On a encore une fois eu tout un spectacle au Super Bowl, remporté dimanche par les Eagles de Philadelphie 41-33 aux dépens des Patriots de la Nouvelle-Angleterre.

Je dis souvent que le football est un des sports où les entraîneurs ont le plus d’impact sur le résultat final parce qu’il faut établir un plan de match, sélectionner des jeux et faire des ajustements. Les joueurs ne font qu’exécuter toutes ces stratégies, les appliquer sur le terrain.

ContentId(3.1262752):Super Bowl : Eagles 41 - Patriots 33
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Je dois donc lever mon chapeau aux Eagles parce que dimanche, au niveau des stratégies, ils ont été spectaculaires. C’était de toute beauté surtout en attaque. L’entraîneur-chef Doug Pederson m’a drôlement impressionné à ce chapitre. C’est intéressant parce que durant la semaine, il a dit : « je ne veux pas que mes joueurs pensent au fait qu’on affronte les Pats, notre stratégie est que notre adversaire est sans visage. Je ne veux pas que mes gars se disent que ce ne sera pas facile contre Tom Brady et cie ».

Pederson a été en mesure de bien préparer son équipe. Depuis le début des éliminatoires, il était très agressif dans ses sélections de jeu et très agressif dans ses décisions de gestion de match, et il a gardé le cap. Pour moi c’était la clé. Pensons à la fin de la première demie, lorsqu’ils ont tenté un jeu truqué en quatrième essai et 1 qui a provoqué le touché de Nick Foles. Si tu manques ton coup, tu manques une occasion de rajouter des points en fin de demie et on ne sait pas ce que ça aurait pu donner ensuite. Puis au quatrième quart, en quatrième essai et 2 à la ligne de 45, s’ils avaient raté leur coup, les Pats étaient déjà bien positionnés pour ajouter des points alors qu’ils venaient de prendre les devants. Évidemment, dans ce cas en particulier, ils n’avaient presque pas le choix d’être agressifs car la défense n’était pas capable d’arrêter Brady, donc Pederson devait garder son équipe sur le terrain et continuer avec le ballon. Ils ont bien fait, parce que ç'a mené au touché de Zach Ertz.

Par ailleurs, on disait que défensivement, les Pats plient mais ne cassent pas, et que quand l’adversaire entre dans la zone payante, c'est là que la défense est à son meilleur. Eh bien le touché d’Alshon Jeffery, le premier du match, a été initié à 34 verges des buts. On est allé agressivement, n'attendant pas d’entrer en zone payante pour attaquer la zone des buts. C’est une stratégie qu’on voit de temps en temps au football et ça surprend l’adversaire.

Le cran de Nick Foles!

Si tu arrives au Super Bowl avec ton quart-arrière réserviste en Nick Foles et que ça donne 44 passes et 27 courses, tu n’as pas le choix vu l’allure du match de continuer de faire confiance à ton quart et de lancer peut-être plus de passes que prévu. Dans les précédents matchs éliminatoires, le ratio était pas mal 50/50.

Pederson m’a impressionné : il ne s’est jamais laissé intimider par Bill Belichick et il n’a jamais laissé son équipe se faire intimider par l’aura des Pats. Souvent, les Pats ont tellement une puissante aura grâce à leur côté mythique que l’adversaire est déjà battu dès la période d’échauffement en voyant la troupe de Brady devant lui. Ça n’a pas été le cas du tout en fin de semaine.

Des décisions douteuses de Belichick

Pour être franc, Pederson a outcoaché Bill Belichick et Matt Patricia.

La défense des Pats n’avait aucune réponse à l’attaque des Eagles. On n’a pas mis de pression sur Foles, elle était inexistante. Malgré le fait qu’ils n’ont pas beaucoup de talent dans le front défensif, c’est un front défensif qui joue bien parce qu’il est bien dirigé et qu’il a beaucoup de stratégies, mais ça n’a pas fonctionné cette fois. La ligne à l’attaque des Eagles a complètement menotté leur front défensif. Foles faisait ce qu’il voulait dans sa pochette. Quand les Pats faisaient de la défensive de zone, Foles avait tout le temps voulu pour découper tout ça, et quand les Pats faisaient une couverture homme à homme, c’est là que Belichick a fait de drôles de choix, en opposant notamment Eric Rowe à Alshon Jeffery. Les Eagles avaient sûrement de la misère à contenir leur joie en voyant ça, en plus de l’absence de Malcolm Butler.

