Marshawn Lynch contre LeGarrette Blount... Oui, le duel des porteurs de ballon sera certes déterminant sur l’issue du prochain Super Bowl, mais il ne faudrait pas oublier Tom Brady et son vis-à-vis Russell Wilson.

Concentrons-nous d’abord sur le quart-arrière des Patriots de la Nouvelle-Angleterre. Comme je le rappelais dans cette tribune la semaine dernière, Brady et sa bande devront privilégier une attaque équilibrée pour avoir le dernier mot sur les Seahawks de Seattle.

Ces derniers peuvent compter sur une excellente ligne défensive capable de mettre de la pression sur le quart adverse. Or, Brady dégaine rapidement. C’est de cette façon qu’il se protège. Si bien que lorsque ses poursuivants se rendent finalement à lui, le ballon a déjà quitté ses mains.

Brady favorise donc souvent sa première option, ce qui sied bien à l’attaque des Pats. C’est pourquoi elle emploie beaucoup de formations multiples et de mouvements. Tout cela fait souvent en sorte que les receveurs parviennent à se démarquer.

Les Pats sont donc à l’aise avec une formation qui comprend cinq receveurs, ce qui pourrait d’ailleurs leur sourire face à l’unité défensive des Seahawks, qui privilégie une couverture de zone.

En demandant à leurs receveurs de se positionner à l’extérieur, c’est-à-dire entre les numéros et les lignes de côté, les Pats étirent ainsi la défense adverse et crée du coup de plus grosses entre zones pour ceux-ci.

Il sera donc intéressant de voir si les Pats agiront de la sorte, car on sait à quel point les Seahawks peuvent être très redoutables à l’extérieur grâce à d’excellents demis de coin, Richard Sherman en tête de liste.

L'attaque des Pats ne se résume toutefois pas à cela, elle qui aime en effet attaquer le centre du terrain avec Rob Gronkowski et Julian Edelman. Face aux Seahawks, les joueurs des Patriots ont cependant intérêt à attacher leur casque bien serré et s’armer de courage.

Rapides et robustes à cet endroit, les Seahawks misent sur des secondeurs et des maraudeurs capables de faire payer le prix à quiconque s’aventure en leur direction.

Pour tromper les Seahawks, les Patriots risquent par ailleurs d’utiliser tout leur arsenal de passes pièges, l’une de leurs grandes spécialités. Le succès de celles-ci est par contre loin d’être garanti contre les Seahawks, qui sont tellement rapides. Leur défense est peut-être simple et fait peut-être peu de choses, mais elle les exécute mieux que n’importe qui.

La protection de Brady sera donc au cœur de la stratégie offensive des Patriots. Le passé, c’est le passé, j’en conviens, mais on se rappellera que lors des deux dernières défaites des Pats au Super Bowl contre les Giants de New York et 2007 et 2011, la ligne offensive en avait eu plein les bras avec la fameuse formation NASCAR des New-Yorkais. Cette formation, qui consiste à employer quatre ailiers défensifs pour attaquer le quart arrière, les Seahawks l’ont dans leur livre de jeux.

À l’époque, les Giants envoyaient Justin Tuck à l’intérieur comme plaqueur, ce qui donnait beaucoup d’ennuis au garde des Pats. Michael Bennett, c’est le Justin Tuck des Seahawks et il devrait à l’occasion recevoir le même mandat face à Brady.

Rob GronkowskiComment freiner Gronkowski?

Qui dit jeu aérien des Patriots dit nécessairement Rob Gronkowski. Qui chez les Seahawks aura comme mission de le surveiller et comment s’y prendra-t-il?

Il est à mon avis impossible de le contenir seul. Kam Chancellor est certes impressionnant, mais les Seahawks devraient plutôt favoriser des combinaisons. On risque donc de voir Chancellor, K.J. Wright et Earl Thomas s’acquitter conjointement de la tâche.

Chose certaine, il importera d’être physique. Ils ne peuvent se permettre de laisser Gronkowski quitter la ligne d’engagement sans un coup d’épaule ou le rediriger. Passer la soirée à un contre un face au « Gronk » mène au désastre.

