Chaque dimanche de la saison régulière, suivez NFL REDZONE sur RDS Direct

Avant-match Chargers c. Dolphins

L’affrontement qui m’intéresse cette semaine est encore une fois un duel de jeunes quarts-arrières. Il oppose Justin Herbert et les Chargers de Los Angeles à Tua Tagovailoa et les Dolphins de Miami.

Mais avant d’en parler plus en profondeur, je souhaite revenir sur la discussion que j’ai eue avec mes collègues lundi dernier lors de l’émission Blitz. Il y a tellement de nouveaux et prometteurs jeunes quarts dans la NFL, alors nous avons délibéré afin de déterminer lequel d’entre eux on prendrait pour bâtir notre équipe. On a fait notre choix parmi les quarts de moins de 24 ans, et il y avait donc une liste intéressante qui comprend Josh Allen (Bills de Buffalo), Joe Burrow (Bengals de Cincinnati), Kyler Murray (Cardinals de l’Arizona), Lamar Jackson (Ravens de Baltimore), Herbert et Tua. On s’est amusé à les départager et je vous invite donc à écouter ce débat entre moi, Bruno Heppell et Didier Orméjuste. C’est le fun. Il n’y a pas vraiment de gagnant, tout le monde a son mot à dire. Personnellement j’aime beaucoup Josh Allen, mais il n’y a pas de mauvaise réponse là-dedans en ce sens qu’ils ont tous du talent.

Au-delà de tout ça, c’est déjà révélateur qu’on ait pu se poser cette question. Ça veut dire que l’avenir de la NFL est riche à cette position qui est tellement névralgique. Chaque année au repêchage, des équipes font beaucoup d’efforts pour trouver la perle rare, mais plus souvent qu’autrement, il y a des échecs parmi les sélections de première ronde. Ils sont rares les repêchages où tu frappes dans le mille, et pour l’instant du moins, avec le petit échantillon qu’on a depuis le début de la saison, on semble y être parvenu trois fois avec Burrow, Herbert et Tagovailoa. Sans vouloir partir en peur non plus, ça demeure intéressant, ça donne espoir.

Il faut remonter à 2004 pour recenser trois quarts de première ronde qui ont connu de belles carrières, soit Eli Manning, Philip Rivers et Ben Roethlisberger. Un quatrième s’est fait appeler au 22e rang par les Bills, soit J.P. Losman, mais celui-là n’a pas répondu aux attentes. Il y en a aussi eu un quatrième en 2020, soit Jordan Love, qui a été recruté au 26e rang par les Packers, ce qui avait créé une certaine controverse alors qu’Aaron Rodgers est encore bien aux commandes derrière le centre. Espérons que Rodgers ne soit pas encore prêt à prendre sa retraite, mais je souhaite tout de même que Love ne devienne pas le « Losman de 2020 » et qu’il tombe dans l’oubli lui aussi.

Il y a eu de bonnes cohortes en 2005 avec Aaron Rodgers et à la limite Alex Smith, puis en 2008 avec Matt Ryan et Joe Flacco, suivis en 2012 d’Andrew Luck et de Ryan Tannehill qui a débloqué depuis qu’il est avec les Titans. Ensuite, pensons à Jared Goff et Carson Wentz en 2016, même si certains partisans des Eagles sont peut-être mitigés par rapport à ce dernier. Viennent Patrick Mahomes et Deshaun Watson en 2017. En 2018, sur les cinq quarts repêchés, seuls Josh Allen et Lamar Jackson ont vraiment démontré du potentiel. Bref, c’est rare d’en voir trois qui réussissent lors d’un même encan.

L’une des années les plus atroces, c’était en 2011. Cam Newton avait été choisi au premier rang, mais après ça, Jake Locker (Titans), Blaine Gabbert (Jaguars) et Christian Ponder (Vikings) ne retiennent pas vraiment l’attention dans le top-12. En 2014, il y a eu Blake Bortles et Johnny Manziel avec Teddy Bridgewater qui n’est pas si mal, puis Jameis Winston (Buccaneers) et Marcus Mariota (Titans) en 2015. On s’aperçoit donc que ce n’est pas une science exacte.

