Vous rappelez-vous du match du Super Bowl XLII opposant les Patriots de la Nouvelle-Angleterre aux Giants de New York?

Dimanche, en finale d'association, Tom Brady a dû se remémorer bien malgré lui l'expérience souffrante vécue lors de cette journée de février 2008, puisqu'il n'avait plus jamais été secoué de la sorte en match éliminatoire... jusqu'à ce qu'il retrouve les Broncos de Denver sur son chemin!

C'était la première fois depuis la fameuse défaite encaissée après une saison parfaite que je voyais le général être dérangé, frappé, secoué (et autres qualificatifs du même acabit) avec une telle régularité.

Durant la saison, les Eagles de Philadelphie avaient été l'équipe qui avait frappé le no 12 des Pats le plus souvent dans un match (12 fois). Ce n'est pourtant rien comparativement aux 23 fois que les joueurs des Broncos ont réussi à le rabattre au sol dimanche.

Ce que j'ai trouvé fascinant, c'est de constater l'effet cumulatif de toute cette pression exercée sur Brady. Même s'il n'a été victime que de quatre sacs du quart – contre trois pour Peyton Manning – il ne faut pas s’y méprendre : la dynamique a néanmoins été bien différente pour les deux quarts-arrières. À preuve, le front défensif des Pats s’est rendu à Manning à trois reprises et il en a résulté trois sacs. Comme quoi il est impératif de ne pas se fier uniquement à la colonne des sacs du quart pour juger de la pression exercée.

Les Patriots ont camouflé les problèmes en protection contre la passe de leur ligne offensive pendant la majeure partie de la saison. Une multitude de combinaisons ont été tentées depuis le mois de septembre (37 selon mon compte), certaines voulues, d’autres rendues obligatoires en raison des blessures.

Mais au Mile High Stadium dimanche, cette importante lacune a été exposée comme jamais elle ne l’avait été auparavant. Les ingrédients y étaient pour que la situation devienne problématique : une ligne défensive terrorisante et rapide à souhait, ainsi qu’une foule bruyante, voire même survoltée. C’est vraiment de ce côté que les dirigeants devront concentrer leurs énergies afin de rectifier le tir au cours de l’entre-saison. Trop souvent, cette faiblesse est passée inaperçue du fait que Brady décoche ses passes en une nanoseconde dès qu’il le peut. Quand il a le ballon entre les mains, on dirait que ça lui chauffe et qu’il doit le lancer à tout prix.

Bien au fait de cette habitude de Brady, les Broncos ont décidé d’y mettre le paquet dans le déploiement de sa couverture dans la tertiaire. En couvrant étroitement les receveurs de passes des Pats – surtout Julian Edelman et Rob Gronkowski – la troupe de Gary Kubiak savait qu’elle allait forcer Brady à prendre quelques secondes supplémentaires afin de trouver sa deuxième ou sa troisième option. Dès lors, la ligne défensive disposerait de plus de temps pour se rendre à lui. Eh bien, c’est exactement ce qui s’est produit! On a assisté à une belle cohésion entre les différents paliers de la défense des Broncos.

Les Von Miller et DeMarcus Ware, eux, partaient comme des fusées et contournaient avec une grande facilité leurs bloqueurs. Et le fait qu’ils affrontaient une attaque unidimensionnelle jouait à leur avantage.

Comme la pression fonctionnait en déployant trois joueurs seulement (autre preuve de la domination complète de la ligne défensive de Denver), les Broncos ont eu le loisir d’inonder les zones courtes, où les cibles préférées de Brady font la plus grande partie de leurs dommages. Cette stratégie est payante contre des quarts moins mobiles comme Brady et Manning et à proscrire contre des quarts athlétiques comme Cam Newton et Russell Wilson.

Étonnamment, les Pats se sont très peu tournés vers la passe piège pour calmer le jeu et les ardeurs des ailiers défensifs adverses. J’avoue avoir été surpris de voir le demi offensif James White, un spécialiste du jeu aérien, si peu sollicité dans le plan de match.

Malgré tout, le vétéran de 38 ans s’est battu avec beaucoup de courage, au point où il était à une transformation de deux points réussie d’envoyer cette confrontation en période de prolongation. Cette combativité est tout à son honneur, mais il faut vraiment féliciter les Broncos, dont le plan de match était irréprochable.

Afin de mettre le tout en perspective, une statistique qui en dit gros : en 15 situations de troisième essai, les Patriots n’ont réussi seulement que deux fois à obtenir le premier jeu. Les revirements étaient aussi au rendez-vous, et nombreuses ont été les situations où les hommes de Bill Belichick ont été forcés à dégager alors qu’ils étaient profondément dans leur territoire.

Non seulement Brady a-t-il été secoué physiquement, il a aussi été ébranlé mentalement. À quelques reprises, il affrontait une pression à trois, et on le sentait néanmoins très nerveux. C’est comme s’il voyait de la pression qui n’était pas nécessairement envoyée. On a pu constater cette réaction sur le tout dernier jeu du match, sur la transformation ratée, alors qu’il a décoché une passe dans le trafic, à contre-courant, passe qui a été déviée et interceptée. Le pire, c’est que Gronkowski s’était libéré dans le fond de la zone des buts! À mon avis, ça ne fait aucun doute : c’est le résultat des 23 fois où il avait été frappé plus tôt dans le match…

Finalement, je félicite Peyton Manning, qui semble avoir fait la paix avec le rôle qu’il occupe désormais avec les Broncos. À ce point-ci de sa carrière, il comprend ce qu’il est devenu, c’est-à-dire un quart-arrière qui doit éviter les erreurs, faciliter le travail de la défensive et appuyer le jeu au sol. C’est drôle à dire pour l’un des meilleurs de tous les temps, mais c’est là où il en est rendu. Ça demande une bonne dose d’humilité.

