C'est vrai, j'avais prédit que la finale de la coupe Grey se terminerait par un écart de trois points à l'avantage des Alouettes, mais ça ne veut pas dire pour autant que j'ai eu le genre de match auquel je m'attendais dimanche soir à Edmonton.

En me basant sur le résultat des matchs entre les Alouettes et les Roughriders de la Saskatchewan en saison régulière (remporté 81-80 par Montréal au total des points), je croyais qu'on aurait droit à une partie beaucoup plus axée sur l'attaque. J'étais prêt pour un festival offensif, avec du jeu aérien à profusion et une pléthore de passes de touché.

Mais non! On a plutôt été témoin d'un style de jeu très conservateur. Comme si on avait devant nous deux boxeurs qui s'étudiaient et qui ne voulaient pas tenter le grand coup de peur de se faire pincer. D'un côté comme de l'autre, on ne voulait pas être la première équipe à commettre une erreur. Un exemple qui illustre bien cette réalité, c'est l'obstination des deux entraîneurs à opter pour de courts bottés de dégagements plutôt que des bottés de précision de 45 verges et plus. L'accent était surtout placé sur la bataille du positionnement sur le terrain, une stratégie qui, je dois l'avouer, m'a pris par surprise.

Le vieux dicton qui veut que la défensive gagne les championnats a donc pris tout son sens. Et sans surprise, celle des Alouettes a été excellente. Pour une deuxième semaine consécutive, elle a été en mesure d'enrayer la vedette de l'équipe adverse. Une semaine plus tôt, en finale de l'Est, c'est Cory Boyd et Chad Owens qui avaient été invisibles. En fin de semaine, on savait tous que c'était Darian Durant, Andy Fantuz et Weston Dressler qui étaient visés, et ces gars-là n'ont pas connu de grands matchs.

Je dis donc bravo à l'unité défensive des Alouettes! Parce que c'est une chose d'établir un plan de match, mais c'en est une autre de l'exécuter avec autant de brio.

Le demi de coin Billy Parker s'est démarqué du lot avec un gros match. De toute évidence, il était un joueur ciblé par les Roughriders et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a répondu à l'appel. Il a rabattu plusieurs passes, réussi des plaqués importants et a réalisé l'interception qui a permis aux siens de sceller l'issue de la rencontre.

Darian Durant : chassez le naturel...

Les lecteurs assidus de cette chronique savent que j'ai toujours comparé Darian Durant, le quart-arrière des Roughriders, à un agent double. Parfois il a l'air de Batman, d'autres fois du Joker. Tôt ou tard, on sait qu'il va faire l'erreur qui va peut-être coûter le match à son équipe.

C'est justement ce qui est survenu quand Durant a bêtement tenté de compléter une passe alors qu'il avait un joueur des Alouettes sur le dos et qu'il était presqu'au sol dans les dernières minutes du match. Sur un premier essai et 15, je regrette, mais tu ne commets pas une erreur comme ça. D'un côté, j'admire la détermination et l'effort de Durant, mais d'un autre, je me dis que les bons quarts-arrières n'agissent pas de cette façon. Pas dans un moment aussi crucial.

Comme l'année précédente, Durant aura commis sa seule erreur en deuxième demie. Les Alouettes ont été tenaces, patients. Ils se sont dit que ce n'était qu'une question de temps avant que Durant ne gaffe et ils ont été récompensés.

Le plus surprenant, ce n'est pas que Durant ait complété le match avec des gains de seulement 215 verges par la passe, mais bien qu'il n'en ait récolté que huit au sol! J'ai toujours comparé Durant à Henry Burris, des Stampeders, en ce sens que c'est quand il se sert de ses jambes tôt dans le match qu'il est le plus dangereux.

Dans le match le plus important de la saison, Durant a décidé de compter principalement sur son bras. Il y a des rumeurs qui circulent à l'effet qu'il traînait une blessure à un pied, mais je m'excuse, tu as six mois pour récupérer après le match de la coupe Grey. Tu dois donner tout ce que tu as à donner et laisser faire les excuses!

Une attaque équilibrée et méthodique

Du côté de l'attaque des Alouettes, on ne peut pas parler d'une performance spectaculaire, mais on peut certainement utiliser les adjectifs « efficace » et « méthodique ». Anthony Calvillo a été excellent. C'est vrai qu'il n'a pas lancé de passe de touché, mais il n'a commis aucune erreur et l'allure du match a simplement fait en sorte qu'Avon Cobourne transporte le ballon dans la zone des buts deux fois.