ContentId(3.1262821):Super Bowl : Nick Foles relève le défi (Eagles)
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Les Eagles ont gagné toutes leurs confrontations. On parle souvent du fait que les Pats sont forts pour faire des ajustements, mais le seul que j’ai vu est survenu en deuxième demie quand on a mis Stephon Gilmore sur le cas de Jeffery alors que les Pats se faisaient traverser. Comme par hasard, Jeffery a disparu de l’équation. Au préalable, je voyais Gilmore s’occuper de Jeffery, Rowe sur Torrey Smith et Butler sur Nelson Agholor parce que je me disais que c’est peut-être le plus rapide des demis défensifs. Je comprends que les Pats voulaient jouer à la façon « Big Nickel » avec plus de maraudeurs (trois) parce qu’on avait tellement peur des situations où les Eagles ont à la fois le choix de courir ou de passer, donc on voulait avoir un peu le meilleur des deux mondes en étant capables de surveiller les receveurs tout autant que le jeu au sol. Est-ce pour ça qu’on a mis trois maraudeurs avec deux demis de coin par opposition à deux maraudeurs et trois demis de coin, parce que les demis de coin sont techniquement moins physiques et moins gros? Chaque fois qu’ils étaient en situation d'homme à homme, les Pats se sont fait manger tout cru, que ce soit un porteur de ballon contre un secondeur comme lors du touché de Corey Clement ou bien un porteur contre un maraudeur. Chaque fois les Eagles étaient capables d’attaquer où ils voulaient. Le problème pour les Pats, c’est qu’en situation de troisième et court, l’adversaire n’a pas le choix de faire du homme à homme, donc les Eagles savaient que ça allait être un pique-nique, on n’avait qu’à choisir nos stratégies favorites et attaquer les confrontations les plus avantageuses. La sélection de jeux était exceptionnelle de ce côté-là, mais souvent parce qu’on avait des troisièmes et court.

Enfin, Belichick a fait ses classes comme entraîneur sur les unités spéciales, ç’a toujours été super important pour lui, mais c’est une autre place où les Pats ont perdu : bottés ratés, convertis ratés, cafouillage à la fin quand les Eagles ont marqué des points et que les Pats avaient encore la chance de prendre le ballon pour la dernière minute mais qu’ils ont essayé de faire un jeu inversé sur un retour de botté d’envoi pour finalement se faire plaquer à l'intérieur du 10. C’est là que tu vas chercher le pouls de ton équipe et ton intensité avec les unités spéciales, et les Pats gagnent habituellement à ce chapitre.

Quand on y pense, ç’a été un dur match pour Belichick. Ses unités n’ont pas bien paru, il a été outcoaché, il a pris de drôles de décisions…

L’absence inexpliquée de Butler

Belichick et Patricia se sont donc fait outcoacher, mais ils se sont aussi outcoaché eux-mêmes.

On verra bien dans les prochains jours ce qu’ils diront au sujet de l’affaire Butler, j’ai de la misère à les croire quand ils disent que c’était la meilleure décision sur le plan stratégique. Cette saison, Butler a été impliqué dans 98 % des jeux défensifs (l’équivalent d’environ 1000 jeux) et il a été partant dans 17 des 18 matchs. Il a aidé les Pats à gagner le Super Bowl face aux Seahawks puis face aux Falcons l’an passé. Il avait peut-être moins bien joué dans les derniers matchs, mais quand même... Je ne sais pas s’il a enfreint un règlement, mais j’ai de la misère à y croire. Dans un tel cas, on a déjà vu un joueur rester à l’écart pendant le premier quart ou la première demie avant de revenir, sauf que là, la tertiaire des Pats se faisaient découper, on avait besoin de lui. Ce n’est pas comme si le plan de match fonctionnait. J’ai de la misère à m’expliquer pourquoi on s’est entêté à ne pas le faire jouer. Butler avait l’air détruit.

Foles célèbre à Disney World

Belichick n’a pas bien servi son équipe, c’est comme s’il avait été trop arrogant. Cela dit, je veux faire attention, car qui suis-je pour remettre en question ses décisions? Il a après tout cinq titres du Super Bowl à son actif. Mais même si on n’a pas tous les éléments d’explication, de l’extérieur c’est dur à comprendre. Ça n’a pas de sens. Je ne suis pas sûr que ce fût une décision populaire dans le vestiaire non plus et je me demande si ç'a ébranlé la défense, qui était carrément perdue sur le terrain. D’après ce qu’on entend, Butler a appris qu’il ne jouerait pas juste avant la rencontre, ce qui veut dire que son remplaçant aussi l’a su au dernier moment. C’est une drôle de situation qui peut mettre tout le monde sur les nerfs. Ce n’est pas la meilleure façon de gagner son vestiaire. Bref, c’est un dossier nébuleux qui fait jaser. Je ne dis pas que les Pats auraient absolument gagné en présence de Butler, mais quand c’est rendu que tu envoies Jordan Richards sur le terrain alors qu’il s’est fait complètement déjouer par Clement et que tu vois également Johnson Bademosi alors qu’il n’était pourtant pas en uniforme face aux Jaguars, tout ça au détriment de Butler, c’est incompréhensible. On a revu la défense des quatre premiers matchs de la campagne qui n’était pas capable d’arrêter qui que ce soit.