J’ai hâte de voir si les Seahawks oseront lui assigner Sherman dans la zone des buts. Pourquoi pas opposer ton meilleur couvreur à un joueur aussi dominant? On verra bien.

Cette année, les Seahawks ont alloué 11 touchés à des ailiers rapprochés, le troisième plus haut total du circuit. Seattle a donc connu des ennuis à ce niveau et affronter le meilleur de ceux-ci a de quoi les inquiéter. Surtout que contrairement au Super Bowl de 2011, Gronkowski est en santé. Incommodé par une vilaine blessure à une cheville, il n’avait pas pratiqué de la semaine avant de jouer sur une jambe.

Autre question qui mérite d’être posée : les Pats testeront-ils Sherman?

Oui, mais sans doute pas de la façon qu’on pense. Je ne m’attends donc pas à ce que Brady tente une longue passe à ses dépens. Mais puisqu’il est ennuyé par une blessure au coude, les Pats devraient peut-être courir de son côté et tester sa capacité à réaliser les plaqués, en début de match du moins.

S’il en est un qui connaît bien Sherman et la défense des Seahawks, c’est bien le demi de coin des Pats Brandon Browner, un ancien membre de la « Legion of Boom ». J’espère que Brady a pris quelques minutes pour jaser avec son coéquipier pour lui soutirer quelques secrets et informations privilégiées.

Ce petit jeu se joue toutefois dans les deux sens. Les Seahawks connaissent eux aussi très bien Browner et savent qu’une passe lancée en sa direction tourne à l’avantage de l’attaque les deux tiers du temps... Un attrapé ou une pénalité.

Ce qui nous amène désormais à analyser l’attaque aérienne des champions en titre du Super Bowl.

Le maître de l’impro

Russell Wilson est plus réputé pour ses jambes que son bras. On s’en doute, la mission première de la défense des Pats sera de retenir le quart des Seahawks dans sa pochette protectrice. C’est lorsqu’il étire le jeu et qu’il improvise que Wilson est le plus dangereux.

C’est sans compter qu’après avoir été coupable de quatre interceptions contre les Packers de Green Bay en finale d’Association Nationale, Wilson a eu sa leçon. Ce serait donc surprenant qu’il en lance quelques autres, car en sept matchs éliminatoires en carrière, Wilson n’a lancé aucune interception dans cinq d’entre eux.

Les Pats ont donc tout intérêt à craindre ses dérobades, improvisées ou pas. Le meilleur exemple de cela est sans aucun doute sa transformation de deux points contre Green Bay sur une passe désespérée. C’était du Russell Wilson tout craché.

Affronter un quart de ce genre est très stressant pour une tertiaire. Un joueur a beau couvrir son opposant pendant 4 ou 5 secondes, s’il l’échappe à la 6e, c’est en plein à ce moment que Wilson en profite et fait mal à l’adversaire.

Russell Wilson

Tout un mandat attend donc les ailiers défensifs Chandler Jones et Rob Ninkovich. Ils vont devoir faire preuve d’une discipline irréprochable. S’ils sont en mesure de réussir un sac du quart, tant mieux, mais ils ne doivent pas en faire un à tout prix. Dans un mouvement coordonné de la ligne défensive, il importe d’abord d’étendre un filet autour de Wilson et de le resserrer par la suite. Il ne faut pas le laisser sortir.

Il serait également judicieux de lui mettre un « espion » dans les pattes, que ce soit le secondeur extérieur Jamie Collins ou le maraudeur Patrick Chung, qui descendrait dans la boîte défensive pour contenir le jeu au sol et garder un œil sur Wilson.

Les Pats devraient faire tout leur possible pour contraindre Wilson à les battre avec son bras et ainsi sollicité son groupe de receveurs, qui n’est pas le plus talentueux.

On l’a vu contre les Packers, les receveurs ont éprouvé leur part d’ennui à créer de la séparation et ainsi se démarquer. Je m’attends à ce que les Patriots leur offrent une couverture homme à homme afin de pouvoir ajouter des joueurs dans la boîte défensive pour freiner Lynch et le jeu au sol.

