Une question était sur toutes les lèvres avant la rencontre des Alouettes contre les Eskimos d'Edmonton. Malmenée par les Roughriders de la Saskatchewan, la défensive montréalaise avait-t-elle eu le temps de régler ses problèmes à temps pour son deuxième match de la saison?

De retour au vestiaire sous les gradins du Stade du Commonwealth pour la mi-temps, les joueurs des Oiseaux étaient dans l'obligation de constater que le scénario qu'ils avaient vécu la semaine précédente à Regina était en train de se répéter. Contre les Riders, les Alouettes avaient donné onze jeux de plus de 20 verges. Eh bien, contre les Eskimos, ils ont concédé cinq jeux de plus de 30 verges. Et je ne compte pas toutes les pénalités d'obstruction qui ont donné des longs gains aux locaux...

Dès le départ, le plan de match des Eskimos était flagrant. On avait identifié des confrontations avantageuses et décidé d'attaquer les demis défensifs Billy Parker et Jerald Brown avec les rapides receveurs Fred Stamps et Kelly Campbell. Et le problème chez les Alouettes, c'est qu'on s'est entêté à faire trop de homme à homme. Je comprends qu'ils veulent garder une mentalité agressive et que la recette a largement contribué à leurs succès la saison dernière, mais il faut aussi savoir s'ajuster quand la situation le commande.

Les Alouettes étaient donc devenus trop prévisibles en défensive. Non seulement les Eskimos avaient trouvé une façon de créer des duels qui les avantageaient, mais ils étaient aussi capables de deviner comment la couverture en avant d'eux allait se déployer. C'est ce qu'on appelle être en business!

Ce n'est pas un hasard si les Eskimos envoyaient souvent leurs receveurs avec des tracés vers les coins du terrain. Ils s'attendaient peut-être à 99% à faire face à de la couverture homme à homme, alors ils choisissaient ces fameux tracés qui sont les armes idéales contre une telle défensive étant donné qu'ils éloignent les receveurs visés des maraudeurs. C'est simplement du football 101.

En plus de tout ça, comme ce fut le cas en Saskatchewan, les Alouettes ne réussissaient pas, pendant les trois premiers quarts, à mettre de la pression sur le quart adverse, que ce soit avec le minimum de quatre joueurs ou encore avec le blitz. Ricky Ray a donc pu prendre son erre d'aller et il avait tout son temps pour faire mal paraître les demis défensifs adverses, qui ne méritent certainement pas tout le blâme pour les problèmes rencontrés par les Alouettes.

Étanche quand ça compte

Mais si les Alouettes ont fini par remporter le match, vous vous doutez bien que la défensive n'a pas que des reproches à se faire adresser!

En regardant les statistiques, on voit que les Eskimos ont eu le ballon en leur possession pendant une douzaine de minutes de plus que les Alouettes et qu'ils ont gagné quelque 250 verges de plus que leurs rivaux en attaque. Mais il y a un chiffre qui retient mon attention plus que tous les autres : le chiffre 1. C'est le nombre de touché que les Alouettes, malgré tous leurs déboires, ont accordé.

C'est simple, c'est là que le match s'est gagné. Les Alouettes ont été intraitables lorsque les Eskimos ont réussi à pénétrer à l'intérieur de leur ligne de 20, ce qu'on appelle la fameuse zone payante. Les Eskimos ont été arrêtés deux fois à la ligne de 4 et une autre à la ligne de 5, ce qui a donné des placements de 11, 11 et 12 verges. Pour une attaque, c'est carrément honteux, une vraie farce.

Mais pour la défensive des Alouettes, ça veut dire beaucoup. Malgré tous les longs jeux accordés, malgré toutes les mauvaises pénalités, malgré le manque de pression sur Ricky Ray... quand elle était acculée au pied du mur, coincée à l'ombre de ses poteaux dans des situations coriaces, elle a sorti des gros jeux. Il ne faut pas l'oublier parce que c'est ça qui a fait la différence.

Trois placements, c'est neuf points. Trois touchés, c'est 21 points. Les Alouettes ont gagné par dix. Faites le calcul!

Et il y a évidemment eu la performance de la défensive au quatrième quart, au cours duquel elle a créé quatre revirements consécutifs. Le touché de Jerald Brown, un retour d'interception de 22 verges, a vraiment scié les jambes des Eskimos. C'est un autre aspect où les Alouettes ont eu le dessus : ils ont clairement mieux réagi face à l'adversité. La première fois que les choses se sont corsées pour les Eskimos, ils se sont écrasés.

