MONTRÉAL – Le choix facile aurait été de savourer une retraite paisible avec l’argent accumulé durant sa carrière de 10 saisons dans la NFL. Mais Israel Idonije rêvait de super-héros depuis son enfance et il a donc utilisé les pouvoirs qui lui ont été conférés pour accomplir plus, beaucoup plus.

Né au Nigéria, Idonije a émigré au Canada avec ses parents à l’âge de 4 ans. Peu intéressé par le football au départ, il s’est laissé convaincre par la suite. Mais la NFL semble sur une autre galaxie quand on joue au sein du réseau universitaire canadien au début des années 2000.

 

Puisant dans sa créativité, son plus grand atout, il s’est présenté par sa propre initiative au Combine (les tests physiques d’évaluation de la NFL) au lieu d’attendre une invitation qui ne serait pas venue.

 

L’élément déclencheur venait de se produire, l’univers de la NFL allait lui ouvrir ses portes et il n’a pas raté sa chance en s’établissant comme un joueur polyvalent pendant une décennie (neuf années avec les Bears et une avec les Lions).

 

Plusieurs athlètes n’auraient pas poussé l’audace plus loin et ils auraient investi tous leurs efforts dans leur carrière sportive. Loin de voir la vie ainsi, Idonije a profité du camp d’entraînement 2007 pour accoucher de l’idée qui allait changer sa vie.

 

Pendant que ses coéquipiers se la coulaient douce lors des rares moments de repos, Idonije a concocté la base de son premier livre de super-héros. Le concept s’est imposé naturellement : des histoires élaborées autour d’athlètes dotés de pouvoirs de super-héros les aidant à protéger l’humanité contre des ennemis et des auteurs sont venus l’aider à concrétiser le tout.La page couverture du livre The Protectors d'Israel Idonije

 

Ce projet a cheminé lentement, mais sûrement puisqu’il a poursuivi son parcours dans la NFL pendant sept autres années. Tout ça l’a mené à fonder l’entreprise Athlitacomics qui conçoit les séries The Protectors et DreamKidz Adventures ainsi que des produits dérivés. C’est sans oublier une compagnie de manufacture fondée en 2009 et sa fondation iF Charities qui vient en aide aux enfants de communautés dans le besoin à Chicago, à Winnipeg (où il a joué son football universitaire) et au Nigéria (son pays d’origine).

 

« C’est vraiment agréable de penser que, 11 ans plus tard, des jeunes lisent ces livres et s’amusent avec nos créations. Ça n’a pas été facile, mais ce fut bien amusant. Penser à une idée et la voir arriver à la vie, c’est merveilleux. Tout le monde devrait expérimenter ça peu importe la forme de création », a proposé Idonije avec une voix passionnée.  

 

Avec un tel cheminement, on finit par se dire qu’Idonije n’est pas qu’un athlète qui a trouvé un filon pour se démarquer dans le deuxième chapitre de sa vie.

 

« Je me vois plus comme un créateur qui aime développer des choses et qui a été chanceux de pouvoir jouer au football. J’apprécie développer une idée et la pousser aussi loin que possible. Le football aura été une bénédiction qui m’a aussi permis d’être impliqué dans plusieurs projets très intéressants », a évalué Idonije après une réflexion de quelques secondes. 

 

Même s’il est animé par un esprit de création, Idonije a appliqué une méthode très concrète de laquelle plusieurs athlètes pourraient s’inspirer.

 

« Mon approche était de prendre une journée par semaine pour me mettre dans la peau d’une personne qui ne joue pas au football. Je devais prétendre que je faisais autre chose dans la vie et développer des idées en ce sens. Je voulais figurer à quoi pouvait et à quoi pourrait ressembler ma vie hors du football éventuellement. C’est important de prendre du temps et de l’énergie, tôt dans sa vie, quand on est encore dans les belles années de notre carrière pour élaborer la suite », a révélé Idonije qui a reçu l’aide de mentors pour trouver des avenues attirantes et valables.

 

« Il y a plusieurs athlètes qui n’y songent que vers la fin. Pourtant, il ne faut pas tarder à découvrir ce qu’on aime, nos habiletés et les tâches qu’on a du plaisir à faire dans la vie. »

 

À l’occasion, Idonije reçoit donc des messages et des appels de sportifs, retraités ou non, en quête de conseils et il s’assure de conserver sa modestie.  