Je n'aurais jamais pensé dire ça, mais AC a amassé deux fois plus de verges au sol que Durant (16 contre 8)! Il a aussi complété une belle longue passe à Jamel Richardson en quittant sa zone de protection en fin de match. On peut donc dire que c'est Calvillo qui a fait les choses qu'on avait demandé à Durant. C'était le monde à l'envers!

Blague à part, l'attaque dirigée par Calvillo a fait du travail impeccable. Montréal a eu le ballon pendant 36 minutes et a cumulé des gains de 450 verges contre 298 pour les Riders. Elle a aussi été équilibrée, comme en témoignent les 116 verges amassées au sol.

Qu'est-ce qui fait la différence dans un match serré où les deux équipes prônent du jeu conservateur? Les unités spéciales, le positionnement sur le terrain et les revirements, mais aussi les longs jeux. J'en retiens trois, tous réalisés en deuxième demie.

1. Sur la première séquence du troisième quart, les Alouettes font face à un troisième essai, mais plutôt que de dégager, ils optent pour un jeu surprise avec Éric Deslauriers qui leur permet éventuellement d'aller chercher trois points pour créer l'égalité 11-11.

2. Tard au quatrième quart, Calvillo déborde à sa droite et complète une passe de 37 verges à Richardson. Le jeu plaçait les Alouettes à la porte des buts et permettait à Cobourne de marquer son deuxième touché du match. Les Als étaient alors en avance 21-11.

3. Sur l'avant-dernière séquence à l'attaque des Als, Calvillo trouve Kerry Carter qui transporte ensuite le ballon sur une distance de 34 verges. Duval a ensuite raté sa tentative de placement, mais au moins, ça a permis aux Alouettes de repousser les Riders profondément dans leur territoire.

Difficile à croire, mais Duval a fait pire que l'an passé

Il ne faut pas se le cacher : si Damon Duval n'avait pas été aussi mauvais, ce match-là n'aurait jamais été aussi serré. Quand on fait l'énumération de toutes les statistiques, on se demande comment le pointage final peut être seulement 21-18!

Duval a été atroce. Il a raté deux placements, effectué trois mauvais bottés de dégagement en plus d'un botté d'envoi illégal. Cette dernière bourde est certainement l'une des pires pénalités au football. Vraiment, Duval n'a pas aidé la cause de son équipe. On savait qu'il ne jouait pas avec énormément de confiance, mais je me disais qu'il ne pouvait certainement pas être pire que l'an passé. Mais oui, il a été pire!

On sait qu'au football, il y a trois facettes du jeu. Il y en a aussi trois dans le travail de Damon Duval et il a été mauvais dans les trois. Je ne veux pas être méchant, mais si les Riders avaient gagné, Duval aurait presque pu être nommé joueur du match.

Le vétéran botteur devient joueur autonome cet hiver et je ne suis vraiment pas certain qu'il sera de retour à Montréal. Il a été carrément mauvais lors des deux derniers matchs de la coupe Grey. Chaque fois, il a donné une chance à l'autre équipe de s'accrocher.

Les Alouettes vont avoir une décision à prendre dans son cas, c'est certain.

Dynastie? Attendons encore un peu...

Les joueurs des Alouettes n'avaient pas encore eu la chance de soulever la coupe qu'on se demandait déjà si on pouvait dire qu'ils faisaient partie d'une dynastie.

Personnellement, j'ai de la difficulté à utiliser ce mot pour parler des Alouettes présentement. Pour moi, une dynastie, c'est le Canadien de Montréal avec ses cinq coupes Stanley consécutives. Ce sont les Eskimos d'Edmonton avec leurs cinq coupes Grey de suite. Ce sont les 49ers de San Francisco ou les Steelers de Pittsburgh.

Dans le cas des Alouettes, on peut certainement parler de domination, mais pas encore de dynastie. Mais je l'avoue, leur victoire d'hier nous permet au moins d'ouvrir la porte à cette discussion.

C'est un sujet sensible parce qu'on sait qu'il n'y a que huit équipes dans la Ligue canadienne et certains diront que la coupe Grey n'est pas la plus difficile à gagner. Mais comme je le dis souvent, les Alouettes n'ont quand même pas à s'excuser pour évoluer dans une ligue à huit équipes.

Et en même temps, les Alouettes sont quand même la première équipe depuis les Argonauts de Toronto en 1996 et 1997 à la gagner deux années de suite. Alors on dit que c'est facile, mais ça n'arrive quand même pas si souvent...

*Propos recueillis par Nicolas Landry.