Tout ça m’amène maintenant à parler de la confrontation Herbert-Tagovailoa.

On s’était déjà demandé si Herbert avait la possibilité d’être repêché avant Tua, ce qui ne fut pas le cas en fin de compte. Tua aura en tout cas un autre bon test dimanche. À son premier match face aux Rams, il avait davantage un rôle de figurant mais il était plus près d’être un acteur principal contre les Cardinals puisqu’on lui a demandé d’en faire plus et il a passé le test. Jusqu’à présent, son sang-froid et son calme m’impressionnent. Ça n’a pas l’air d’aller trop vite pour lui ou de peser sur lui, ce que son entraîneur a d’ailleurs souligné après le match.Tua Tagovailoa

Ce qui est important, c’est de voir comment tu réagis face à des situations un peu plus difficiles, face à la pression dans les moments cruciaux. Je me souviens du début de match face aux Cardinals, il a échappé le ballon, mais ça ne l’a pas affecté. Il est revenu en force, il a fait ce qu’il devait faire. Un des moments importants, ce fut sa fameuse séquence quand c’était 31-24 pour l’adversaire en fin de troisième quart et que les Dolphins ont pris le ballon à la ligne de 7 : il a orchestré une séquence de 10 jeux et 93 verges avec une passe de touché. Il a été 5 en 5 sur ses passes, il a couru, il est allé chercher de gros premiers jeux, il a évité de la pression. Il a fait de gros jeux quand ça comptait, il a livré la marchandise.

Plus ça va aller, plus ses rivaux vont avoir des bandes vidéo de lui à analyser pour observer ses tendances et essayer de le freiner. Pour l’instant, j’avoue que ce n’est pas trop compliqué en attaque chez les Dolphins, il y a beaucoup de petites passes, des passes piège et des dérobades du quart. Clairement quand il voit du un contre un sur les lignes de côté, il en profite, et il a fait ça tout le match face aux Cards avec Preston Williams, ainsi que sur la passe de touché à Mack Hollins. C’est-à-dire des lectures simples et de la précision dans ses passes. On ne lui demande pas de gagner à lui seul. C’est un plan de match intéressant pour lui, il n’y a pas trop de pression, la défense joue bien et les unités spéciales aussi. Tout ne repose pas sur lui.

Du côté d’Herbert, je dois admettre qu’il est drôlement impressionnant. D’autant plus quand on se remémore qu’il a su avec à peu près 1 minute d’avis qu’il était désigné partant lors de sa première sortie avec les Chargers. Il y a eu du cafouillage impliquant les médecins de l’équipe : Tyrod Taylor devait recevoir une injection parce qu’il avait mal aux côtes et finalement ç’a mal tourné, il ne se sentait pas bien.

Juste avant le botté d’envoi,  Herbert s’est donc fait avertir qu’il était le partant. Il a offert une grosse performance dès les premiers instants, et face aux Chiefs de Kansas City, rien de moins. Il a lancé pour 311 verges avec une passe de touché contre une interception, et il a inscrit un majeur au sol. Malheureusement les Chargers ont perdu en prolongation 23-20, mais quand même! Peut-être qu’il n’a pas eu le temps de trop réfléchir à l’ampleur du moment vu que tout s’est passé si vite et que ç’a joué en sa faveur. Comme s’il n’avait pas eu le temps de stresser, c’est son instinct qui a pris le dessus. Ça en dit long sur sa préparation mentale, surtout lors d’une année 2020 où il n’y a pas de match préparatoire et où il n’avait pas de répétitions comme partant à l’entraînement.