Du côté des Broncos, on avait clairement identifié qu’avec une double feinte et du temps alloué à Manning, on pouvait créer une brèche dans la défense des Patriots. Pas une, mais deux fois, un changement de direction brusque de l’ailier rapproché Owen Daniels a fait mordre son couvreur Jamie Collins. Il semble évident qu’on avait remarqué sur les bandes vidéo que le secondeur était vulnérable en couverture homme à homme, et on en a tiré profit dimanche.

La grosse machine des Panthers

Ceux qui ne prenaient pas les Panthers de la Caroline au sérieux n’ont plus le choix que de réajuster le tir!

De marquer 80 points en deux semaines contre les Seahawks de Seattle et les Cardinals de l’Arizona, c’est plutôt exceptionnel.

Le dicton dans le sport professionnel veut que les joueurs importants effectuent les gros jeux lorsque ça compte. C’est assurément l’une des facettes qui aura fait la différence dans cette rencontre. Tandis que les Cam Newton et Luke Kuechly brillaient de tous leurs feux, Carson Palmer a été carrément mauvais, et Patrick Peterson a fait une gaffe monumentale en échappant le ballon sur un retour de botté de dégagement.

Je n’apprends rien à personne en affirmant qu’il est pratiquement impossible de demeurer compétitif dans un match en étant victime de sept revirements.

Très ordinaire la semaine précédente face aux Packers de Green Bay, Palmer a été une fois de plus complètement décontenancé. On croyait qu’une fois le premier match éliminatoire derrière lui, et compte tenu du statut de négligé des Cards, le vétéran arriverait en Caroline avec une attitude calme et posée, l'attitude d'un joueur qui n'a rien à perdre. On s’est plutôt aperçu que l’attaque des Panthers est tellement dominante qu’elle exerce une pression insoutenable sur l’offensive adverse. Conséquemment, on a senti que Palmer forçait le jeu même dans des situations qui ne l'exigaient pas.

Le jeu qui aura fait le plus mal aux visiteurs s’est produit peu avant la mi-temps lorsqu’il a été victime d’une interception dans la zone des buts. Peterson venait de réaliser un jeu qui aurait aisément pu faire basculer le rythme du côté des Cards en ramenant une interception sur près de 80 verges, jusqu’au 20 des Panthers. C’était à ce moment 24-7. Palmer a cependant tenté le tout pour le tout sur le jeu suivant, et sa passe en direction de John Brown a été habilement négociée par le demi de sûreté Kurt Coleman pour une interception.

Ce fut pour moi un point tournant car s’ils avaient inscrit un majeur, les Cards auraient resserré l’écart à 10 points avec plus de 30 minutes à écouler au cadran. Au lieu de cela, le ballon de l’Arizona s’est dégonflé et le moral des troupes, déjà fragile, en a pris pour son rhume.

Et comme si ce n’était pas suffisant pour anéantir les espoirs des Cards, les Panthers sont revenus en début de troisième quart avec une longue séquence offensive qui a grugé du temps au chronomètre, menant à un botté de placement. À 27-7 et sept minutes à jouer au troisième, on sentait déjà les visiteurs prêts à plier bagage.

Vous vous souviendrez que le dimanche précédent, les Panthers avaient laissé les Seahawks marquer 24 points sans réplique en deuxième mi-temps après une première demie explosive. C’est facile de voir que dans le vestiaire, Newton et sa bande se sont juré que cette situation ne se reproduirait pas. Les vétérans ont dû lancer haut et fort le message suivant : « Gardez la pédale bien enfoncée sur l’accélérateur! » Ça a paru dans l’intensité déployée malgré la confortable avance acquise durant les 30 premières minutes.

Comment passer sous silence le brio de Newton durant cette partie? Le jeune homme peut percer la muraille de l’adversaire de tellement de façons. Sur le jeu de 86 verges à l’intention de Corey Brown pour le touché, il a battu le blitz et repéré son receveur avec aisance.

On dit au sujet de l’attaque « wildcat » qu’elle est appelée à s’essouffler et à disparaître car elle n’est pas très menaçante s’il n’existe pas une menace de passe. Mais à bien y penser, Cam Newton, avec toute la diversité qu’il permet au personnel d’entraîneurs, c’est le wildcat par excellence!

Il a marqué un premier touché au sol sur une course en puissance au centre, puis un deuxième sur un balayage du quart-arrière. Ce sont des courses structurées, et non de l’improvisation, et c’est ce que je trouve fascinant.

Même si on se plaît à dire que l'attaque des Panthers est basée sur le jeu au sol (et ce n’est pas faux), elle reste néanmoins très explosive; elle se nourrit de gros jeux semaine après semaine. C’est ce qui rend si épeurante la grosse machine des Panthers!

* Propos recueillis par Maxime Desroches