MONTRÉAL – Confronté à l’un des meilleurs fronts défensifs de la NFL composé notamment de J.J. Watt et Vince Wilfork, plusieurs observateurs craignaient le pire pour l’exigeant baptême de Laurent Duvernay-Tardif qui a plutôt relevé le défi haut la main.

Le Québécois de 24 ans a tenu le coup, contribuant au triomphe de 27 à 20 des Chiefs de Kansas City face aux Texans de Houston dans le cadre de la première semaine d’activités de la NFL.

Méticuleux et prudent, le colosse de six pieds cinq pouces et 315 livres ne voulait pas trop se prononcer sur son efficacité avant de rencontrer les entraîneurs en après-midi.

« À première vue, je pense que ce fut une bonne partie. C’est une merveilleuse sensation d’obtenir la victoire. Je n’avais pas encore vécu un départ, ni le fait être partant et, en plus, on l’emporte, c’est tout un sentiment », a confié Duvernay-Tardif au RDS.ca.

Il y a seulement deux ans, l’athlète originaire de Saint-Hilaire portait encore les couleurs des Redmen de McGill en évoluant sur le circuit québécois à un niveau totalement différent. Voilà pourquoi cette victoire s’avère précieuse à ses yeux.

« De gagner un match dans la NFL, c’est une sensation difficile à expliquer. Je me suis vraiment senti privilégié. En tant qu’attaque, quand on a effectué les trois derniers jeux en formation victoire pour clore la partie, c’était génial. Je crois qu’on peut dire mission accomplie », a-t-il jugé.

Après avoir contré des bêtes du répertoire de Watt et Wilfork à sa première occasion dans la NFL, Duvernay-Tardif a pu partager cette joie avec ses parents qui avaient fait le voyage à Houston.

« Mes parents m’ont toujours suivi même s’ils n’ont jamais eu la plus grande passion pour ce sport. C’était leur baptême et ils ont vraiment apprécié le moment. Je pense même qu’ils étaient probablement plus stressés que moi.

« C’était un peu surréaliste à mes yeux d’être à l’autre bout de l’Amérique du Nord avec mes parents après une victoire. Je ne l’ai pas vraiment réalisé avant et pendant le match, mais c’était plus le cas après », a avoué le numéro 76.

Bien des athlètes auraient fait des cauchemars à l’idée de croiser le fer avec Watt et Wilfork, deux des joueurs les plus intimidants du circuit. Étrangement, la recrue Duvernay-Tardif n’a pas perdu une seconde de sommeil.

« Honnêtement, je n’étais pas très nerveux et ça ne m’a pas empêché de dormir. En général, je ne suis pas une personne stressée. Oui, je savais que c’était un gros défi qui nous attendait. Il fallait se préparer en conséquence, mais on a abordé le tout de la bonne manière. En tant qu’unité de la ligne offensive, même si on était les négligés, on voulait prouver qu’on avait notre place et qu’on allait avoir le dessus », a évoqué le choix de sixième ronde.

Un rôle de vétéran à son 1er départ

La mission semblait déjà colossale pour le futur diplômé de médecine, mais elle était encore plus rigoureuse étant donné que les Chiefs ont utilisé une ligne offensive avec cinq joueurs qui n’avaient jamais joué dans cet uniforme au poste où ils ont été employés.

Mais ce n’est pas tout, les entraîneurs ont procédé à un changement de dernière minute sur l’unité de la ligne offensive. Vendredi, ils ont décidé qu'Eric Fisher (ennuyé par une blessure) allait être remplacé par Jah Reid (avec LDT sur la photo) à la droite de la recrue québécoise. Laurent Duvernay-Tardif et Jah Reid

Le hic, c’est que Reid avait signé un contrat avec les Chiefs moins d’une semaine plus tôt après avoir été retranché par les Ravens. Dans le temps de le dire, Duvernay-Tardif a donc hérité d’un mandat de vétéran à son premier départ!