Si les Patriots ne sont pas en mesure de contenir Lynch, aussi bien se le dire tout de suite, il n’y aura pas de match. Or, s’ils limitent ses avancées, ils forceront les receveurs des Seahawks à avoir le meilleur sur l’excellente tertiaire des Pats. C’est loin d’être gagné. L’issue de cette confrontation pourrait soudainement devenir la plus déterminante.

Bill Belichick a toujours eu pour philosophie d’empêcher l’adversaire de faire ce qu’il fait de mieux. Ceux qui ont vu le Super Bowl de 2011 s’en rappellent peut-être, alors que les Pats avaient encore l’avance en fin de match, Belichick avait exigé à sa défense de consacrer toutes ses énergies à couvrir les receveurs no 1 et no 2 des Giants afin de forcer Eli Manning à lancer à Mario Manningham.

C’est en plein ce que Manning a dû faire. Manningham a effectué un attrapé incroyable, ce qui a alors permis aux Giants de poursuivre leur séquence et ensuite inscrire le touché victorieux.

Qui sera le Mario Manningham des Seahawks? Ricardo Lockette? Peut-être. Chose certaine, quelqu’un devra se lever et réussir le gros jeu.

De part et d’autre, Brady et Wilson ont donc tout intérêt à protéger le ballon. S’ils n’y parviennent pas, ils devront espérer un plaqué sur le retour d’interception. Dans l’histoire du Super Bowl, quand un revirement de la sorte est retourné pour un touché, les équipes qui ont réussi à en marquer un dans ces circonstances affichent un dossier de 12-0.

Difficile de prédire

Il ne faudrait pas renier l’importance des unités spéciales. Les Patriots sont particulièrement efficaces, eux qui ont réussi plusieurs gros jeux cette saison qui leur ont permis de remporter un match. Pas étonnant quand on se rappelle que Belichick a fait ses débuts dans la NFL à titre de coordonnateur des unités spéciales.

De l’autre côté du terrain, les Seahawks ne sont pas en reste, eux qui doivent en partie leur victoire contre les Packers au brio de leurs unités spéciales. On n’a qu’à penser à leur jeu truqué sur une tentative de placement ou leur botté court récupéré.

ContentId(3.1113825):Duel au sommet
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Bref, il est loin d’être facile de prédire l’issue de ce Super Bowl, alors que deux excellentes équipes, avec des forces et des faiblesses, se feront face en Arizona dimanche.

D’un côté, les Seahawks ont connu des ennuis en début de rencontre récemment. Au cours des cinq derniers matchs, ils n’ont en moyenne marqué que six points en première demie. Contre Green Bay, ils tiraient de l’arrière 19-7 avec cinq minutes à jouer. Contre la Caroline, ils menaient 14-10 après trois quarts. Quand on gratte sous la peinture, il faut admettre qu’il ne s’agissait pas des performances les plus dominantes.

Oui, les Pats ne l’ont pas eu facile contre les Ravens, mais il s’agit de leur bête noire. Forts d’une attaque plus équilibrée – ce qui est vital contre les Seahawks – et une défense capable de freiner le jeu au sol, j’estime en toute humilité que les Patriots sont en meilleure posture pour l’emporter.

Partisans des Seahawks, consolez-vous et lisez ce qui suit.

L’an passé, le dernier match sur la route des Seahawks avant les éliminatoires s’était soldé par un gain de 23-0 à New York. Où était disputé le Super Bowl qu’ils ont gagné? À New York.

Cette année, les Seahawks ont joué leur dernier match à l’étranger figurant à leur calendrier régulier en Arizona et se sont imposés 35-6. Wilson et son attaque avaient alors grugé près de 600 verges de gains. Où sera présenté le Super Bowl dimanche? Vous me voyez venir, en Arizona.

Fidèles des Pats, vous pouvez vous rabattre sur la prédiction de Madden 2015, qui prédit une victoire de 28-24 aux Patriots. Le populaire jeu vidéo montre un dossier de 8-3 lorsqu’il se lance dans ce genre de simulation.

Si on ne peut prédire avec certitude le résultat, on peut néanmoins se souhaiter un bon match et non pas une raclée de 43-8 comme celle de l’an dernier infligée aux Broncos par les Seahawks.

Bon Super Bowl!

*Propos recueillis par Mikaël Filion