MONTRÉAL - Dans 24 heures, des dépisteurs de la NFL convergeront vers le PEPS de l’Université Laval à Québec pour venir épier l’ailier rapproché québécois Antony Auclair.

Il s’agira d’un moment déterminant dans le processus qui pourrait mener le Beauceron de 23 ans vers le circuit de football le plus prestigieux au monde.

Le porte-couleurs du Rouge et Or se prépare assidûment pour ce grand moment depuis qu’il a soulevé la coupe Vanier pour la deuxième fois de sa carrière à l’automne dernier. Il n’a d’ailleurs pris que quelques journées de congé depuis le 26 novembre.

Même après son passage à la Classique Shrine, où il s’est mesuré aux meilleurs espoirs du repêchage provenant de la NCAA, Auclair a repris le boulot trois jours après son retour au Québec, même s’il avait presque accompli un sans-faute en Floride devant la centaine de dépisteurs de la NFL.

Son travail pour devenir le joueur de football qu’il est aujourd’hui ne date pas d’hier. Auclair a mis tous les efforts nécessaires - et même plus - depuis plus d’une décennie. En fait, depuis la première fois qu’il a touché à un ballon ovale.

RDS.ca vous offre un retour en arrière pour vous faire connaître les débuts de la grande aventure de celui qui rêve de jouer dans la NFL depuis qu’il a découvert sa passion pour le football.

Les débuts dans le football civil

Julien Auclair avait toujours souhaité que son fils Antony lui fasse la grande demande. Puis, est venu ce moment tant attendu.

Antony Auclair« J’espérais qu’il joue au football, mais je ne lui en parlais pas. En sixième année, il m’a demandé s’il pouvait s’inscrire au football. Je lui ai dit : "vas-y fort mon gars". Et depuis ce temps... », a raconté le père de cinq enfants en laissant sa phrase en suspens puisqu’il sait très bien que l’avenir s’annonce rose pour son fils de six pieds six pouces.

Dès ses débuts au football, une seule position l’intéressait : celle de quart-arrière.

« Quand il est arrivé à la maison et qu’il a convaincu son père, dans mon dos évidemment, de jouer au football, tout de suite il a dit qu’il voulait être quart-arrière. On l’a toujours suivi là-dedans. Il a toujours fait les camps et les cliniques en fonction qu’il était quart », a relaté sa mère, Marie-Andrée Quirion, qui est vite devenue aussi accro au football que les hommes de la famille Auclair.

Antony Auclair a fait ses classes dans les équipes de la Polyvalente Saint-Georges avant d’atteindre le niveau juvénile à compter des 4e et 5e secondaires. Les Dragons évoluant dans le football civil, celui qui était alors un pivot qui se développait bien et qui connaissait une forte croissance physique a joué deux saisons dans le Midget AAA.

« Déjà, il avait le physique de l’emploi parce qu’il était très grand. Antony a toujours été dédié au football, a mentionné l’entraîneur-chef de l’équipe Midget AAA de la Beauce-Etchemin de l’époque, Yannick Lacroix. Durant la saison morte, on faisait des cliniques de quarts-arrière les samedis matins et il en redemandait toujours plus. Il en mangeait du football. Même au secondaire, il mettait déjà tout le temps requis. »

« Il était très assidu dans l’entraînement et il aimait ça. On voyait déjà en bas âge qu’il était concentré là-dessus », a ajouté Lacroix qui était lui-même un quart-arrière quand il était joueur.

À titre de recrue dans le Midget AAA, Auclair était censé jouer un rôle de réserviste, mais une fracture de la clavicule du partant Jean-Christophe Bourque-St-Hilaire, qui était le quart-arrière du Vert & Or de l’Université de Sherbrooke l’an dernier, à accélérer les choses.

« C’était une grosse année pour les Dragons en 2008. On était très fort, se remémorait Lacroix, qui a dirigé Auclair durant deux saisons. Antony est embarqué et ça n’a pas paru. Notre niveau de jeu était aussi bon. Il a fait de belles choses. Il était prêt à jouer, ce n’était qu’une question qu’il avait un vétéran devant lui. Sans cela, il aurait pu être partant avant. »

Shayne Gauthier a été le coéquipier d’Auclair avec les Dragons en 2008, cela bien avant que les deux étudiants-athlètes gagnent la Coupe Vanier ensemble avec le Rouge et Or en 2013. Au moment où ils se sont connus, Auclair a commencé à vivre sa transformation physique.

« Il était un peu timide. Il était assez grand, mais il était beaucoup moins lourd qu’en ce moment. Déjà en secondaire 4, je pense qu’il mesurait au-dessus de six pieds », a décrit le secondeur qui évolue maintenant avec les Blue Bombers de Winnipeg.

La saison 2008 des Dragons s’est conclue de la meilleure manière possible, soit avec la conquête du Ballon d’Argent, la suprématie du football civil.

