ContentId(3.925014):Qui gagnera le Super Bowl?
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Peyton Manning et ses receveurs contre Richard Sherman et la tertiaire des Seahawks. Plus sexy, cette confrontation retient toute l’attention depuis près de deux semaines. Et avec raison.

Mais qu’en est-il de l’autre duel, celui qui opposera l’attaque des Seahawks à la défense des Broncos? Il sera tout aussi déterminant, voire même plus...

Aussi redoutables soient-elles, l’unité offensive des Broncos et l’unité défensive des Seahawks pourraient effectivement s’annuler. D’où l’importance de l’autre confrontation, celle qui se trame dans l’ombre de Manning et compagnie.

Des quatre unités qui se livreront bataille dimanche sur la pelouse du Metlife Stadium, la défense des Broncos est sans doute la moins respectée, bien qu’elle joue du bon football.

Alors que l’unité défensive de Seattle est vantée sur toutes les tribunes, celle des Broncos pourrait s’en voir fouettée et utiliser la situation à titre de motivation. Ce ne serait pas la première fois que cela se produit.

Pour espérer avoir le dessus, elle devra cependant stopper Marshawn Lynch. Tout le monde le sait. Si la défense des Broncos n’est pas en mesure de freiner le jeu au sol, elle court vers le désastre. Cette mission est capitale.

Advenant que les Broncos ne contiennent pas le jeu au sol, ils ne contrôleront pas le temps de possession. Manning passerait alors plus de temps à s’échauffer sur les lignes de côté qu’à faire des ravages sur le terrain.

Pendant ce temps, Lynch aura l’occasion de se mettre à l’œuvre et de faire des dommages irréparables. Tout part de lui, alors que l’attaque des Seahawks est basée sur le jeu au sol. Suivront ensuite les feintes de jeu au sol suivies d’une course ou encore les dérobades du quart.

Lynch, c’est un amalgame de puissance, d’agilité et de rapidité. La meilleure façon pour les Broncos d’écarter ce porteur de ballon étoile de l’équation c’est de se doter d’une grosse avance au tableau indicateur et de forcer les Seahawks à lancer le ballon.

Or, les hommes de Pete Carroll sont persistants et tenaces et abandonnent rarement le jeu au sol. Pour que cela se produise, il faudrait que les Seahawks tirent de l’arrière par au moins trois possessions au quatrième quart.

Chaque semaine, Lynch affronte un adversaire qui fait tout en son pouvoir pour le contenir. Mais malgré cela, il connaît du succès. Les Saints de La Nouvelle-Orléans et les 49ers de San Francisco ont tenté leur chance en éliminatoires pour finalement lui allouer successivement 140 et 109 verges de gains au sol.

Les Seahawks sont donc très patients. En première demie, ils frappent d’abord des simples et des doubles, pour ensuite revenir à la charge avec des triples et des coups de circuit à leur retour du vestiaire. On en a été témoin récemment, alors que Lynch a effectué des courses de 31 et 40 verges jusque dans la zone des buts aux quatrième et troisième quarts face aux Saints et aux 49ers.

Percy Harvin et Marshawn LynchUn effort collectif

C’est donc très clair, les Broncos se devront plaquer Lynch. Chacun des 11 joueurs sur le terrain se devra d’être commis pleinement à la tâche car Lynch gruge des verges supplémentaires après le premier contact, auquel il échappe si souvent. Sur ses 249 verges de gains au sol récoltées en éliminatoires, 107 d’entre elles ont été amassées après un premier plaqué raté.

L’intégrité des corridors de course se devra donc d’être respectée à la lettre par les membres de l’unité défensive des Broncos. Chaque joueur a une portion de terrain à protéger, coûte que coûte.

Pourchasser Lynch en meute est cependant périlleux. Si la poursuite s’avère trop agressive, Lynch peut aisément dévier à contre-courant. C’est exactement ce qu’il a fait sur son touché de 40 verges face aux Pats en finale d’association Américaine. Alors qu’il se dirigeait vers la gauche du terrain, il a coupé à droite pour distancer tout le monde. Je le répète, Lynch allie à la fois puissance, agilité et rapidité.

