Le vieux dicton tiendra-t-il la route dimanche entre les Chiefs et les 49ers?
Super Bowl vendredi, 31 janv. 2020. 07:00 mercredi, 11 déc. 2024. 14:30Suivez le Super Bowl 54 entre les Chiefs et 49ers ainsi que l'avant-match de Blitz, dimanche dès 17 h sur RDS et RDS Direct.
Le duel attendu entre les Chiefs de Kansas City et les 49ers de San Francisco au Super Bowl se rapproche, et j’ai envie de dire que ça fera changement, de voir ces deux équipes batailler pour le trophée Vince-Lombardi.
Ça fait 50 ans que les Chiefs n’ont pas pris part au match ultime du circuit Goodell, tandis que pour les Niners, leur dernière présence remonte à la saison 2012.
Les Chiefs ont réussi à surmonter la défaite crève-cœur subie en finale d’association l’année dernière pour revenir plus forts et être du rendez-vous. Dans le cas des Niners, peu d’observateurs les voyaient là au moment d’amorcer leur saison, considérant qu’ils avaient affiché un bilan de 4-12 en 2018. Ça rappelle un peu l’histoire des Rams de St. Louis avec Kurt Warner, qui avaient eu une année misérable en 1998 avant d’atteindre le Super Bowl la saison suivante.
Dans un sport aussi stratégique que le football américain, qui dit deux semaines de préparation dit aussi période plus grande pour ajuster le plan de match. Le coaching, ça compte au football. J’ai toujours dit qu’il s’agit du sport d’équipe dans lequel les entraîneurs ont le plus grand impact sur le résultat. Ça demande d’une part d’élaborer ses propres tactiques, mais aussi d’anticiper celles qui seront déployées par ses rivaux. Et quand le match débute, parfois tout ça s’en va aux poubelles et on doit improviser du mieux qu’on le peut!
C’est peut-être pourquoi historiquement, on voit souvent des matchs du Super Bowl qui démarrent lentement. Celui de l’an dernier a été un exemple probant; les Rams et les Patriots de la Nouvelle-Angleterre se sont étudiés tellement longuement que les Rams ont fini par inscrire un total de trois points. Les défenses ont généralement le temps de trouver leurs repères, dans un contexte où les deux équipes sont conservatrices au 1er quart. On ne veut pas commettre la gaffe irréparable qui va donner un mauvais ton à l’affrontement. Il n’est pas rare que l’on s’attende à une explosion de points et que celle-ci ne se pointe finalement jamais le bout du nez.
C’est une évidence, on ne veut absolument pas se faire surprendre par le blitz du jour, la couverture de passe du jour ou par tout autre patron de jeu qui n’a pas été détecté sur les bandes vidéo durant la préparation. Parce que c’est certain que l’équipe adverse va présenter des jeux que tu n’avais pas vus encore.
La confrontation Reid-Shanahan
Dans ce 54e Super Bowl, on sera gâtés en ce qui a trait à la confrontation des entraîneurs.
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Le 1er est Andy Reid, auteur de 207 victoires en 21 saisons... mais qui n’a toujours pas gagné le match le plus important. Il traîne la réputation de ne pas gagner les gros matchs, mais je crois que c’est le genre de présupposition qui est sujet à débat. Personnellement, j’aimerais qu’il en remporte un. Quand on le voit agir, il m’a toujours donné l’impression d’être un instructeur aimé de ses joueurs. Ne serait-ce que pour ça, je lui souhaite la victoire, 15 ans après sa 1re présence au Super Bowl.
De l’autre côté, on retrouve Kyle Shanahan, un fin stratège. Ceux qui ont regardé attentivement les derniers Super Bowls se rappelleront qu’il était le coordonnateur offensif des Falcons d’Atlanta lorsqu’ils ont bousillé leur fameuse avance de 28-3 face aux Pats, il y a trois ans. Les Falcons s’étaient entêtés à lancer en dépit de leur confortable avance, et ils avaient fini par se brûler. On connaît la suite : les Pats avaient complétée la remontée spectaculaire en prolongation. On peut donc dire que Shanahan a lui aussi des choses à se faire pardonner. Dans son cas comme dans celui de Reid, c’est le moment d’exorciser des fantômes! Par ailleurs, ils sont tous les deux les sélectionneurs de jeux de leur unité offensive.
Au-delà de cela, il y a évidemment deux différences frappantes. On a d'une part un vétéran entraîneur-chef contre un jeune. On a aussi un apôtre du jeu aérien contre un rival qui préfère s’appuyer sur l’attaque terrestre. Bref, sur papier, c’est une confrontation assez excitante. Espérons que ça va se transposer sur le terrain.