Arriver et performer de la sorte, c’est exceptionnel et spectaculaire. Il a montré qu’il avait un gros bras, de la mobilité, du cran, du sang-froid, et qu’il ne se laisse pas intimider par l’adversaire. Il a été en mesure de faire beaucoup de longs jeux de passe dans du football agressif. Jusqu’ici, il a cumulé 17 passes de touché en huit matchs. Baker Mayfield a établi un record en 2018 avec 28 passes de touché en une saison. Il reste donc à Herbert huit matchs pour en lancer 11 et égaler la marque, donc c’est bien parti dans son cas.

La seule chose qui est dommage avec les Chargers, qui ont une fiche de 2-6, c’est que malgré le fait qu’ils soient compétitifs, ils ne sont pas capables de finir le boulot et d’engranger les victoires. Ils présentent un ratio de -11 pour les points marqués et alloués. Ils trouvent le moyen de perdre soit à cause d’un revirement au mauvais moment, d’une décision trop conservatrice de l’entraîneur en fin de match, d’une mauvaise gestion du cadran, d’une défense inconstante ou autre, il y a toujours quelque chose qui fait que cette année, ils ne concrétisent pas les victoires.

En huit matchs, sept ont été décidés par un touché ou moins, et dans ces circonstances, ils ont une fiche de 1-6. Il faut simplement qu’ils arrêtent de se tirer dans le pied. Herbert n’a toutefois pas grand-chose à se reprocher. Outre ses 17 passes  de touché, il a seulement 5 interceptions. Il protège bien le ballon, il attaque les zones profondes, ce qui fait que l’attaque est dynamique. Ajoutez à ça 166 verges de gains au sol, il ajoute un élément de mobilité même s’il a un grand gabarit. Il a vraiment un beau potentiel à long terme.

En fin de semaine, le plus gros défi d’Herbert sera de déchiffrer la défense des Dolphins. C’est une des choses qui aide beaucoup Tua, car elle joue bien et elle provoque des revirements. Elle marque même des touchés défensifs. Il y en a eu deux en deux semaines et c’est chaque fois avec le même blitz. Alors j’ai hâte de voir, parce que la protection dans une attaque commence souvent par le quart-arrière. Le quart doit diriger la protection, il doit savoir s’il y a certains joueurs qui ne seront pas bloqués et dans ce cas, il doit savoir qu’il doit lancer le ballon rapidement. Tout commence donc par le quart, puis évidemment ça s’en va à la ligne à l’attaque, au porteur de ballon et ainsi de suite.

Les Dolphins utilisent une stratégie de blitz en surnombre, et dans les deux derniers matchs, ç’a fonctionné. Ç’a provoqué des revirements et des échappés qui ont été retournés pour un touché, ç’a provoqué une interception parce qu’à partir du même blitz, il y a parfois une pression à 6, ou bien à 7 ou à 4. Parfois il va y avoir un paquet de joueurs qui sont debout devant la ligne à l’attaque, mais on ne sait pas qui va bouger ou non. Donc à partir de ce blitz, les Dolphins utilisent toutes sortes de stratégies. Soit ils vont carrément blitzer et amener de la pression, soit ils vont donner l’illusion d’un blitz pour te faire réagir mal pendant qu’un de leurs gars recule, prêt à intercepter la petite passe que tu as lancée rapidement parce que tu ne croyais pas avoir assez de temps. C’est vraiment un gros jeu d’échecs. Ce n’est pas évident pour un jeune quart, j’ai hâte de voir comment Herbert va gérer ça. Mais la meilleure façon de gérer ça, c’est en cognant des coups de circuit tôt dans la partie pour montrer aux Dolphins que tu as la réponse, que tu es prêt à aller chercher un gros morceau de terrain en dépit de ce blitz.

Bref, l’affrontement Herbert-Tagovailoa est un bon exemple que l’avenir est prometteur dans la NFL à leur position, qu’ils amènent de l’espoir pour leur équipe respective mais aussi pour le spectacle dans la ligue.

* Propos recueillis par Audrey Roy