Le « scandale » des ballons dégonflés prend beaucoup de place dans les manchettes actuellement, mais pour ma part, je préfère me lancer dans le vif du sujet à une semaine du Super Bowl XLIX.

Il est temps de parler de football.

Les finalistes sont en train de terminer leurs préparatifs avant de décoller pour l’Arizona. C’est une grosse semaine de pratique pour les deux équipes car c’est à ce moment que la majorité du plan de match va être établi. Les équipes vont aussi profiter de la semaine d’extra pour régler la logistique, soit l’acquisition des billets d’avion, de match et autres évènements pour la famille, avant d’être assaillies par les médias rendues à destination. Une fois qu’on atterrit à Phoenix, c’est un voyage d’affaires, ce n’est plus le moment de jouer à l’agent de voyage.

Russell WilsonIl y a eu beaucoup de similitudes dans le parcours des deux formations cette saison et c’est donc particulier de voir qu’elles vont s’affronter.

Les deux ont connu un début de saison couci-couça. Seattle avait un dossier de 3-3 après six matchs et les Patriots étaient 2-2 après quatre. Ce qui est inusité est que l’élément déclencheur qui les a relancés a été une défaite aux mains des Chiefs de Kansas City dans les deux cas. Les Seahawks n’ont plus perdu par la suite et ont enchaîné six victoires de suite après leur revers, huit si on inclut les deux en éliminatoires. Les Pats, eux, ont remporté sept rencontres d’affilée avant de s’incliner devant Green Bay durant le calendrier régulier. Après avoir présenté une fiche de ,500, les formations ont terminé à 12-4.

Durant leurs parcours éliminatoires, les deux clubs ont dû faire preuve de caractère. Contre les Ravens, les Pats perdaient 14-0, puis 28-14, et ils ont réussi à revenir pour gagner. Les Seahawks ont fait de même alors qu’ils étaient confrontés à un déficit de 16-0 contre Green Bay. Ils ont utilisé tout leur arsenal pour l’emporter et ont même tenté des jeux truqués, par exemple la feinte de botté de placement de Seattle qui a mené à un touché contre GB ou encore les formations avec joueur de ligne ou receveur supplémentaires qui ont donné lieu au touché de Nate Solder face aux Colts.

Non seulement ils ont démontré du caractère, mais les deux finalistes n’ont pas eu peur de faire des jeux truqués lorsque nécessaire. Le touché de Solder est survenu dans une victoire à sens unique, mais c’était plus chaudement disputé contre les Ravens quand Julian Edelman a complété une passe de touché à Danny Amendola.

Ce qu’on peut dire en tout cas, c’est que ça risque de faire des flammèches en deuxième demie car les deux clubs ont l’habitude de finir en force. La Nouvelle-Angleterre a dominé la deuxième demie au compte de 28-0 face aux Colts, puis au compte de 21-10 en demi-finale d’association. Dans le cas des Seahawks, ça se passe surtout au quatrième quart, qu’ils ont mené 17-7 contre les Panthers, puis 21-6 contre les Packers en incluant la prolongation. Pour le bien du spectacle, il faudrait presque commencer la rencontre directement en deuxième moitié...

Des confrontations clés

La finale opposera deux quarts-arrières qui sont très forts mentalement en Russell Wilson et Tom Brady. Ils sont très intelligents et ont un niveau de préparation très élevé car ils ne comptent pas les heures. Ils sont aussi résilients. Il est facile de comprendre pourquoi Wilson a fondu en larmes après la victoire la semaine passée. Après avoir été victime de quatre interceptions au cours du plus gros match de l’année, il ne devait pas être très heureux, donc le soulagement fut énorme après la remontée. Brady, lui, s’est fait brasser généreusement en première demie face aux Ravens. Ses passes ont été rabattues six fois au moment de décocher. Malgré le fait que sa troupe accusait un retard important, que son jeu au sol était impuissant, qu’il se faisait frapper constamment et que tout reposait sur lui, il a fait le boulot.

À mon avis, la clé réside cependant dans l’opposition entre les porteurs de ballon : Marshawn Lynch et LeGarrette Blount. Ils ont été spectaculaires la semaine passée, que ce soit Lynch avec ses 25 courses, 157 verges et un touché, ou encore Blount avec ses 30 courses, 148 verges et trois touchés au sol. Ce sont deux porteurs physiques. Lynch est d’ailleurs connu sous le nom de « Beast Mode », mais ce surnom irait aussi très bien à Blount. Ils ont été les deux meilleurs porteurs de la saison dans la NFL pour les verges gagnées après le premier contact avec une moyenne de 2,5 verges. Ça signifie que les unités défensives doivent arriver en meute pour parvenir les freiner.