Est-ce que le vieux dicton tiendra la route?
Le duel classique de ce dimanche, c’est sans contredit l’attaque dévastatrice des Chiefs contre la défense imperméable des 49ers.
Le bon vieux dicton veut que la défense remporte des championnats. Mais est-ce qu’on peut l’appliquer au match entre Kansas City et San Francisco?
En saison régulière, les Niners ont terminé au 2e rang de la NFL pour l’ensemble des statistiques défensives. Or, lorsqu’une défense du top-2 prend part au Super Bowl – c’est arrivé 20 fois – celle-ci présente une fiche cumulative de 15-5. Le nombre moyen de points alloués par ces formations se situe à 18 points. Disons que j’ai de la difficulté à m’imaginer que les Chiefs de Patrick Mahomes pourraient tourner autour de ce chiffre, mais on a déjà vu des choses plus étranges se produire.
Dans leur pire performance offensive de la dernière saison, les Chiefs ont marqué 13 points contre les Colts d’Indianapolis. Ce qui ressortait le plus des statistiques : ils avaient eu possession du ballon pendant 23 minutes seulement, et n’avaient marqué qu’un touché en trois présences dans la zone payante.
Puis contre les Broncos de Denver, ils ont été limités à 23 points par un après-midi enneigé. Ce qui ressort le plus, c’est l’efficacité de 25 % (1 en 4) dans la zone payante. Mais Kansas City ne ressentait pas trop la pression de marquer des touchés, puisque les Broncos n’avaient inscrit que trois maigres points.
Si on se concentre sur le nombre de sacs du quart obtenus par les Niners, il a grimpé à 55 après les deux matchs éliminatoires qu’ils ont récemment disputés. San Francisco devenait ainsi la 7e équipe lors des 15 dernières années à se présenter avec une telle récolte. La fiche des six premières équipes à l'avoir fait est immaculée, à 6-0.
Dans un match qu’on prévoit être chaudement disputé – et les preneurs au livre peinent d’ailleurs à favoriser un des deux clubs finalistes – c’est difficile de miser contre les défenses. Je fais notamment référence à l’attaque en apparence inarrêtable des Raiders d’Oakland au début des années 2000, qui avait frappé un mur face aux Buccaneers de Tampa Bay. Qui ne se souvient pas de l’offensive dévastatrice des Pats en 2007, avec la connexion Tom Brady-Randy Moss à l’avant-plan, qui avait été ralentie par les Giants de New York? Que dire des Broncos de Peyton Manning en 2013, auteurs d’une nouvelle marque pour les points marqués, et qui s’étaient butés à la Legion of Boom des Seahawks de Seattle? Disons que les exemples ne manquent pas!
Habituellement, lorsque les duels sont en apparence très égaux, je ne me casse pas la tête et j’opte pour l’équipe possédant la meilleure unité défensive. Toutefois, il n’y a absolument rien d’ordinaire à ce qu’accomplit le quart Patrick Mahomes depuis deux ans. Il est la carte maîtresse de cet affrontement, et la principale raison qui crée une hésitation chez moi.
Deux questions primordiales
Si on veut résumer l’enjeu du Super Bowl 54 en une question : la défense de San Francisco peut-elle forcer à Mahomes à rester dans la pochette? Si c’est le cas, j’aime bien les chances des représentants de l’association Nationale.
Pour tuer le serpent, il faut couper la tête du serpent! Il faudra empêcher Mahomes de bouger dans la pochette, d’utiliser ses jambes et de se donner les angles nécessaires à ce qu’il puisse compléter des passes de 40 verges et plus à ses rapides receveurs, comme il l’a fait en direction de Sammy Watkins face aux Titans du Tennessee.
Laurent Duvernay-Tardif et ses collègues auront le mandat de faire tenir la pochette pour leur quart étoile, et je peux vous dire qu’ils ont intérêt à obtenir une bonne nuit de sommeil. C’est impératif de ne pas laisser la ligne défensive terrorisante des 49ers prendre le contrôle du duel.
Lorsque les deux clubs avaient croisé le fer en 2018, le dangereux Nick Bosa n’était pas encore dans les parages. Mais déjà là, afin de calmer les ardeurs du front défensif, Andy Reid avait appelé tôt dans le match trois passes pièges à trois joueurs différents et la tactique avait fonctionné à merveille. Il s’agit d’un outil fait sur mesure pour diminuer le niveau d’agressivité d’une ligne défensive adverse.
