Nous croyez-vous maintenant quand on dit que Vancouver est une terre inhospitalière pour les Alouettes? Voilà neuf saisons que Montréal n'a pas battu les Lions à la maison. Le nombre de défaites consécutives au B.C. Place grimpe à dix en comptant le match de la coupe Grey de 2005.

Assez incroyable...

Vendredi, le premier quart a été assez difficile pour les deux équipes, qui revenaient de leur semaine de congé. Ça a pris un certain temps avant de voir de l'action d'un côté comme de l'autre et ce sont les deux botteurs qui ont volé la vedette en début de partie. Ce n'est jamais vraiment ça qu'on veut voir dans un match de football en général.

Un seul jeu ne fait jamais la différence dans une rencontre et on ne saura jamais l'impact qu'un scénario différent aurait pu avoir, mais je me peux m'empêcher de me demander ce qui serait arrivé si Kerry Watkins n'avait pas échappé le ballon sur le deuxième jeu du match en attaque. Et si les Alouettes avaient gardé le vent dans les voiles et avaient inscrit un touché dès le début de la rencontre? Peut-être que toute la dynamique du match aurait été différente...

Je sais, je sais, il n'y aurait peut-être eu que trois ou quatre minutes d'écoulées au cadran. Mais les Lions se présentés sur le terrain avec une fiche de 3-5, avec seulement une victoire à la maison et ils venaient de subir tout une raclée contre Winnipeg. N'allez pas me faire croire qu'ils regorgeaient de confiance en début de match. En encaissant un touché dans les premières minutes, qui sait s'ils n'auraient pas baissé la tête, si la foule n'auraient pas commencé à huer, etc.

En amorçant le match avec une longue passe d'Anthony Calvillo à Jamel Richardson, les Alouettes avaient la chance d'envoyer un message et de semer le doute dans la tête des Lions, mais ils ne l'ont pas fait. Comme je vous dis, on ne saura jamais, mais...

J'aimerais ouvrir une petite parenthèse concernant l'échappé de Watkins avant de passer à autre chose. Le joueur qui l'a plaqué et qui lui a soutiré le ballon, Anton McKenzie, venait de sortir des limites du terrain quand il est revenu de l'arrière pour surprendre le receveur des Alouettes. Pour être honnête, je n'étais pas trop certain de l'application du règlement en vigueur sur cette séquence et je ne le suis pas davantage aujourd'hui.

Quand les Alouettes jouent à Montréal, l'ancien arbitre Jacques Décarie vient nous voir sur la galerie de presse et nous demande toujours si on a des questions. Donc, dans la Ligue canadienne, un joueur qui sort en touche a-t-il le droit de revenir sur le terrain pour réaliser un plaqué? Je vais demander à Jacques la prochaine fois que je le verrai!

Parfois, la solution est trop évidente

Les choses se sont ensuite mises en marche, mais l'histoire du match, c'est que les Alouettes n'ont jamais réussi à contrôler la ligne d'engagement. Les statistiques de la première demie sont un peu gênantes pour Montréal : 13 verges au sol, trois sacs du quart accordés et aucun point inscrit par l'unité offensive. De l'autre côté, les Lions imposaient tranquillement leur rythme au sol avec Martell Mallett.

Ce n'est pas la première fois que j'utilise la phrase suivante et ce n'est malheureusement pas la première fois que je l'utilise après un match contre la Colombie-Britannique : vendredi soir, ce ne sont pas les Lions qui ont arrêté l'attaque au sol des Alouettes, mais bien les Alouettes qui ont eux-mêmes arrêté leur propre attaque au sol. Ce n'est pas compliqué, ils ne l'ont pas utilisée!

Je comprends Marc Trestman de vouloir faire le contraire de ce à quoi l'adversaire s'attend et il faut lui donner, la stratégie a fonctionné plus souvent qu'autrement. Mais il me semble que parfois, trop, c'est comme pas assez, comme on dit. Toutes les statistiques démontraient que les Lions étaient vulnérables contre le jeu au sol et on ne les a pas testés sérieusement avant la fin du troisième quart.

Il y a certaines questions qu'il faut se poser. Ce n'est pas normal que la plus longue course des Alouettes en première demie fut la faufilade du quart d'Adrian McPherson. Avon Cobourne a couru deux fois pour des gains de quatre verges! C'est un peu ordinaire quand on sait que les Lions avaient donné 393 verges au sol aux Blue Bombers de Winnipeg avant de tomber en vacances.

Cet entêtement de Trestman à privilégier le jeu aérien m'a rappelé les paroles de l'un de mes anciens entraîneurs, Bill Stewart. Aujourd'hui le pilote de l'Université West Virginia, Stewart était le responsable de la ligne à l'attaque des Alouettes en 1996 et il nous avait raconté une histoire qui nous avait bien fait rire. Il nous disait qu'un jour, pendant un match, un de ses joueurs était venu le voir sur les lignes de côté et lui avait dit « Écoute coach, c'est bien beau toutes ses stratégies, mais je crois qu'à trop vouloir tenter de déjouer l'adversaire, on est en train de se déjouer nous-mêmes! ».

C'est un peu ça aussi, le football. Parfois, quand tu penses trop et que tu cherches à tout prix à mélanger l'équipe adverse, tu oublies la base. C'est peut-être le péché que Trestman a commis contre les Lions.

Une statistique trompeuse

Chez les Oranges, Mallett, le vis-à-vis de Cobourne, a trouvé les brèches et a foncé tête première dedans pendant toute la soirée.