Il est à noter cependant que les Broncos ont été très efficaces contre l’attaque terrestre lors de leurs quatre plus récents matchs, n’allouant que 87, 64, 65 et 64 verges. Lors de leur premier match éliminatoire, les Broncos ont limité à 65 verges les Chargers de San Diego. Les mêmes Chargers qui avaient amassé 196 verges une semaine plus tôt contre les Bengals de Cincinnati.

Puis, les Patriots ont été limités à 64 verges de gains au sol une semaine après en avoir glanées 234 contre les Colts d’Indianapolis. Cette heureuse tendance se transportera-t-elle jusqu’au match ultime?

Pour ce faire, la ligne défensive se devra d’être irréprochable. Les Seahawks ont en effet plusieurs façons de courir et d’appliquer des blocs dépendamment  du point d’attaque. Seattle effectue énormément de blocage de zone, ce qui force la défense adverse à se déplacer en meute. Toute la ligne défensive migre alors dans la même direction et le reste de l’unité doit suivre.

À titre d’exemple, en courant vers la gauche, les Seahawks étirent la défense adverse du même côté en espérant qu’à l’opposé du point d’attaque, un joueur défensif trébuchera ou sera victime d’un bloc. Si cela se produit, un corridor naturel de course s’ouvre.

Avec un tel blocage de zone, le porteur de ballon – Lynch dans le cas présent – n’a pas un endroit précis où courir. C’est plutôt selon le déploiement défensif qu’il choisira son angle de course.

Tout cet exercice a pour effet d’épuiser les joueurs de ligne défensive, qui courent sans cesse latéralement. Cela exige du même coup beaucoup d’agilité car ces derniers doivent protéger leurs jambes et leurs genoux afin de ne pas chuter. C’est sans compter que quand tu te bats avec un joueur de ligne à l’attaque, tes mains sont occupées. Cela peut laisser le champ libre à un porteur de ballon de la trempe de Lynch, qui s’empressera de se faufiler entre deux bloqueurs.

Bref, la défense des Broncos joue bien par les temps qui courent, mais je ne suis pas convaincu qu’elle pourra tenir le coup et freiner le jeu au sol au quatrième quart advenant que le match soit serré ou que les Seahawks aient légèrement l’avance.

Et Russell Wilson ne fera qu’ajouter au danger.

Russell WilsonWilson le « gestionnaire »

Alors que dimanche sera disputé le tout dernier match de la saison, je ne peux pas croire un instant que Wilson ne courra pas en quelques occasions. Le quart-arrière des Seahawks n’a peut-être pas beaucoup gambadé dernièrement, mais ça ne veut pas dire qu’il ne le fera pas face aux Broncos. Au contraire.

En faisant bon usage de ses jambes, comme il l’a fait cette saison en amassant plus de 500 verges de gains au sol, Wilson créera de l’espace pour Lynch.

La lecture de zone sera donc au cœur des succès de Wilson et de l’attaque des Seahawks. Si Denver se concentre trop sur Lynch, le jeune meneur des Seahawks aura le loisir de conserver le ballon et d’attaquer les périmètres. Tôt ou tard, la défense des Broncos devra respecter cette autre menace bien réelle, ce qui offrira plus d’oxygène à Lynch au centre.

Ainsi, il faut s’attendre à des jeux au sol conçus spécialement pour Wilson, un peu comme l’ont fait les 49ers avec Colin Kaepernick.

À cela s’ajoute la présence de Percy Harvin. De retour au jeu, l’ailier espacé des Seahawks risque fortement d’être impliqué dans un balayage rapide vers l’extérieur au cours duquel il saisira le ballon des mains de Wilson alors qu’il traverse la formation. Une autre course dans l’arsenal de Seattle.

La lecture de zone et le balayage rapide sont des jeux qui ont le potentiel de jouer dans la tête des ailiers défensifs et des secondeurs extérieurs des Broncos. Si ces derniers sont trop concentrés sur le centre du terrain et le milieu de la ligne à l’attaque afin de stopper Lynch, ils se feront déborder à l’extérieur par Wilson ou Harvin.

Ces trois possibilités de jeu commandent ainsi le respect des Broncos. Et ce n’est pas Lynch qui va s’en plaindre.