« Il nous a menés au championnat. C’est en grande partie parce qu’il avait fait le travail quand il est embarqué, a reconnu Gauthier. On a pu constater que c’était quelqu’un avec du caractère et qu’il était prêt à performer quand le temps était venu. »

Le changement de position d’Auclair ne s’est pas orchestré à l’école secondaire, mais déjà Lacroix sentait que ce pouvait être une possibilité dans le futur.

« Je lui avais déjà dit dans les cliniques de quarts-arrière et dans les entraînements d’attraper le ballon. Parfois, un quart-arrière va prendre un autre joueur pour attraper ses ballons. Mais je lui disais de les attraper lui-même. Tu ne sais jamais un jour si tu peux te retrouver receveur », a indiqué Lacroix qui a lui-même vécu un changement de position puisqu’il était quart-arrière avant de se joindre à l’Université Mount Allison.

« Il ne comprenait pas vraiment ce que je voulais dire parce que parfois il s’appliquait moins pour attraper le ballon », a ajouté celui qui n’a pas été surpris quand Auclair est devenu ailier rapproché.

Après une saison 2009 plus difficile pour les Dragons, Auclair a fait le saut au collégial. Le pivot droitier a opté pour un changement de décor et c’est ainsi qu’il a mis le cap vers l’Estrie.

Une blessure qui a tout changé

À 17 ans, Antony Auclair a quitté le nid familial pour se diriger vers Lennoxville pour porter les couleurs des Cougars pendant ses trois saisons collégiales. Qui plus est, l’étudiant-athlète allait aussi faire son cégep en anglais, ce qui doit probablement lui donner un fier coup de main dans son processus actuel pour atteindre la NFL.

Antony AuclairAprès deux saisons comme quart-arrière avec les Cougars, un concours de circonstances a fait en sorte qu’un changement de position s’imposait pour Auclair. Ce dernier avait d’ailleurs participé à un essai à l’Université de Buffalo comme ailier rapproché parce qu’on voyait un potentiel certain étant donné ses qualités athlétiques et son physique.

« Il avait une blessure au bras qui l’empêchait de lancer, a raconté l’entraîneur-chef qui a dirigé Auclair lors de ses trois saisons au Collège Champlain-Lennoxville, Jean-François Joncas. La thérapeute à l’époque nous avait dit qu’il pouvait courir et faire d’autres trucs, mais il ne pouvait pas lancer de ballon pendant une certaine période. On voulait l’impliquer dans les entraînements pour qu’il bouge quand même. Il a commencé à s’entraîner comme receveur et il faisait super bien. »

Lorsqu’Auclair a pu recommencer à lancer des ballons, les entraîneurs des Cougars ont analysé la situation. Finalement, l’athlète de Notre-Dame-des-Pins n’a plus jamais évolué à la position de quart-arrière.

« L’autre jeune quart-arrière faisait super bien. On regardait pour le bien de l’équipe et on avait un quart qui jouait bien et un genre de monstre qui peut jouer comme receveur ou ailier rapproché. Comme groupe d’entraîneurs, on voyait les possibilités que ça pouvait donner à notre attaque », a expliqué Joncas qui est maintenant le coordonnateur offensif des Gryphons de l’Université Guelph.

Bien que les parents d’Antony l’aient toujours encouragé dans son parcours comme quart-arrière, ils avaient vu des signes précurseurs de ce changement de positon.

« Je sentais qu’il était stressé quand il était quart-arrière. Il pratiquait souvent comme receveur, l’été, avec ses chums. On voyait qu’il avait de bonnes mains. Je le laissais faire et je l’encourageais dans ce qu’il faisait. Il a fait son choix et ça donne le résultat qu’on voit aujourd’hui », s’est remémoré son père Julien Auclair.

« Quand est arrivé le changement de position, ç’a pris une certaine adaptation, s’est souvenue sa mère, Marie-Andrée Quirion. Les feux de la rampe sont sur les quarts-arrière. J’étais consciente qu’Antony ne voulait plus cela. Il n’était plus capable de supporter cette pression. Et en plus, il a subi sa blessure. »

Le potentiel était infini pour Antony Auclair comme receveur ou ailier rapproché. Décrit comme une éponge par sa mère, Joncas a vite fait de constater qu’Auclair mettait en application à la vitesse de l’éclair tout ce qu’on lui apprenait.

« On savait qu’on avait quelque chose de spécial entre les mains. On lui montrait des techniques pour bloquer et il était capable de les appliquer immédiatement. Physiquement, les choses qu’il faisait, c’était très impressionnant », a reconnu Joncas dont l’équipe a perdu en finale du Bol d’Or lors de la dernière saison collégiale d’Auclair.