Ça revient à dire que Reid aura un rôle-clé dans le niveau d’efficacité de Bosa et compagnie de par sa sélection de jeux.
De l’autre côté, on peut se poser la question suivante : peut-on ralentir l’attaque au sol complexe et ultra-efficace des Niners? Parce que si ces derniers arrivent à engranger 7, 8 ou 9 verges par course, disons que les chances de victoire des Chiefs en prendront pour leur rhume.
Kyle Shanahan nous a démontré au fil des matchs contre les Vikings du Minnesota et les Packers de Green Bay qu’à défaut de se faire arrêter dans le jeu au sol, il continuera d’appeler à répétition le numéro de ses porteurs de ballon. Les Chiefs devront faire différemment en ce sens, comme ils l’ont fait en 2e demie face à Derrick Henry il y a une dizaine de jours.
Sauf que l’attaque au sol des Niners, c’est complètement une autre « bibitte » que celle des Titans. C’est beaucoup plus dynamique et diversifié. C’est une alternance entre du blocage de zone et du blocage homme à homme, entre du blocage en puissance et du blocage à contre-courant... C’est aussi une attaque au sol qui mise sur l’ailier rapproché George Kittle, un des meilleurs à sa position pour bloquer, et sur le centre-arrière Kyle Juszczyk, un joueur aux utilisations multiples et au déploiement unique. Le no 44 des Niners est réellement plaisant à voir aller.
Pour démontrer à quel point San Francisco a confiance en son jeu au sol, revenons au 1er touché marqué par Raheem Mostert face aux Packers. Sur un 3e essai et huit verges à franchir, on a opté pour un blocage piège qui allait à l'encontre du jeu de passe que Green Bay anticipait. Résultat? Mostert s’est évadé sur 36 verges jusqu’à la zone des buts. En tant qu’ancien joueur de la ligne offensive, j’adore cette mentalité de la vieille école, qui est en voie d’extinction.
Bref, les deux facettes que je viens d’élaborer sont ma manière de résumer le Super Bowl. C’est là que se trouve le nœud de l’équation à mon avis.
Avec la qualité du front défensif des Niners, les représentants de la NFC ont le luxe de ne pas « blitzer » souvent pour mettre de la pression sur le quart. Ça permet potentiellement de déléguer des ressources pour assurer une double couverture sur les éléments les plus redoutables des Chiefs, soit Travis Kelce et Tyreek Hill. Si un tel scénario se produit, il en reviendra à Damien Williams, Mecole Hardman et Watkins de se mettre en évidence pour faciliter le travail de Mahomes.
Il sera par ailleurs intéressant de constater jusqu'à point les Chiefs encourageront Mahomes à courir avec le ballon. L’an dernier, en éliminatoires, le no 15 de Kansas City avait amassé 19 verges au sol. Contre Houston et le Tennessee, il en a engrangé 106. On a la preuve que si une défense choisit d’enlever à Mahomes ses options par la voie des airs, il est prêt à prendre ses jambes à son cou. C’est un stress immense sur une défense adverse.
En revoyant le match entre les deux clubs en 2018, je me suis rappelé d’un jeu de Mahomes vers Chris Conley. Sur la feuille de statistiques, on voit une passe de touché de quatre verges. Mais détrompez-vous, ce jeu était bien plus spectaculaire qu’il n’y paraît. En réalité, Mahomes avait reculé jusqu’à la ligne de 20 pour décocher sa passe. Avec la force de son bras, il peut aisément compenser même s’il doit faire marche arrière.
Ça m’a drôlement rappelé la passe d’Aaron Rodgers vers l’ailier rapproché Jace Sternberger dans la finale d’association. Étirant le jeu, Rodgers s’est donné des secondes supplémentaires sur cette séquence pour faire mal à la défense des Niners. Ce n’est pas banal car San Francisco a connu des ennuis face aux quarts mobiles. Ils n’ont pas nécessairement perdu ces matchs, mais ça leur a compliqué la tâche.
Garoppolo, une des énigmes
Je viens de vanter en détail le jeu terrestre des 49ers, mais qu’en est-il de l’efficacité du quart Jimmy Garoppolo?
On parle ici d’un quart qui n’a eu qu’à décocher 27 passes en deux matchs depuis le début du calendrier d’après-saison. En moyenne, ce sont 104 verges qu’il a engrangées jusqu’à présent.
En même temps, il a prouvé en début de match face aux Vikings qu’il était prêt pour du football d’éliminatoires. Shanahan s’était appuyé sur lui, et Jimmy G avait répondu présent.