Je ne serais même pas surpris que Wilson amasse plus de verges au sol que Lynch en première demie. Wilson se doit d’utiliser ses jambes comme il ne l’a jamais fait auparavant. Tout un casse-tête pour les Broncos qui, avouons-le, ont affronté deux statues en Philip Rivers et Tom Brady depuis le début des éliminatoires. Deux excellents quarts-arrières certes, mais disons qu’on sait où ils se trouveront lors de chaque jeu...

Wilson est quant à lui à son mieux quand il étire le jeu et qu’il quitte sa pochette protectrice. C’est souvent de cette façon qu’il réussit ses plus gros jeux. Afin de contrer un quart de ce genre, les équipes adverses sont souvent contraintes à amener un joueur supplémentaire à la ligne de mêlée pour limiter ses déplacements. Cette stratégie n’est cependant pas sans risque.

La défense se retrouve en effet en déficit d’un joueur (10 contre 11) dans sa couverture de passe. Les possibilités de jeux en sont alors réduites, ce qui en vient à faciliter la tâche d’un jeune quart comme Wilson.

Toujours au sujet de Wilson, j’ai souvent souligné par le passé le calme et la maturité dont il fait preuve, mais je tiens à le signaler à nouveau. Il est loin d’être facile de jouer dans le système offensif des Seahawks. C’est en véritable « gestionnaire » que Wilson doit commander cette attaque.

Pour l’emporter, les Seahawks n’ont pas besoin que Wilson connaisse un grand match. Quelques jeux importants de sa part ici et là, jumelés au brio du jeu au sol ou de la défense et ça peut suffire.

En exerçant un rôle de la sorte, Wilson n’a pas l’occasion de lancer le ballon très souvent. Il devient alors très difficile de prendre son rythme. S’il tente 15 passes et qu’il en rate cinq, sa marge d’erreur est bien mince, ce qui ajoute au stress. Wilson s’acquitte par contre à merveille de cette tâche.

C’est pourquoi les Seahawks sont l’une des équipes qui réussissent le plus souvent de gros jeux, et ce même s’ils lancent le ballon moins souvent. Inutile donc de mentionner que les Broncos ne peuvent se permettre de s’endormir lorsque Wilson se met à courir. Les 49ers l’ont appris à leurs dépens.

Peyton ManningComme Keanu Reeves

Peyton Manning sera sans contredit le meilleur joueur sur le terrain dimanche. Pour citer mon bon ami et collège Matthieu Proulx, un cinéphile averti, Peyton Manning est comme Keanu Reeves dans le film La Matrice. Tout est au ralenti devant lui et il a le plein contrôle de son environnement.

Mais au football, ça prend plus qu’un seul joueur pour regagner le vestiaire avec le trophée Vince Lombardi dans les mains.

C’est pourquoi je favorise les Seahawks, qui sont talentueux et à prendre au sérieux dans toutes les facettes de jeu. À cela s’ajoute un puissant intangible : le statut de négligé.

Quand on s’attarde au cheminement de plusieurs joueurs clés des Seahawks, on constate rapidement qu’il n’a pas été de tout repos pour nombre d’entre eux. Wilson a été sélectionné en troisième ronde, Richard Sherman au cinquième tour, Malcom Smith en septième et Byron Maxwell en sixième.

Les receveurs Jermaine Kearse et Doug Baldwin n’ont quant à eux jamais été repêchés, tout comme Michael Bennett, Chris Clemons et Tony McDaniel sur la ligne défensive. Il ne faut aussi pas oublier que Lynch a pour sa part été largué par les Bills de Buffalo.

Alors qu’une bonne partie de l’Amérique souhaite voir Manning remporté son deuxième Super Bowl, parions que l’entraîneur-chef des Seahawks Pete Carroll ne s’est pas privé de rappeler à tout ce beau monde qu’ils ont été rejetés par d’autres avant d’aboutir à Seattle, où on voulait d’eux et où on croyait en eux.

Même la populaire franchise de jeu vidéo Madden prédit la victoire des Broncos dans une récente simulation. Un argument de plus qui n’a sûrement pas échappé à Carroll. Dans les 10 dernières années, la prédiction du jeu s’est avérée juste en huit occasions.

Qu’importe, je maintiens ma prédiction.

*Propos recueillis par Mikaël Filion