« Il était vraiment destiné à jouer à cette position. Tant comme ailier rapproché que receveur, c’était une confrontation inégale contre les équipes adverses. On l’alignait contre de petits demis défensifs autant pour bloquer que pour recevoir des passes », a ajouté l’expérimenté entraîneur.

« Avec le recul, on se dit qu’on aurait pu l’utiliser encore plus qu’on ne l’a fait. [...] Plus la saison avançait, plus qu’il voyait son potentiel et les opportunités que cela pouvait lui apporter », avait-il observé chez celui qui n’a jamais regretté ce changement de position.

La suite des choses pour Auclair est bien connue. Il a été recruté par le Rouge et Or de l’Université Laval où son développement s’est poursuivi dans l’attaque de Justin Éthier. Mathieu Bertrand a pris sa retraite de joueur et est devenu l'entraîneur de position d’Antony. Il a grandement contribué à améliorer sa technique, notamment pour les blocs sur la course, un point que les équipes de la NFL recherchent chez un ailier rapproché.

En quatre saisons avec le Rouge et Or, Antony Auclair a remporté deux coupes Vanier en plus d’être nommé sur l’équipe d’étoiles du RSEQ à ses deux dernières années. Il a aussi eu le temps de compléter un baccalauréat en intervention sportive. Il quitte donc vers le monde professionnel avec des connaissances de football plein la tête, des muscles autour d’une charpente qui était déjà imposante et un diplôme en main.

Des entraîneurs fiers de leur protégé

Joncas et Lacroix ont influencé à leur manière le parcours d’Antony Auclair. Ils ont suivi le reste de sa carrière par la suite.

L’ancien pilote des Cougars a d’ailleurs eu la chance de revoir Auclair à quelques reprises lorsque son équipe affrontait des formations collégiales de la Vieille Capitale.

Quand les Cougars allaient jouer à Québec, Antony venait voir les matchs. Outre la maturité physique, Joncas a remarqué une assurance et une confiance qu’Auclair n’avait pas encore développées au niveau collégial.

« Je me souviens de lui, c’était un gars... je dirais un peu timide. Maintenant, il te regarde dans les yeux et il a pris de la maturité. Et ça paraît avec le rôle de leader qu’il avait cette saison avec le Rouge et Or. Il est rendu ailleurs. Il a évolué beaucoup », a décrit Joncas qui a sûrement reçu une poignée de main un peu plus ferme qu’à l’époque.

Lacroix a aussi revu Auclair au cours des dernières années et son ancien quart-arrière l’a remercié de l’avoir forcé à attraper ses ballons durant les entraînements.

« Il me l’a redit plus tard qu’il avait compris ce que je voulais lui dire », se souvient Lacroix.

Il note aussi que la plus grande qualité d’Auclair allait au-delà de son talent et de ses capacités physiques. « Sa plus grande force, c’était son désir de gagner », a-t-il fait remarquer en souhaitant bonne chance à celui qui se produira devant près d’une vingtaine d’équipes de la NFL à son Pro Day.

Joncas a aidé le parcours au football d’une multitude de jeunes étudiants-athlètes au cours de son long séjour à la barre des Cougars. En plus de l’un de ses anciens protégés qui frappe aux portes de la NFL, Joncas a également vu trois de ses joueurs atteindre la NCAA cette année.

« Comme entraîneur, on essaie de mettre les joueurs en position de succès », a-t-il humblement lancé.

Joncas, qui sera présent lundi au Pro Day d’Auclair, est vraiment fier du Beauceron.

« Tout ça, ça lui revient. Personne ne peut prendre le crédit de ça. C’est 100 % lui. Comme entraîneur, tu veux juste t’assurer de le mettre en meilleure position pour qu’il se rende au prochain niveau. De le voir sur le bord d’atteindre son rêve, je suis vraiment heureux pour lui », a-t-il exprimé.

Signe de reconnaissance d’Auclair, ce dernier a écrit à tous les entraîneurs qui l’ont dirigé depuis qu’il a mis les pieds sur un terrain de football. Il les a tous invités à être présents au PEPS pour sa grande journée et la plupart pourront y être bien que ce soit un lundi.

« On va pouvoir en profiter pour serrer la main de tous ces hommes qui ont participé à la formation d’Antony », a souligné sa mère qui est très reconnaissante, comme son fils, des connaissances transmises par ces entraîneurs qui ont aidé Antony à être le joueur qu’il est devenu.

Ces entraîneurs seront dans l’assistance, qui risque d’être grande pour observer le Beauceron à l’œuvre lundi. Ils auront tous une anecdote ou deux à raconter à propos de leur ancien protégé. Rares sont ceux qui auraient affirmé sans gêne qu’ils savaient qu’Antony aurait cette opportunité un jour. Mais ils avaient tous vu ce potentiel et ce désir au fond de celui qui n’a jamais ménagé les efforts à chaque niveau où il a joué.

*Toutes les entrevues pour l’écriture de cet article ont été réalisées par téléphone.