Butler est habituellement parmi les deux demis de coin partant. Rowe, habituellement employé comme no 3 dans les situations à trois receveurs, a pris sa place. Et à la place de Rowe comme no 3, on a demandé à un maraudeur de jouer devant un demi inséré, par exemple Agholor, qui est super rapide. L’effet domino a fait qu’on s’est affaibli à deux positions dans la tertiaire. C’est pour ça que je dis, si clairement Belichick a pris la décision de jouer avec trois maraudeurs pour ne pas se faire passer sur les jeux au sol et avoir une solution polyvalente, c’est peut-être cet entêtement-là qui a fait en sorte qu’on est resté avec cette option, mais ça n’a pas marché. Quand tu concèdes 41 points, ça veut tout dire. On ne s’est pas ajusté et on n’a pas tenté de nouvelles choses.

La ligne à l’attaque des Eagles a pris le dessus. Les porteurs de ballon étaient en feu, eux qui ont touché au ballon 30 fois pour deux touchés et 255 verges de gain. Clement, qui jouait le rôle de Darren Sproles, en a battu des secondeurs avec ses 4 passes et 100 verges. Il a battu Jordan Richards, un réserviste qui joue sur les unités spéciales, ce qui nous fait regretter d’autant plus l’absence de Butler.

Brady et le jeu qui a tout changé

Dans un autre ordre d’idées, Tom Brady a connu un match incroyable malgré la défaite. Il a dû rendre plusieurs partisans des Eagles nerveux au troisième quart quand il a traversé le terrain afin de rejoindre Rob Gronkowski pour le touché. Ils devaient craindre une remontée. Pourtant, les Eagles n’ont jamais été intimidés, ils ont toujours riposté. Ils ont osé en quatrième et 2, alors que les Pats étaient en feu.

Bravo tout de même à Brady. Si on avait dit que les Pats allaient marquer 33 points et que Brady allait lancer pour 505 verges, 3 passes de touché et aucune interception, je pense que plusieurs auraient cru les voir gagner. Il faut lui lever notre chapeau.

« Je ne pense pas à mon avenir pour l'instant »

Je parlais dans ma dernière chronique de l’importante confrontation entre la ligne à l’attaque des Pats et la ligne défensive des Eagles qui pourrait déstabiliser Brady. Eh bien j’ai été agréablement surpris par le travail de sa ligne à l’attaque. Ils n’avaient pas mal fait contre les Jags, et là ils ont super bien fait. Sauf que les Eagles ont compris que pour battre les Pats, il faut jouer 60 minutes et ne jamais abandonner. Alors que la ligne à l’attaque des Pats joue tous les jeux, la ligne défensive des Eagles fait une rotation, ce qui fait que ses joueurs sont plus frais et dispo. Avec moins de 3 minutes à faire, pendant que tu es à bout de souffle, le gars en avant est encore plein d’énergie puisqu’il a joué seulement le 2/3 ou la moitié des jeux.

C'est alors que Brandon Graham a sorti le grand jeu. C’est intéressant ce qu’on a prôné comme stratégie, parce que Graham est un ailier défensif qu’on a replacé comme plaqueur à côté de Fletcher Cox et on avait facilement anticipé que les Pats ne prendraient pas de chance en mettant deux hommes sur ce dernier, on savait que le centre allait aider le garde à couvrir Cox. Pendant ce temps, Graham n’était couvert que par Shaq Mason. Graham, en tant qu’ailier défensif très rapide et explosif, faisait face à un garde habitué de travailler contre des gars plus gros, costauds et tout en puissance. Graham a utilisé sa rapidité pour le contourner et il est allé faire perdre le ballon à Brady.

Ce n’est d’ailleurs peut-être pas par hasard qu’on a choisi cette formation et qu’on a isolé Mason. Contre les Jaguars, il a été victime d’un sac de manière similaire : il avait été rapidement contourné à l’extérieur par un joueur des Jags. Étant donné que tout le monde étudie les forces et faiblesses de l’autre, on a peut-être constaté qu’il avait déjà été déjoué de cette manière spécifique plus d'une fois.

Tôt ou tard, on se doutait que les Eagles allaient gagner leurs un-contre-un, tandis que la ligne défensive des Pats n’a jamais gagné de un-contre-un. C’est pour ça que je disais plus tôt que si la pression n’est pas générée par un schéma défensif qui surprend l’adversaire, la pression est inexistante. Ça s’est gagné là. On parlait de défense opportuniste du côté des Eagles, et c’est ce qu’on a vu à la fin.

Bref, c’est une victoire amplement méritée des Eagles. Les entraîneurs ont tout fait pour mettre leur équipe en position de gagner. Qui plus est, Nick Foles a riposté à Brady sans être intimidé. Je l’avais comparé un peu à Eli Manning à cause de son calme et son sang-froid, et ce sont des qualités qui lui ont servi. Les quelques fois où on l’a dérangé, il a bien bougé et s’est débarrassé du ballon. Il a bien géré le match et il n'a pas non plus fait d’erreur majeure. Il a gardé ses deux plus grosses performances face aux Vikings et aux Pats, ce qui est exceptionnel.