J'ai aussi été impressionné par le travail inlassable de la ligne défensive des Alouettes, qui avait montré des signes de fatigue à la fin du match contre les Roughriders. Contre les Eskimos, grâce à une rotation effectuée dès le début du match, les forces étaient fraîches en fin de match - Anwar Stewart et John Bowman ont connu leurs meilleurs moments - et Ricky Ray en a eu plein les bras alors qu'il tentait d'empêcher son équipe de partir à la dérive. Il a décoché des passes alors qu'il se trouvait en mauvaise posture, avec comme résultat que quelques unes ont abouti dans les mains des joueurs des Alouettes.

Quelques brèves...

Étienne Boulay a converti l'une des mauvaises décisions de Ray en une interception, un très beau jeu qui a mené au touché de Kerry Watkins, qui a véritablement enterré les Eskimos.

J'ai aimé la performance d'Étienne, qui est arrivé en relève après la blessure subie par Matthieu Proulx. Le seul problème que j'ai avec le match qu'il a connu, et vous comprendrez que ce n'est aucunement un reproche que je lui fais, c'est qu'il a été le meneur de son équipe au chapitre des plaqués. En fait, pour un deuxième match de suite, c'est un maraudeur qui a été le meneur des Alouettes au niveau des plaqués. Évidemment, c'est bon pour les statistiques de Matthieu et Étienne, mais ce n'est pas une bonne nouvelle pour l'équipe, puisque ça signifie que le jeu se rend trop souvent dans les zones profondes.

***

Pour ajouter un petit mot sur l'attaque des Alouettes, je me pose une fois de plus la question. Est-ce qu'Avon Cobourne ne pourrait pas toucher au ballon un peu plus souvent?

Sur la première séquence à l'attaque du match, on a vu de nouveaux jeux au sol accompagnés de jeux de passe. L'attaque était équilibrée, mais on a soudainement oublié Cobourne et on l'a très peu revu.

Voici le message que j'aimerais envoyer à mes amis de la ligne à l'attaque. Vous savez que Marc Trestman aime lancer le ballon, alors arrangez-vous pour que la moyenne de verges par course de Cobourne augmente. En Saskatchewan, il a amassé 3,9 verges par course. À Edmonton, c'est monté à 4,2 verges par course, mais ce n'est pas encore suffisant. Ça prend un minimum de cinq verges par course. Alors quand tout le monde est dans le caucus et qu'un jeu au sol est sélectionné, les gars de la ligne doivent se regarder et se mettre d'accord sur l'urgence d'obtenir des résultats!

***

Il y a aussi l'énigme Damon Duval. Je comprends qu'il a battu des records l'an dernier et qu'on emmène jamais de compétition pour lui au camp d'entraînement... Mais j'aimerais qu'il en donne un peu plus à l'équipe.

Dimanche soir, il a commis un botté d'envoi illégal et a raté un botté de dégagement et un placement. Je sais que son travail n'est pas facile, mais je sais aussi qu'il est capable de faire mieux.

***

Je sais que la saison est encore très jeune, mais je me demande si la victoire des Alouettes ne serait pas un match qui pourrait définir leur saison. C'est le genre de situation qui fait souvent des petits. En tout cas, cette performance qu'ils ont offerte au quatrième quart, j'espère qu'ils seront capables de l'embouteiller et de la décapsuler avant chaque match.

Plusieurs personnes verront peut-être ce match d'un mauvais œil, prétextant que les Alouettes sont loin d'être à leur meilleur et qu'ils ont encore beaucoup de choses à améliorer. Mais moi, je préfère dire que les Alouettes ont démontré énormément de caractère. Ils ont été très bons face à l'adversité. Ce n'est pas une victoire jolie, j'en conviens, mais c'est quand même une victoire sur la route, dans un endroit où l'équipe n'avait pas connu beaucoup de succès au cours des dernières années. Il ne faut pas oublier ça.

D'ailleurs, après le match, c'est l'une des rares fois où j'ai vu Marc Trestman démontrer un peu d'émotions. Je crois qu'il était fier de ses gars, fier de les avoir vu revenir de l'arrière et de l'effort qu'ils ont démontré.

Je ne sais pas ce que Trestman va dire à ses joueurs pour les préparer pour le match contre les Lions de la Colombie-Britannique, mais... En Saskatchewan, les Alouettes ont connu une bonne première demie et une mauvaise deuxième demie. À Edmonton, ça a été l'inverse. À Vancouver, que diriez-vous messieurs de coller deux bonnes demies? Ce qu'on sait, c'est que les Alouettes sont présentement capables du meilleur comme du pire et qu'un peu de constance ne ferait pas de tort.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.