« C’est certain que ce fut un peu stressant pour moi parce que j’ai appris le changement vendredi. Les entraîneurs avaient dit plusieurs bonnes choses par rapport à ma chimie avec Eric Fisher. On m’avait dit qu’on me mettait avec lui parce qu’il connaît bien le jeu et qu’il a de l’expérience comme partant avec les Chiefs. On croyait que ce serait bon pour moi », a-t-il expliqué.

« Tout d’un coup, je n’avais plus ce soutien et j’ai dû fournir les informations à Jah qui est arrivé avec nous quelques jours plus tôt. On a passé beaucoup de temps à étudier les pressions des Texans et à discuter ensemble. La pression était augmentée, mais le résultat a été bon et c’est plaisant de voir que notre travail a rapporté », a poursuivi le volubile athlète.

Un autre défi colossal à l’horizon

Heureux de sa prestation – et surtout du dénouement du match – Duvernay-Tardif ne pourra cependant pas savourer cette sensation très longtemps puisque la NFL n’offre pas beaucoup de répit. En effet, les Chiefs sont impliqués dans une semaine courte si bien qu’ils procéderont à leur ouverture locale dès jeudi soir contre la troupe de Peyton Manning.

Erratiques en attaque dimanche, les Broncos voudront corriger le tir et Duvernay-Tardif sera de nouveau opposé à une ligne défensive qui se situe parmi l’élite. Le garde à droite devra notamment avoir des yeux tout le tour de la tête pour freiner les agressions de Von Miller et DeMarcus Ware.

« Il s’agit d’une autre bonne ligne défensive. Je n’ai pas encore vécu l’horaire venant avec un match du jeudi soir, mais ça s’annonce très condensé et intense. Ce sera important de se mettre tout de suite à l’étude pour notre prochain adversaire et qu’on prenne soin de nos corps », a révélé celui dont l’entraîneur Andy Reid a vanté l’intelligence et les capacités physiques.

Laurent Duvernay-TardifBien sûr, le parcours de LDT se limite à un seul match et les choses peuvent changer à la vitesse de la lumière dans l’univers du sport professionnel. Ceci dit, des médias américains parlent de lui comme l’un des joueurs les plus intrigants de la NFL.

Sa première prestation a été diffusée à RDS et on sent un engouement des Québécois envers ses performances si bien que son impact est déjà considérable.

« J’imagine qu’il y a un certain intérêt, mais j’essaie de ne pas m’imposer une pression supplémentaire. Je veux me concentrer sur mon rendement et on pourra faire un bilan au terme de la saison pour réaliser ce qui s’est produit », a exprimé le sage joueur qui évoluait sur la ligne défensive il n’y a pas si longtemps.

Pour leur début de calendrier, les Chiefs n’avaient pas besoin d’une motivation supplémentaire, mais le retour au jeu de leur meneur Eric Berry a produit un vent plus que positif dans le vestiaire. De retour d’une pause obligatoire provoquée par un cancer, Berry a inspiré sa troupe.

« C’est énorme comme effet, c’est lui qui faisait les discours dans la chambre avant de sortir sur le terrain. C’est un athlète avec énormément de charisme. Quand il parle, on sent que c’est vrai et il a le sourire aux lèvres. C’est contagieux et ça motive tout le groupe », a insisté celui qui a réussi cet impressionnant parcours tout en poursuivant ses études en médecine.

Le match contre les Texans mettait aussi en scène une première de taille. Sarah Thomas est devenue la première femme à œuvrer comme juge de ligne dans un match de la NFL et cette réussite n’est pas passé inaperçue aux yeux de Duvernay-Tardif.

« C’est très encourageant, c’est un sport extrêmement physique donc ce n’est pas donné à tout le monde de percer dans ce milieu. Je peux comprendre que ce ne serait pas possible pas pour gérer les tranchées, mais je suis content de voir que ce pas a été franchi à des positions où je ne vois aucune raison pour que ça n’arrive pas. C’est un pas dans la bonne direction pour montrer que notre sport est accessible », a-t-il conclu en n’écartant pas de voir un jour une femme enfiler l’équipement à une position plus accessible.