Mallett mérite lui-même une bonne main d'applaudissement. Il court fort, en puissance et a l'air très difficile à plaquer. La bonne nouvelle pour lui, c'est qu'il a été amené au sol pendant toute la soirée par des membres de la tertiaire des Alouettes. Ça, ça signifie que les joueurs de ligne défensive n'ont pas fait leur travail à la ligne d'engagement, que les secondeurs n'ont pas été protégés et qu'ils n'ont pas été en mesure de se débarrasser des blocs pour effectuer les plaqués.

Le porteur de ballon des Lions peut aussi remercier ses receveurs de passes, qui ont vraiment fait du bon boulot en réussissant de nombreux gros blocs. Mallett a constamment débordé à l'extérieur dans ses tracés, un itinéraire qui est inévitablement écourté si les receveurs de passes refusent de s'impliquer. Mais vendredi, ceux des Lions ont acheté le plan de match de façon admirable.

Et en plus de tout ça, ce qui n'a pas aidé l'unité défensive des Alouettes dans leur tentative de stopper le jeu au sol, c'est le fait que l'attaque n'a rien fait qui vaille et n'a pu permettre à l'équipe de se détacher au tableau indicateur. Depuis le début de la saison, les Alouettes n'accordaient en moyenne que 67 verges au sol par rencontre à leur adversaire. Vendredi, les Lions sont allés en chercher presque quatre fois plus! Mais je l'ai toujours dit, cette statistique était pour moi un peu fausse parce que depuis le début de la saison, l'attaque des Alouettes forçait l'adversaire à jouer du football de rattrapage et à délaisser son jeu au sol.

Contre les Lions, toutefois, ça n'a pas été le cas. Le match est demeuré serré du début à la fin, ce qui a permis aux locaux de demeurer patients et de ne rien forcer avec les longues passes. Ça fait toute une différence!

Les arbitres avaient la tête ailleurs

Difficile de passer sous silence la fin de match rocambolesque à laquelle nous avons eu droit et que je n'ai d'ailleurs toujours pas compris. J'imagine que la Ligue va envoyer un communiqué dans les prochains jours pour expliquer ce qui s'est passé...

Sur le premier jeu avorté, la faufilade du quart par McPherson, je peux comprendre. Les Lions ont tout simplement demandé un temps d'arrêt avant que le jeu ne débute. Mais sur le suivant, le touché de Cobourne, j'ai perdu le fil à quelque part. Il y avait un mouchoir de lancé au début du jeu, mais on n'a jamais su pourquoi. Et les officiels ont semblé vouloir dire que le cadran avait besoin d'être ajusté, mais n'ont jamais vraiment expliqué la situation et ont laissé tout le monde dans le noir.

Tout ce que je sais, c'est que ça n'a pas été une grosse soirée pour les arbitres, qui ont entre autres fait preuve d'un manque de constance flagrant au niveau des obstructions sur les receveurs de passes.

Joueurs canadiens recherchés

La bonne nouvelle, c'est que les Alouettes reverront les Lions dès la semaine prochaine à Montréal. Ce sera la chance de montrer que le match de vendredi n'était qu'une erreur de parcours.

La seule chose qui me chicote, c'est le nombre de soldats qui continuent de tomber au combat. Le pire, c'est que ce sont tous des joueurs canadiens et ça, ça pourrait devenir un méchant problème! C'est que des joueurs américains, on peut en trouver pour un dollar la douzaine. Il en pleut. Seulement aujourd'hui, samedi, il y en a plus de 700 qui se sont fait retrancher par les équipes de la NFL. Suffit de dénicher les meilleurs et de voir s'ils veulent venir jouer au Canada.

Mais des bons Canadiens, il n'y en a pas une tonne. Vendredi, on a perdu Paul Lambert et Éric Deslauriers. Déjà, sur le carreau, on retrouvait Matthieu Proulx et Josh Bourke. Tu ne peux pas te permettre de perdre autant de joueurs canadiens, surtout quand ce sont tes partants. Présentement, la profondeur des Alouettes est testée plus que jamais et ça, ce n'est jamais une bonne chose.

Tout le monde vous le dira. Dans la Ligue canadienne, ce sont les joueurs canadiens qui détiennent la clé du succès. La meilleure équipe est souvent celle qui compte sur les meilleurs joueurs d'ici, parce qu'en bout de ligne, les Américains s'équivalent à peu près tous.

Chez les Alouettes présentement, on s'enligne vers une hécatombe...

Matthews n'est plus seul

J'aimerais, en terminant, féliciter Wally Buono, un ancien Alouette et un entraîneur canadien, qui a signé la 231e victoire de sa carrière pour rejoindre Don Matthews au premier rang de tous les temps dans la LCF.

Ce que je trouve intéressant dans le cheminement de Buono, c'est qu'il a atteint ce plateau tout en ne dirigeant que deux équipes. De nos jours, il est rare de voir autant de stabilité. En comparaison, Matthews a dû diriger six équipes pour gagner autant de matchs.

Je n'ai jamais joué pour Buono et je ne le connais donc pas tant que ça, mais je sais deux choses à son sujet. C'est un gars qui n'a pas peur de prendre des décisions et il prend généralement les bonnes. Au fil des ans, il a toujours eu le tour de changer la dynamique de ses équipes en les rajeunissant. Ça ne lui a jamais fait peur, même si on l'a souvent critiqué pour ça. Et il a souvent eu raison, quand on regarde les résultats.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.