Les styles de jeu au sol sont toutefois différents. Les Seahawks font beaucoup de blocage de zone, ce qui a déjà causé des ennuis aux Patriots. Baltimore a tenté la même tactique en match éliminatoire et Justin Forsett a obtenu 129 verges. Dans cette situation, c’est surtout à l’opposé du point d’attaque qu’il y a des blocs pour faire tomber les joueurs défensifs et empêcher la poursuite. Il faut donc rester sur ses pieds pour éviter de créer des ouvertures. Je me souviens d’ailleurs des difficultés éprouvées par Vince Wilfork contre les Corbeaux et ça avait ouvert des brèches. En plus, il ne faut pas oublier le facteur Russell Wilson qui, avec son jeu d’options, en fait un autre joueur à surveiller et à contenir. C’est un monstre à deux têtes. On le voit souvent courir quand il n’a pas le choix et on voit souvent ses meilleures courses au quatrième quart, comme la semaine passée, mais j’ai l’impression qu’il va devoir se risquer plus tôt. La semaine dernière, on dirait que c’est quand il s’est mis à courir qu’il a réussi ses meilleures passes, comme si ça l’avait détendu et replacé dans l’action.

Défensivement, les hommes de Bill Belichick sont 9es contre le jeu au sol, mais une statistique qui est impressionnante est celle-ci : quand ils ont alloué moins de 100 verges cette saison, ils ont une fiche parfaite de 10-0, mais quand ce plateau est dépassé, ils sont 4-4. En gros, en deçà de 100 verges concédées, les Pats semblent imbattables, alors qu’à l’inverse, les chances de réussite sont de 50 %.

Les Pats préconisent davantage des courses en puissance et à contre-courant, et beaucoup de formations avec six joueurs de ligne à l’attaque. Il y a de la variété et du blocage différent de ce que leurs prochains adversaires présentent.

La défense des Seahawks contre le jeu au sol est pour sa part 3e, mais dernièrement elle a concédé beaucoup de terrain. Les Panthers ont réalisé 30 courses pour des gains de 132 verges à leurs dépens et les Packers en ont ajouté 30 pour 135 verges. Il faut dire que la défense n’est plus la même en l’absence de deux de ses meilleurs plaqueurs : Brandon Mebane et Jordan Hill, qui ont vu leur saison se conclure prématurément. Les plaqueurs sont au cœur de la défense, ils arrêtent les courses en puissance dans le milieu du jeu et ils protègent les secondeurs de ligne. Si tes plaqueurs ne sont pas suffisamment efficaces, ça permet à la ligne à l’attaque de se rendre au deuxième niveau. Ça devient de plus en plus difficile donc de faire des plaqués quand tu es un secondeur si en plus tu dois te débarrasser du bloc d’un joueur de ligne avant de faire ton plaqué. Imaginez quand il faut stopper Blount en plus… L’importance des plaqueurs est considérable et on sent que les Seahawks sont plus vulnérables à cette position.

Bref, pour moi le jeu au sol sera un élément très déterminant lors du Super Bowl. De chaque côté, les deux défenses vont devoir arrêter le jeu au sol et forcer le quart adverse à les battre avec son bras. Ça peut paraître drôle de dire ça d’un quart-arrière chevronné tel que Brady, mais c’est quand même la réalité. Le dénominateur commun entre chacune des défaites des Seahawks était leur inefficacité contre le jeu au sol. Ils ont réussi le test en éliminatoires, mais de peine et de misère.

Cela dit, il faut faire attention à ce qu’on souhaite parce que les deux quarts-arrières ont eu du succès l’un contre l’autre. Bien qu’il y avait des joueurs différents en poste à cette époque, les Hawks avaient triomphé 24-23 à Seattle lors de leur dernier rendez-vous en 2012. Wilson avait lancé pour 293 verges et trois passes de touché contre aucune interception. Brady n’avait pas été mauvais non plus. Il avait complété 36 de ses 58 passes pour 395 verges et deux passes de touché, mais il avait été intercepté deux fois.

*Propos recueillis par Audrey Roy