Sa prestation face aux Saints de La Nouvelle-Orléans en saison régulière avait aussi permis de voir qu’il est capable de grandes choses (349 verges de gains et quatre passes de touché) si l’on doit s’appuyer sur lui lors d’un festival offensif.
Lorsque Garoppolo a dû décocher plus de 30 passes en 2019, chose qui s’est produite sept fois, son équipe a montré un bilan de 5-2. Il faut donc faire attention à ce qu’on avance lorsqu’on dit que les Chiefs doivent souhaiter que Garoppolo les batte par lui-même. Je comprends qu’on craigne plus le jeu au sol, mais les statistiques tendent à démontrer que le quart des Niners peut livrer la marchandise lui aussi.
En saison régulière, Garoppolo a tenté 476 passes, contre 484 pour Mahomes. Le quart des Niners a affiché un taux de passes complétées de 69 %, contre 65 % pour son vis-à-vis. Garoppolo a totalisé 3 976 verges aériennes, et Mahomes 4 031. Et à ceux qui seraient portés à croire que Jimmy G complétait de plus petites passes, notez que sa moyenne de verges par passe tentée a été de 8,4, comparativement à 8,3 pour Mahomes.
Je pourrais poursuivre dans cette veine avec quelques autres chiffres, mais la réalité demeure que c’est au chapitre des interceptions que se trouve la différence majeure. Il s’agit de la plus grosse tache au dossier de Garoppolo : 14 interceptions en saison régulière, contre cinq pour Mahomes. Une de ses passes a été interceptée face aux Vikings (et ç’aurait dû être deux), et il est également passé bien près d’être victime d’une interception face aux Packers. C’est le côté qui chicote le plus dans le rendement de Garoppolo.
Mais globalement, le quart des Niners est loin d’être facile à freiner. Surtout que les Niners se spécialisent dans la feinte de course suivie d’une passe. C’est normal, car l’excellence de leur jeu au sol met la table pour les passes du no 10. Il l’a prouvé à maintes reprises, particulièrement durant les 16 matchs de saison régulière : Garoppolo peut faire du dommage.
Chiefs : enfin un bon départ?
Je ne prendrai personne à contre-pied en affirmant que le début de match des Chiefs devra être différent des deux dernières rencontres. On le sait, contre les Texans, l’équipe d’Andy Reid a tiré de l’arrière 24-0. Contre les Titans la semaine suivante, le fossé a été de 17-7.
Dans un monde idéal, il faudrait reproduire le scénario dans lequel les Chiefs menaient 35-10 en 1re demie face aux Niners. Évidemment, un nombre considérable de variables ont changé, à commencer par le fait que le match n’est pas au Arrowhead Stadium.
En même temps, Kansas City aura au moins l’assurance qu’ils ont les munitions pour combler un retard de 10 points et plus, si ça devait se reproduire. Dans un match sans lendemain, c’est plaisant de savoir que tu es passé par là récemment et que tu as survécu.
Mais un début en force demeure la manière la plus évidente d’empêcher les 49ers de simplement remettre sans arrêt le ballon à leurs demis offensifs. Vraiment pas certain que de tirer de l’arrière face aux Niners soit une bonne idée! Il ne faut pas leur laisser de luxe de parcourir méthodiquement le terrain avec un livre de jeux complet à leur disposition. Les Niners n’ont pas eu à vivre des moments stressants à leurs deux dernières sorties, n’ayant pas tiré de l’arrière au score contre le Minnesota et Green Bay. Qui sait quelle serait leur réaction s’ils se retrouvaient devant un déficit de 14-0?
Puisqu’il faut se mouiller...
Ça ne sert à rien pour moi de cacher le fait que je souhaite à Laurent Duvernay-Tardif de goûter à l’euphorie de gagner le Super Bowl. Quel moment incroyable ce serait de voir un Québécois remporter le prestigieux trophée.
Mais au-delà de cette appréciation pour notre « LDT », je persiste à croire que Patrick Mahomes peut être l’élément qui fera mentir tous ces chiffres provenant des derniers Super Bowls favorisant les 49ers et leur unité défensive épeurante.
Je vais prendre le pari que Mahomes, grâce à sa mobilité, sa créativité et sa capacité à improviser, va réaliser quelques gros jeux qui feront des Chiefs les vainqueurs du 54e Super Bowl dimanche.
Aux 49ers de nous démontrer que la meilleure des deux équipes peut l’emporter aux dépens du meilleur joueur à disputer ce match.
* propos recueillis par Maxime Desroches