 

« Je suis loin d’être un gourou, je poursuis encore mon propre chemin. Si n’importe quelle partie de mon histoire peut être utile, je suis toujours prêt à en discuter pour parler de ce que j’ai appris, de mes erreurs et des leçons tirées », a-t-il précisé.

 

Aider la prochaine génération à nous surpasser

 

L’ancien joueur de ligne défensive campe toutefois son rôle le plus important auprès de la jeunesse. Encore une fois, il s’assure de ne pas pelleter des nuages avec eux, ils cherchent des solutions tangibles.Le livre I Love Football d'Israel Idonije

 

« On aide des jeunes à constater leurs habiletés et leurs aptitudes. C’est le point de départ pour accomplir quelque chose et on veut les aider à réaliser que ça prend un plan pour accomplir ses rêves dans la vie. On leur offre ensuite un coup de pouce avec des programmes comme iF Code qui initie 2000 jeunes de communautés dans le besoin à se familiariser avec la programmation de données informatiques. Il y aura des centaines de milliers d’emploi dans ce milieu et on peut transformer des vies en apprenant ces compétences à des jeunes qui sont intéressés par ce domaine », a relaté le sympathique colosse de six pieds six pouces qui a su s’ajuster à plus d’un poste sur la ligne défensive.

 

Son grand sourire, qui le caractérise depuis longtemps, ne le quitte pas souvent avec de tels projets. Mais lorsqu’on l’invite à mesurer son niveau de bonheur, il assure que le football le comblait aussi de joie.  

 

« Je dirais que je suis autant heureux. Le football a été un beau chapitre de ma vie et j’en transpose les leçons dans ma deuxième carrière. Dans la vie, il y a des batailles que tu gagnes et d’autres que tu perds. Il faut continuer de se préparer et bien aborder la prochaine opportunité », a comparé Idonije qui a été décoré de l’ordre du Manitoba.

 

La question ne peut pas l’empêcher de se revoir quand il était tout jeune en débarquant à Chicago, cette nouvelle cité qu’il devait apprivoiser.

 

« Ce fut un chemin fantastique, je me considère privilégié d’avoir été accepté dans la communauté du football à Chicago et maintenant dans celle des affaires et des œuvres philanthropiques. Je suis arrivé à Chicago à 21 ans et j’ai 37 maintenant », a tenu à mentionner Idonije.

 

C’est justement en raison de son âge qu’il ne s’arrête pas souvent pour repenser à son parcours inusité. Né en Afrique, élevé au Canada, devenu athlète pour les prestigieux Bears.

 

« Non, parce que je sens que je suis plongé dans mon cheminement. J’ai encore beaucoup trop de choses à accomplir », a réagi, en riant, l’athlète qui a vu le jour à Lagos, la plus grande ville du Nigeria.

 

Ça inclut de retourner sur ses terres natales au moins une fois par année depuis 2007.  

 

« On a adapté une école là-bas et on a aussi amené 600 paires de souliers à des jeunes qui n’avaient jamais porté de chaussures en plus de fournitures médicales », a expliqué l’humaniste.

 

Ses racines canadiennes en ont fait un analyste très attirant pour TSN. Idonije s’amuse donc à collaborer sur l’équipe de diffusion des matchs de la NFL de ce réseau tout en demeurant à l’affût de l’évolution de ce circuit.

 

Ses années dans la NFL revêtiront toujours un cachet spécial à ses yeux, mais on sent que c’est tout aussi vrai pour son passage avec les Bisons du Manitoba.Israel Idonije et Robert Griffin III

 

« C’est un honneur d’avoir été un peu un pionnier, un des rares Canadiens à percer la NFL en provenance d’une école canadienne. Quand j’ai quitté les Bisons, je voulais que d’autres gars du Manitoba puissent réussir la même chose. David (Onyemata) l’a fait et d’autres Canadiens font leur place dans la NFL », a lancé le joueur issu du réseau universitaire canadien avec la plus longue carrière dans la NFL.

« J’espère qu’ils vont battre tous mes records et pousser le tout à un autre niveau. C’est le but de la vie, placer la prochaine génération dans les conditions pour accomplir plus de choses que la nôtre », a déclaré Idonije qui fait définitivement sa part en ce sens.