Même dans un contexte de pandémie où les annulations et autres mauvaises nouvelles de toutes sortes affectent toutes les sphères de la société, il est difficile de ne pas se montrer déçu de l'annulation de la saison 2020 de la LCF.

Des nouvelles comme celle-ci, lorsque tu couvres les activités de la ligue, que tu y as joué par le passé, que tu t'en fais un fervant défendeur, ça ne peut faire autrement qu'être synonyme de déception.

Ce sentiment provient d'une part du fait qu'aucune entente n'est intervenue avec le gouvernement fédéral pour obtenir les fonds nécessaires afin de mettre les choses en place pour un calendrier écourté de six matchs. On parlait d'un prêt de 30 millions $ qui aurait pu faire avancer le projet, alors que le gouvernement en place a dépensé 350 milliards $ dans les derniers mois afin de venir en aide à certains secteurs et afin de stimuler la relance. J'ai peine à m'imaginer que cette dépense n'aurait pas été aussi rentable, sinon plus, que plusieurs des sommes allouées ici et là depuis que la COVID-19 s'est immiscée dans nos vies.

On aurait pu retrouver plus de 1000 emplois à travers le circuit... On parle aussi d'activités économiques importantes dans une ligue canadienne qui fait rêver les jeunes et prône de saines habitudes de vie. C'est bien dommage que le gouvernement canadien n'ait pas trouvé les ressources nécessaires pour sortir la LCF de ce marasme et permettre que sa saison 2020 soit rescapée.

Une fois obtenue la confirmation que l'aide gouvernementale n'allait pas être au rendez-vous, on était tous conscients qu'il s'agissait là du dernier clou dans le cercueil. La LCF ne pouvait pas opérer un calendrier sans la présence de partisans dans les estrades. On peut donc jeter le blâme où on veut; on peut critiquer les gouverneurs de la ligue et son commissaire Randy Ambrosie. Sauf qu'au final, le nerf de la guerre quant à la rentabilité du football canadien, c'est la vente de billets et les ventes associées aux concessions durant les matchs. En faisant une croix là-dessus, il n'y a pas de solution miracle. C'est triste, mais il faut désormais regarder vers l'avant.

Évidemment, on peut regarder la situation avec du recul et émettre des doutes sur la gestion des hauts dirigeants ces derniers mois. Est-ce que ce sont les bonnes personnes qui sont en place? Lorsqu'on a vu comment le dossier de la vente des Alouettes de Montréal a été mené en 2019, il y avait déjà là un indice assez fort d'un leadership déficient. Tout cela avait été géré sans grande conviction, et en apparence un peu à l'improviste par moments.

Une ligue plus unifiée aurait aidé

Je ne dis pas qu'avec un leadership plus fort, le gouvernement aurait automatiquement cédé et accordé les millions demandés. Mais je suis convaincu qu’on aurait pu faire un bien meilleur travail pour y arriver que ce qu’Ambrosie et ses gouverneurs nous ont montrés au cours des derniers mois. Peut-être aurait-t-on pu avoir une ligue plus unifiée.

Car il ne faut pas se bercer d'illusions : la LCF a manqué le bateau en communiquant aussi peu avec ses joueurs après le déclenchement de la crise. On s'est présenté devant un comité parlementaire sans avoir discuté avec tous les acteurs impliqués, en criant à l'enfant pauvre pour obtenir 150 M$. Cette somme, on ne semblait pas trop savoir où elle irait. Aucune chance qu'une telle demande ne soit bien accueillie. Et cela porte préjudice, puisqu'en arrivant avec un plan aussi mal défini, il est difficile d'être perçu comme étant crédible par la suite.

Bref, je pense qu'on a fait défaut de communication avec les joueurs et que le dossier a été mal piloté. Mais il demeure difficile de jeter le blâme uniquement sur les hautes instances en ne connaissant pas toutes les variables de l'équation. Sans être présent derrière les portes closes, on ne peut savoir ce qui a pu ou non avoir une incidence sur la manière dont la situation a été gérée. Je suis convaincu que les gouverneurs et le commissaire ont agi de bonne foi. Mais travaillaient-ils bien, et travaillaient-ils en coopération? Je ne crois pas. Un manque de transparence peut aussi être reproché aux hauts dirigeants. Ils ont joué à la cachette par rapport aux chiffres auprès de l'Association des joueurs et de leurs partenaires.

Les joueurs, les grands perdants

Pour les joueurs, c'est évidemment un désastre. Ce sont eux, les grands perdants de cette situation, eux qui depuis des mois se préparent pour une saison qui n'arrivera finalement jamais, un chèque de paie qui lui n'ont plus n'arrivera pas. Au minimum, les joueurs de la LCF n'auront pas eu de paie pendant un an et demi, soit du mois de novembre 2019 au mois de juin 2021. Certains avaient déjà commencé à se retourner de côté et à trouver un autre gagne-pain. Maintenant que l'annulation de la saison a été officialisée, c'est tout ce beau monde qui devra en faire autant après des mois à avoir été laissés dans le néant et l'incertitude. Pour d'autres, ce sera même potentiellement la fin de leur carière.

On parle de réinventer le modèle d'affaires, de repenser la manière de fonctionner de la LCF. C’est vrai qu’il faut se réinventer ainsi qu’augmenter et varier les sources de revenus. La ligue le sait, c’est pourquoi le commissaire Ambrosie a mis sur pied son initiative CFL 2.0. Ce projet, critiqué par plusieurs, vise à faire de la LCF une ligue plus mondiale en paraphant des ententes avec des ligues nationales étrangères. Au final, il pourra trouver toutes les initiatives qu’il veut mais à moins que les propriétaires décident d’injecter massivement de l’argent ou que le gouvernement vienne à la rescousse de la ligue, il faudra des partisans dans les estrades pour assurer sa survie. Tout comme plein d'autres secteurs économiques, comme les hôtels ou les aéroports notamment, c'est avec des clients qu'on atteint la rentabilité.

Et sans vouloir être trop cynique, si la pandémie de COVID-19 devait continuer de faire des ravages et limiter les grands rassemblements pour encore une autre année, je vois difficilement comment la LCF pourrait effectuer un retour en 2021.

* propos recueillis par Maxime Desroches