pendant les prochaines semaines.

Point de presse de Michael Sam (1re partie)
Point de presse de Michael Sam (2e partie)
Point de presse de Michael Sam (3e partie)